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Le Songe d'une nuit d'étéPour donner naissance à la féérie de son réjouissant Songe d’une nuit d’été, le metteur en scène Jean-Michel d’Hoop a su bien s’entourer. De Xavier Lauwers pour la lumière, d’Olivier Wiame pour la scénographie, de Vincent Rutten pour les décors, de Camille Collin pour les costumes, de Loïc Nebreda pour la création des marionnettes. Ensemble, ces talents ont donné vie à un de ces spectacles dont le public avait grand besoin, à l’heure où il a enfin pu laisser le masque au vestiaire des salles de spectacles. La relecture drôle et pertinente que Jean-Michel d’Hoop fait de cette nuit de folie shakespearienne aborde des sujets contemporains comme le genre, le consentement et le droit des filles à disposer d’elles-mêmes. Par la magie du théâtre, la forêt des songes se transforme en discothèque et en Gay Pride, sans jamais perdre de vue les intentions initiales du grand Will. E.R.


De Jean-Michel d’Hoop d’après Shakespeare.

Créé au Théâtre de Poche.

Assistanat à la mise en scène Lucile Vignolles Musique Boris Gronemberger Marionnettes et masques Loïc Nebreda, assisté par Isis Hauben, Maël Christyn, Ségolène Denis Stagiaire marionnettes Garance Bancel Scénographie Olivier Wiame assisté par Olivia Sprumont Costumes Camille Collin Confection costumes Cinzia Derom Stagiaire costumes Evy Demotte Lumières Xavier Lauwers Chorégraphie Jérôme Louis Construction décor Vincent Rutten Régie générale Julie Bernaerts, Grégoire Tempels, Marc Defrise. 

Un spectacle de la Compagnie Point Zéro en coproduction avec le Théâtre de Poche, l’Atelier Théâtre Jean Vilar, La Maison de la culture de Tournai, la COOP asbl et Shelter Prod. 

LocoSpectacle vertigineux, la nouvelle création marionnettes de Natacha Belova et de Tita Iacobelli est une lente et imperceptible plongée dans le monde de la folie. Loco est l’adaptation au théâtre d’un monument de la littérature russe : Le Journal d’un fou de Nicolaï Gogol. Édité en 1835, cet ouvrage prend la forme d’un journal intime à travers lequel, le lecteur est invité à suivre les pensées d’un homme fragile et solitaire. Poprichtchine est un fonctionnaire modeste. Pour sortir de sa condition et avoir une chance d’être remarqué par la fille de son directeur, il écoute la petite voix intérieure qui le pousse à s’inventer roi d’Espagne. Dans la pénombre, c’est sous la forme d’une marionnette de papier mâché que Poprichtchine se présente à la salle. Seul, au milieu d’un lit-prison, notre copiste se raconte. La chambre à coucher se transforme, les draps s’éveillent à la vie et dessinent dans la nuit les contours des personnages qui hantent son imaginaire tandis que du bout des doigts, les marionnettistes Tita Iacobelli et Marta Pereira accompagnent ce héros abîmé dans sa longue et lente descente aux enfers. F.C.


Créé au Théâtre National Wallonie-Bruxelles.

Mise en scène, dramaturgie, interprétation Tita Iacobelli Mise en scène, dramaturgie, conception scénographie et marionnettes Natacha Belova Interprétation Marta Pereira  Chorégraphies, regard extérieur Nicole Mossoux Assistant à la dramaturgie , Regard extérieur Raven Rüell Remerciements pour la contribution artistique à Sophie Warnant Création lumière Christian Halkin Marionnettes Loïc Nebreda Création Sonore Simón González Costumes Jackye Fauconnier Scénographie et Assistant à la mise en scène Camille Burckel Création Studio Théâtre National Wallonie-Bruxelles Production Javier Chávez Production Artistique Daniel Córdova Régie lumière Gauthier Poirier 

Production Compagnie Belova-Iacobelli Coproduction Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Théâtre de Poche Bruxelles, L’Atelier Théâtre Jean Vilar Louvain-la-Neuve, Maison de la Culture de Tournai, Festival Mondial de la Marionnette Charleville-Mézière , Fondation Corpartes Santiago, Chili, Le théâtre de la Cité de Toulouse.

Dimanche

Pour la première fois, les compagnies Focus et Chaliwaté unissent leurs savoir-faire et le résultat est épatant. Dans leur fable où l’on suit en parallèle une équipe de tournage aux quatre coins de la planète et une famille qui tente vivre comme si de rien n'était dans la canicule et les tornades, l’équipe menée par Julie Tenret, Sicaire Durieux et Sandrine Heyraud crée de la pure magie visuelle. Un face-à-face avec une maman ours polaire et son petit, des voyages secoués en camionnette, un repas où les aliments s’envolent, une inondation qui fait flotter les méduses aux côtés des objets d’un intérieur, une maison qui fond : tout est possible, en intégrant l’art de la marionnette et du théâtre d’objet, des séquences vidéo pré-enregistrées et des trucs et ficelles empruntés à la magie et aux effets spéciaux artisanaux des débuts du cinéma. S’il en met plein les yeux, Dimanche a aussi des choses à dire -même sans parole- et ne se prive pas, dans cette synthèse de l’effondrement du monde, de tirer la sonnette d’alarme sur l’état d’urgence climatique. E.S.

Créé au Théâtre de Namur.

Un spectacle de Julie Tenret, Sicaire Durieux, Sandrine Heyraud.

Un spectacle des compagnies Focus et Chaliwaté, en coproduction avec le Théâtre Les Tanneurs, le Théâtre de Namur, la maison de la culture de Tournai/maison de la création, le Sablier – Ifs (FR), Arts and Ideas New Haven (Etats-Unis), Festival Adelaide (Australie), Auckland Arts Festival (Nouvelle-Zélande) et La Coop asbl | Une production déléguée du Théâtre Les Tanneurs. Une production associée du Théâtre de Namur et de la maison de la culture de Tournai/maison de la création.

Des caravelles et des batailles

En nous accueillant dans un refuge en montagne, Des caravelles et des batailles invite à pousser les murs de notre imaginaire. Il faut d’ailleurs tout imaginer de cet endroit de retraite qui accueille ses pensionnaires après de longues heures de marche. Pourquoi sont-ils là ? Pour sortir du monde, rien que ça. Une extraction d’un quotidien oppressant pour la pensée. Car ici, on reconstruit tout, y compris la vie qu’on se rêve, au sein d'une communauté libre de toute contrainte. À l’origine du projet construit par le collectif de comédiennes et comédiens qui le porte, Benoit Piret et Elena Doratiotto ont suivi ainsi le principe de Heiner Muller selon lequel l’imaginaire permet de dialoguer autrement avec le réel. Tout être humain porterait ça en soi, encore faut-il le révéler. Et ce spectacle rafraîchissant et profond de réussir à nous porter tout en nous surprenant par les étranges événements que vit cette communauté éclectique mais surtout sereine. On se pose et on s’écoute, du moins le croit-on. Car ce serait oublier le poids de l’histoire sur nos consciences – toujours écrite par les vainqueurs –, à l’image de cette fresque (invisible et à imaginer donc) retraçant les épisodes du massacre par Cortez de l’empire inca. Des caravelles et des batailles se sont aussi des références multiples, à Thomas Mann ou à Robert Musil, tout en laissant le public entrer dans son récit sans qu’il n’ait besoin de ses prérequis. Une fable intelligente et un appel au lâcher-prise, non sans conscience. N.N.


Des caravelles et des batailles d’Éléna Doratiotto et Benoît Piret.

Création au Festival de Liège.

Un spectacle de Wirikuta ASBL en coproduction avec Festival de Liège, Mars – Mons Arts de la Scène, Théâtre Jean-Vilar de Vitry- sur-Seine, Maison de la Culture de Tournai, La Coop ASBL.

Tita Iacobelli
Natacha Belova
Compagnie Belova-IacobelliL’actrice et metteuse en scène chilienne Tita Iacobelli et la marionnettiste belgo-russe Natacha Belova se sont rencontrées en 2012 à Santiago du Chili dans le cadre du Festival La Rebelión de los Muñecos. En 2015, elles créent un laboratoire de recherche autour du théâtre contemporain de marionnette dans la même ville. À la fin de cette expérience de deux mois, elles décident de créer ensemble un spectacle.
Qui a peur

C’est chaque soir la même pièce. Littéralement pour Claire (Bodson) et Koen (De Sutter) qui depuis des années rejouent chaque soir Qui a peur de Virginia Woolf ?. L’électricité qui émane de l’œuvre d’Edward Albee a déteint sur leur couple, devenu la caricature de la paire d’artistes se préparant une maigre retraite, les dettes restant à éponger. Mais alors qu’elle pensait que c’était la dernière saison, son mari lui apprend qu’ils rencontrent ce soir-là, leurs futurs partenaires de scène pour une nouvelle série de représentations. Et d’exposer alors à ces deux vertes recrues (Khadim Fall et Leila Chaarani) le spectacle d’un théâtre désolé des rêves éteints. Dans ce Qui a peur venant secouer l’hypocrisie de la (parfois indispensable) politique culturelle des quotas, Aurore Fattier nous place visuellement et dramaturgiquement dans les coulisses d’un théâtre traversés pScénographiear les enjeux de société, les grandes causes (la lutte contre le racisme, la parité, le transgénérationnel) se liant aux ambitions et faiblesses de chacun. Après avoir monté Shakespeare, Pinter, Bernhard, entre autres, la metteuse en scène trouve chez Tom Lanoye et sa langue gourmande matière à y appliquer sa formidable direction d’acteurs et son amour du jeu avec le plateau, cinquième acteur de ce drame cinglant. N.N.

Qui a peur de Tom Lanoye, mise en scène d’Aurore Fattier.

Créé au Varia.

Texte Tom Lanoye Traduction française Aurore Fattier et Koen de Sutter Mise en scène Aurore Fattier Scénographie & costumes Prunelle Rulens dit Rosier Interprétation Claire Bodson, Leïla Chaarani, Koen De Sutter, Khadim Fall 

Production  Solarium asbl Coproduction Dadanero, Theatre Varia, La Coop asbl, Shelter Prod. Avec l’aide  de la Fédération Wallonie-Bruxelles, du Centre des arts scéniques, du Théâtre des Doms.

Reprise du 7 au 28 juillet au Théâtre des Doms (Avignon) et les 19 et 20 août au Festival de Spa.

Test
Stanley: Small Choices in Rotten ApplesAbsurde et décalé, l’univers de Simon Thomas n’est plus à présenter. Après Char d’assaut, sa nouvelle création poursuit l’exploration caustique et inventive du sens et du non-sens de nos sociétés, en s’inspirant librement du jeu vidéo The Stanley Parable, de Davey Wreden et William Pugh. Clément Thirion y incarne Stanley, employé de bureau pour le moins ordinaire, dont le travail consiste à presser des boutons toute la journée. Rien d’incroyable jusqu’à ce que cet environnement bureaucratique se mette à défier les lois de la physique, perturbant peu à peu l’ordinaire a priori si bien huilé de Stanley. Le résultat en est époustouflant : explorant les interstices et les brèches de la réalité, Simon Thomas et son équipe glissent vers l’inquiétante étrangeté, jusqu’à basculer carrément dans l’horreur ! Se revendiquant d’un savant mélange entre Magritte et Buster Keaton, La Horde Furtive coupe le souffle tant par la maîtrise du procédé narratif que par ses effets scéniques renversants. A.D.


Un spectacle de Simon Thomas.

Créé à l'Atelier 210.


Conçu ensemble avec Thibaut De Coster, Véronique Dumont, Héloïse Jadoul, Iris Julienne, Charly Kleinermann, Clément Thirion et Thomas Turine. Rendu possible grâce au travail de Camille Bono, Angela Massoni, Jean-François Philips, Alice Spenlé et Olivier Vincent.

Un spectacle de La Horde furtive en coproduction avec l'Atelier 210 et de MARS - Mons Arts de la scène.

IntérieurLa scène de théâtre comme un monde de clairs-obscurs et de mystère, un espace sacré où l'ordinaire n'est jamais loin du spirituel et où la mort dialogue avec la vie. Pour transposer à la scène un court texte de Maurice Maeterlinck, Héloïse Jadoul s'est plu à laisser parler le silence et l'espace avec l'option radicale de se passer de mots pendant les 50 premières minutes de son spectacle. Quatre personnages dans une maison veillent dans la nuit comme dans un espace mental. Et quand cette maison se disloque, c'est pour laisser la place à la forêt, et à une autre manière de faire résonner l'espace. Le travail des lumières et la physicalité du son participent non seulement à la beauté plastique de la pièce mais aussi à sa narration. Sa scénographie dévoile un dialogue entre intérieur et extérieur, entre les vivants et les morts, le présent et le passé. Des subtiles références picturales aux primitifs flamands, à la peinture symboliste, comme à Edward Hopper se dégage une impression diffuse d'intemporalité qui nous renvoie à notre propre finitude. G.B. 


Intérieur d'Héloïse Jadoul d'après Maurice Maeterlinck. 

Scénographie de Bertrand Nodet. 

Créé à La Balsamine

Texte Maurice Maeterlinck Mise en scène Héloïse Jadoul Interprétation Sarah Grin, Ophélie Honoré, Manon Joannotéguy et Alexandre Trocki et une dizaine de participant.e.s bruxellois.e.s Régie plateau Sandrine Nicaise Régie lumière Amaury Baronnet Régie son Jérémy Michel Création sonore Olmo Missaglia Création lumière et régie générale Angela Massoni Scénographie et costumes Bertrand Nodet Construction décor Olivier Waterkeyn, Boris Dambly, Eugénie Obolensky, Sébastien Munck Création chorégraphique Lorenzo De Angelis Stagiaire assistanat à la mise en scène Mizuki Kondo 

Production Théâtre de la Balsamine Coproduction Mars – Mons arts de la scène, maison de la culture de Tournai/maison de création, Coop asbl – Shelter prod Soutiens Fédération Wallonie-Bruxelles – Service du Théâtre, Taxshelter.be, ING, Tax-Shelter du Gouvernement fédéral belge

Un spectacle du Théâtre de la Balsamine, en coproduction avec Mars – Mons arts de la scène, maison de la culture de Tournai/maison de création, Coop asbl – Shelter prod. Création au théâtre de la Balsamine.

Bertrand Nodet
Héloïse Jadoul
Jean-Michel D'Hoop
Mademoiselle Agnès

Un décor d’une grande classe et une distribution de choix pour écrin et relais de cette merveilleuse relecture du Misanthrope de Molière. Le talent qu’a la dramaturge allemande Rebekka Kricheldorf pour relire les classiques, on avait déjà pu y goûter avec Villa dolorosa, qui rejouait Les Trois Sœurs. Ici c’est au quadricentenaire Molière qu’elle s’attaque en faisant d’Agnès, une Alceste contemporaine. Le personnage qu’incarne France Bastoen avec toute la finesse caustique qui lui sied risque pourtant de perdre les êtres qui lui sont chers. Autour de l’actrice, une sacrée troupe (Daphné D’Heur, Fabrice Adde, Adrien Drumel, Stéphane Fenocchi, Félix Vannorenberghe, Gwendoline Gauthier et Chloé Winkel) recompose la comédie classique qui attaque en règle les arrogances du monde de l’art, en la sublimant d’une délicate peinture de mœurs. À la baguette de cette symphonie, un Philippe Sireuil dont on retrouve l’élégance visuelle et la précision du jeu de ses acteurs, jetant ici et là des ponts entre l’original et le "remix", rendant hommage, en cette année anniversaire, à l’éternité de maître Poquelin d’une belle manière. N.N.

Mademoiselle Agnès de Rebecca Kricheldorf, mise en scène de Philippe Sireuil.

Créé au Théâtre des Martyrs

Texte Rebekka Kricheldorf Traduction Leyla-Claire Rabih & Frank Weigand Mise en scène et lumières Philippe Sireuil Jeu Fabrice Adde , France Bastoen, Daphné D’Heur, Adrien Drumel, Stéphane Fenocchi, Gwendoline Gauthier, Félix Vannoorenberghe, Chloé Winkel  Scénographie Vincent Lemaire Costumes Pauline Miguet Maquillages et perruques Djennifer Merdjan Stagiaires maquillages Sabrina Rottiers & Lucy Zeitoun Vidéo Hubert Amiel Chorégraphie Daren Ross Musique Pierre Constant, François Sauveur Arrangement musical Jean-Luc Fafchamps Régie générale Cyril Aribaud Régie Antoine Vanagt Assistanat à la mise en scène Lauryn Turquin

Une production La Servante, La Coop & Shelter Prod. Avec le soutien de la Fédération Wallonie- Bruxelles-Direction générale de la Culture, Service général des Arts de la scène, Service Théâtre, de Tax Shelter.be, ING, du Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge. Avec l’aide de la COCOF – Fond d’acteur & Initiation Scolaire.

Marche salopePhotographe de formation et de profession, Céline Chariot livre dans Marche Salope la reconstitution glaçante et fascinante d’un souvenir bouleversant après une amnésie traumatique. N’étant ni comédienne ni danseuse, elle ne dit pas un mot et n’invente aucune gestuelle originale. Toute la force de son spectacle vient du rapport entre les différents éléments de celui-ci: la présence silencieuse de la jeune femme, son regard tourné vers la salle, les voix off des comédiennes qui portent son discours et une série d’objets et d’éléments divers qui vont, petit à petit participer à cette douloureuse plongée dans le passé. «Votre regard est actif. La vue est un toucher…», dit une des voix off. Et c’est vrai que notre regard a de quoi s’activer entre la chaise qu’on démonte pièce par pièce, le lit qui s’installe petit à petit avec, tout autour, ces objets sans importance apparente mais qui aident à reconstituer la réalité d’un fait trop longtemps occulté, les coquilles d’huîtres déposées une à une sur le plateau puis explosées à coups de masse... Avec l’aide de l’artiste plasticienne Charlotte De Naeyer et des accessoires et costume de Marie-Hélène Balau, c’est une scénographie vivante, parlante, poétique et en constante évolution qui se déploie sous nos yeux, telle une interprète à part entière d’une performance hors du commun. J.M.W.


De Céline Chariot, mise en scène de Céline Chariot et Jean-Baptiste Szezot.

Créé au Festival de Liège.

 Line Daenen Artiste plasticienne Charlotte De Naeyer Accessoires et costume Marie-Hélène Balau

Production Festival de Liège, avec le soutien du Collectif Co-legia de Prométhéa, de la Fédération Wallonie Bruxelles, de la Province de Liège, de Shanti Shanti asbl, du Théâtre National Wallonie-Bruxelles, du Théâtre des Doms

Reprise les 19 et 20 janvier au Centre culturel de Soumagne, les 1er et 2 février au Festival de Liège, le 16 mars au Centre Culturel d’Uccle et en mars 2024 à la Maison de la culture de Tournai.

Philippe Sireuil
Vincent Lemaire
Céline Chariot
Charlotte De Naeyer
Simon Thomas
Clément Thirion

L’un est le héros unique de l’adaptation d’un jeu vidéo sorti en 2013 ; l’autre est l’un des personnages-pivots d’un classique du théâtre français du XVII siècle. Le premier ne prononce pas un mot ; le second déballe les répliques magnifiques à la saveur ancienne habilement tournées par Jean-Baptiste Poquelin. L’un revêt la tenue stricte de l’employé de bureau modèle ; l’autre combine coupe mulet, justaucorps doré et kilt dans un ensemble on ne peut plus excentrique. Ces deux personnages que tout oppose – Monsieur de Sotenville, père d’Angélique, dans l’adaptation de George Dandin ou le Mari confondu fomentée par la Clinic Orgasm Society d’une part ; de l’autre, Stanley, dans le seul en scène du même nom concocté par Simon Thomas et sa Horde Furtive , Clément Thirion parvient à leur donner une vie plus que convaincante (mais aussi à une jeune bergère et un serviteur emplumé, dans le cas de George de Molière), en déclenchant aussi bien le rire que l’apitoiement. Qu’il soit en train de (tenter de) ramasser une touillette ou de forcer un mari mal marié à s’excuser, le comédien-danseur-chorégraphe (et par ailleurs auteur et metteur en scène) a magistralement rempli le cahier des charges. On en redemande. E. S


Clément Thirion

Dans George de Molière, de Ludovic Barth & Mathylde Demarez d’après Molière.

Un spectacle de la Clinic Orgasm Society en coproduction avec Théâtre Varia, MARS – Mons Arts de la scène, Théâtre de Liège, La Coop asbl et Shelter prod.

Création au Théâtre Varia.

Et dans Stanley : small choice in rotten apples, de Simon Thomas.

Un spectacle de La Horde furtive en coproduction avec l'Atelier 210 et de MARS - Mons Arts de la scène.

Création belge à l’Atelier 210.

À-Vide

Fondé en 2019, L'Absolu Théâtre réunit quatre jeunes artistes : Aurélien Dony, poète, auteur, metteur en scène, comédien et chanteur; Charlotte Simon, comédienne et danseuse ; Jérôme Paque, musicien ; et Nathalie De Muijlder, assistante à la mise en scène. Ensemble, ils œuvrent à “un théâtre d'un genre nouveau, où, définissent-ils, le texte, dans sa puissance poétique, s'allie à la spontanéité du jeu, à la liberté et la singularité des interprètes, à l'élan qui nous pousse, nous autres jeunes créateurs, à rêver d'un espace ouvert aux explorations, aux errances, aux vertiges de toutes sortes”. Avec À-vide, écrit et mis en scène par Aurélien Dony, la petite équipe sonde l'impalpable – la peur –, plonge les mains dans le rien, laboure le néant du moi – “Qui suis-je ?”, s'interroge Charlotte – tout en investissant l'espace physiquement, en comblant le vide : “C'est quelque chose, la danse, qui se nourrit du vide”, confie-t-elle. Performance raffinée et métaphysique, À-vide tire toute sa beauté et sa vivacité d'un savant alliage entre l'écriture poétique et nerveuse d'Aurélien Dony, le jeu introspectif et franc de Charlotte Simon mêlé à une impeccable maîtrise chorégraphique, et la partition mélodieuse de Jérôme Paque. S.B.


D’Aurélien Dony.

Création au Boson.


Avec Charly Simon et Jérôme Paque Écriture Aurélien Dony Mise en scène Aurélien Dony Assistanat Nathalie De Muijlder 

Scénographie Alissia Maestracci et Baptiste Wattier Costumes Charly Simon Musique Jérôme Paque Régie Inès Degives

Une création de L'Absolu Théâtre avec le soutien du Centre Culturel de Dinant, du Centre des Arts Scéniques et du Boson.

Aurélien Dony
Appellation sauvage contrôlée

Hélène Collin fait de son corps et de sa voix les vecteurs de la parole indienne, dix ans après sa découverte de Wemotaci, l’une des trois réserves de Nation Atikamekw, au Nord du Québec. Démontant avec audace et intelligence le mythe du sauvage, elle a consacré à cette communauté un premier long-métrage documentaire, We Are Not Legends, suivi d’un spectacle documentaire ambitieux, dont Jacques Newashish, artiste peintre Atikamekw, signe la dramaturgie. Dénoncer le rapport au territoire, les questions de (dé)colonisation et le drame d’un génocide passé sous silence par les autorités canadiennes, porter dans ses flancs la violence de l’Histoire – sans tomber dans le piège des bons sentiments : voilà comment Hélène Collin a souhaité mettre en scène les rencontres, les traces, les liens et les sensations engrangés au cours de ses différents séjours. Une expérience qui se compose de récits personnels, d’anecdotes, de témoignages filmés et de la restitution de la parole des personnes rencontrées. «Pour moi l’Occident a ce côté ogre qui dévore les autres cultures, se les approprie, les engrange, mais il n’est toujours question que de lui», déclare-t-elle. «Wemotaci a toujours agi comme un aimant. Mon désir est de pouvoir immerger le spectateur dans ce territoire du bout du monde.» A.D.


De Hélène Collin.

Créé au Rideau.

Interprétation Hélène Collin Dramaturgie Jacques Newashish Mise en scène Valérie Cordy Assistant à la mise en scène Dario Bruno Scénographie Matthieu Delcourt Création lumière Florentin Nico Crouzet Création sonore Marc Doutrepont Création vidéo Jeanne Cousseau Régie son et vidéo Nicolas Stroïnovsky Régie lumière Gauthier Minne Régie plateau Stanislas Drouart Conseillère artistique Françoise Berlanger Collaboration lumière et costumes Perrine Vanderhaegen Collaboration avec les Esprits de la Nature Laurence Renard.

Une création de la Compagnie Niska. Production Le Rideau de Bruxelles, Espace Magh, Compagnie Gazon-Nève, La Fabrique de Théâtre, COOP asbl. Avec le soutien du Delta (Province de Namur), de la Chaufferie Acte1, des Abattoirs de Bomel, de AdLib, le corridor, de Shelterprod, Taxshelter.be, ING et du Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge. 

Hélène Collin
The Visit

Fondée en 2016 par Mbalou Arnould, metteuse en scène, comédienne, performeuse et violoniste, et Blanche Tirtiaux, metteuse en scène, comédienne et musicienne, la compagnie La Pigeonnière ancre son travail de recherche et ses créations loin des salles de spectacle, dans l’espace public au travers de dispositifs immersifs. Avec The Visit, safari urbain créé en mai 2021 aux Riches-Claires, le duo confronte les spectateurs avec subtilité et humour, mais non sans piquant, aux dérives, travers et incohérences de notre société de consommation (la pollution, le patriarcat, la pandémie…).

Munis d’un siège pliable, d’un masque oculaire et d’un casque audio, les spectateurs sont emmenés hors des murs du théâtre, pour être téléportés en plein anthropocène, au début des années 2020, au cœur d’une métropole. Ils sont accueillis par deux spécialistes - Martha Singer-Delamotte (Mbalou Arnould) et Betty Von G. (Blanche Tirtiaux) - de l’Institute of Applied Anthropology. Pendant 1h30, elles vont guider l’assistance pour observer, “incognito”, les autochtones de l’anthropocène. Autrement dis, nous. Une expérience théâtrale efficace, drôle et interpellante. S.B.


De Mbalou Arnould et Blanche Tirtiaux.

Créé au Centre culturel des Riches-Claires.

Concept, écriture, interprétation Mbalou Arnould et Blanche Tirtiaux Technique Edith Herregods Auteur référent – texte ressource François Emmanuel Regard extérieur Sara Selma Dolorès Coaching jeu Olivier Mahiant Accessoires Hélène Meyssirel Costumes Franziska Schutz

Un spectacle de la Compagnie de la Pigeonnière. Avec le soutien de la ville de Bruxelles, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, du Musée des Egouts, du CC Wolubilis, du CC Bruegel, de la Maison de la Création, des Riches-Claires et de l’asbl Kopanica.

Reprise les 20 et 21 août 2022 au Festival de Chassepierre, le 16 septembre 2022 à Saint-Gilles, le 25 septembre 2022 au CC d’Habay-la-Neuve, les 22 et 23 octobre 2022 à L’Éden (Charleroi)…

Blanche Tirtiaux
Le Jardin
Céline Delbecq

Comme dans L’Enfant sauvage ou Cinglée, Céline Delbecq donne la parole à ceux qui n’en ont pas ou qui l’ont perdue. "Carine Bielen est un numéro de dossier." En une phrase, elle dessine le personnage de ce monologue au titre énigmatique. À cheval sur le dos des oiseaux convoque le drame de ces femmes et de ces hommes qui vivent dans la précarité et que le système a orientés, dès le plus jeune âge, vers une filière handicapée, décidant à leur place ce à quoi ils ont droit ou pas. Et notamment pour Carine, interprétée avec une grande humanité par Véronique Dumont, le droit à la maternité. Mais ce n’est pas parce que quelqu’un, dans un bureau, a décrété qu’elle ne pouvait pas s’en occuper, qu’elle n’éprouve pas pour son fils un amour entier et infini. Parce qu’avec lui, elle a reçu "le monde entier". Les mots de Céline sont simples, ils sont justes et touchants. E.R.

Pour À cheval sur le dos des oiseaux.

Créé au Rideau.

Mise en scène Céline Delbecq Avec Véronique Dumont.

Un spectacle de la Compagnie de la Bête Noire, en coproduction avec le Rideau, La Coop asbl, Théâtre des Ilets/CDN de Montluçon, Centre culturel de Dinant et Centre culturel de Mouscron.

Reprise le 17 octobre 2022 au Théâtre de Namur, les 20 et 21 octobre 2022 au CC des Roches, les 10 et 11 janvier 2023 à la MC Tournai, le 17 janvier 2023 au CC d’Engis, Le 24 janvier 2023 au CC de Dinant,…

France Bastoen

Agnès est recluse chez elle et observe le monde avec cruauté et distance. Jamais elle ne se sent en aussi belle compagnie qu'avec elle-même. Bloggeuse et critique d'art influente, elle vit au centre d'une cour d'artistes, journalistes et trendsetters où la flatterie est une seconde nature. Elle ne supporte pas l'hypocrisie sociale qui nous fait dire le contraire de ce que l'on pense. Dans cette transposition féminine et contemporaine du Misanthrope de Molière, France Bastoen prend beaucoup de plaisir à ce jeu de massacre au scalpel. Refusant de mentir sauf à elle-même, elle déploie un bel éventail de sentiments, piégée entre l'intransigeance de sa misanthropie, l'illusion d'un amour à sa mesure et le paysage en ruine de sa solitude.

Dans Girls and Boys, elle raconte l'histoire de son couple dans un intense monologue en montagnes russes. Dans la rigueur d'un décor minimaliste, elle passe dans le même souffle de la légèreté à l'horreur, de l'humour à la tragédie. Généreuse, cette femme sans nom est traversée par la colère ce qu'elle a vécu, elle est animée par l'espoir de ce qu'elle peut encore vivre. G.B.


France Bastoen 

Dans Mademoiselle Agnès de Rebekka Kricheldorf mis en scène par Philippe Sireuil (Théâtre des Martyrs).

Une production La Servante, La Coop & Shelter Prod. Avec le soutien de la Fédération Wallonie- Bruxelles-Direction générale de la Culture, Service général des Arts de la scène, Service Théâtre, de Tax Shelter.be, ING, du Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge. Avec l’aide de la COCOF – Fond d’acteur & Initiation Scolaire.

et dans Girls and Boys de Dennis Kelly mis en scène par Jean-Baptiste Delcourt (Théâtre des Martyrs).

Une coproduction La Servante, La Coop & Shelter Prod. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles-Direction générale de la Culture, Service général des Arts de la scène, Service Théâtre Tax Shelter.be, ING, du Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge.

Gwendoline Gauthier

Dans Iphigénie à Splott, elle est Effie, une fille d'un quartier déshérité de Cardiff, habituée à se bourrer la gueule et à haranguer les passants qui la considèrent en retour comme une moins que rien. Gwendoline Gauthier balance le malaise de son personnage avec l'arrogance d'une guerrière, la provocation et l'humour des losers. Pour s'imprégner de son rôle, elle est partie à Cardiff et a dormi dans le quartier de Splott où elle a répété son texte dans les pubs pleins et les parcs vides. Sur scène, seule avec son Chesterfield et le soutien de trois musiciens très rock, elle délivre son monologue dans un intarissable flux d'énergie, comme si sa vie en dépendait. Et quand l'occasion lui est donnée de sortir de la détresse et de l'autodestruction, elle s'y engouffre avec la même intensité, bien décidée à ne pas laisser échapper ce qui lui est dû. Elle change de registre dans Mademoiselle Agnès où elle se pavane en artiste performeuse, nouvelle marquise des réseaux sociaux. Autre univers dans le spectacle jeune public Au pied des montagnes où elle est conteuse et magicienne des ombres dans cette allégorie sur l'acceptation des différences. G.B.


Gwendoline Gauthier

Dans Iphigénie à Splott, de Gary Owen, mise en scène de Georges Lini.

Une coproduction du Théâtre de Poche et de la Cie Belle de Nuit.

Création au Théâtre de Poche.

Reprise le 5 juillet 2022 à l’Abbaye de Stavelot, les 12 et 13 août au Festival de Spa, le 24 septembre au CC Jacques Franck (Saint-Gilles), du 4 au 7 octobre au Théâtre de l’Ancre (Charleroi), les 9 et 10 février 2023 au CC de Verviers, le 11 février au CC de Tubize, le 15 février au CC de Huy, le 16 février au CC de Braine-le-Comte, les 17 et 18 février au CC de Saint-Ghislain, du 11 au 29 avril au Théâtre de Poche et les 13 et 14 mars au CC de Mouscron.

François Emmanuel

Le texte qu'incarne la comédienne Marie Bos est comme un dédale de miroirs dans l'exiguïté d'une cabine d'essayage. Un labyrinthe de mots qui renvoie à Lol, mannequin de prêt-à-porter, les images fragmentées des illusions de la publicité et de l'apparence, du regard des hommes sur son corps-objet et d'une agression traumatique qui refait surface. Avec François Emmanuel, ces images passent par des langues qui ont leur nature et leur sensibilité propre, tissées entre l'intime et le public, le pudique et l'exhibitionniste, le déni et la fragilité. Payée pour disparaître derrière les vêtements qu'elle exhibe, Lol a choisi de se dévoiler pour se retrouver. C'est par le dévoilement de la parole que la jeune femme reconstitue son identité blessée. En affrontant ses failles, elle regagne sa dignité. François Emmanuel réussit une fascinante écriture hybride entre réalité et fantasme, compassion et voyeurisme, violence et don de soi. Et par là, il nous pose la question du pouvoir de transformation de la langue. G.B.

Pour Dressing Room.

Créé au Varia.


Mise en scène Guillemette Laurent Avec Marie Bos Création lumière Margareta Andersen Création son Thomas Turine

Costume Thijsje Strijpens Scénographie Boris Dambly Assistanat à la mise en scène Héloïse Ravet

Un spectacle du Théâtre Varia en coproduction La Coop asbl, Shelter Prod - Artémis Productions. Création au Théâtre Varia.

Jacqueline Bir

On n’en finit pas de célébrer ici Jacqueline Bir. Simple "Eve" du théâtre en 1964, "Eve d’honneur" en 1992, "pour l’ensemble de sa carrière" . À peine à la moitié ! En 2002, un hommage pour ses 50 ans de carrière, coïncidant avec les 50 ans des "Prix du théâtre". En 2022, on fête ensemble nos 70 ans. De scène pour Jacqueline. D’existence pour ce fragile Prix de la critique, devenu Maeterlinck. Son "Prix Abraté" récompense une "longue carrière". Bernadette était une de ses grandes amies, présidente de ces Prix, décédée en 2002.

De cette volière itinérante, la Compagnie de son époux Claude Volter, cette Oranaise d’origine a presque parcouru tous les théâtres bruxellois pour y imposer son talent multiforme. Deux exemples, en toute subjectivité. Trois Femmes d’Albee, avec la regrettée Anne Chappuis, disparue cette année et Valérie Bauchau. Et La Servante Zerline de Broch où Philippe Sireuil donne à sa voix dominante une musique plus intériorisée. Sa voix? En voici quelques inflexions recueillies par Catherine Makereel et Béatrice Delvaux lors d’une reprise de La Servante Zerline.

 

Humour

- On vous appelle « la Bir »…

- Ça me fait rire. J’aurais préféré être la Callas, mais il faut faire avec ses moyens.

Amour (en claques)

Claude Volter montait un spectacle où il jouait Louis XIV –déjà!– et il cherchait une comédienne pour jouer Madame de Montespan. Il m’a abordée dans la rue en me demandant: "Voulez-vous être ma maîtresse ?" Je lui ai envoyé une gifle et puis après… Ce sont de beaux souvenirs. Je cherche toujours la passion.

La mère: drame existentiel

Mon fils (Philippe) est mort pendant que je jouais Zerline en tournée. Les deux événements sont restés imbriqués… Le théâtre m’a sauvée de beaucoup de choses. A fortiori, dans cette circonstance-là. Je m’y suis raccrochée comme à une bouée de sauvetage... Est-ce que vous croyez que je ne pense pas sans arrêt que c’est ma faute si mon fils s’est suicidé? Bien sûr que j’y pense tout le temps. On ne sait jamais si on a bien fait. Jamais…

Le répertoire? Tout, vaudeville inclus

J’ai écumé tous les théâtres, ça m’a permis de fréquenter des univers complètement différents, de travailler avec des gens qui faisaient bouger le théâtre. J’ai aussi adoré jouer des pièces de boulevard. Maintenant, je n’ai plus l’âge car en général ce sont des histoires de fesses. Je ne serais plus crédible maintenant (rires).

La trace?

Je sais que je fais le métier de l’éphémère. Je ne fais que passer, comme tout le monde. Qui se souviendra? Mozart, Schubert, eux ont laissé des traces. Mais nous, acteurs, on vient faire trois petits tours et puis on s’en va.

C.J. avec C.M. et B.D.

À cheval sur le dos des oiseaux

Elle n’a l’air de rien, parle d'une voix rauque, ponctuant son histoire de petits rires et de silences. Carine Bielen a 47 ans et vit seule avec son enfant âgé de quelques mois. Ce n'est pas simple parce que Logan a la terreur dans sa tête. Dès qu'il fait noir, il hurle. Il a peur du noir, comme Carine qui a peur du vent. Alors, elle boit un petit verre de rouge pour dormir tranquille.

Carine ne se sait plus très bien comment elle est devenue mère mais elle sait qui est le père. La naissance de Logan a changé sa vie. Elle qui n'a jamais rien eu à elle, en une fois elle reçoit tout, elle reçoit quelqu'un qui, toute la vie, va l'appeler "maman".

Touche par touche, Carine dresse le tableau du drame de sa vie : ne pas être. Ou juste un chiffre, une statistique, un numéro sans consistance, sans nuance, sans humanité. Carine emmène le public dans son récit chaotique et bouleversant avant de le laisser, sonné, submergé d'émotion. La comédienne Véronique Dumont pousse la justesse du jeu jusqu'à s'effacer totalement derrière son personnage laissant toute la place à cette femme fragile, attachante et perdue. D.B.


De Céline Delbecq

Créé au Rideau.


Mise en scène de Céline Delbecq Avec Véronique Dumont Scénographie et costumes Thibaut De Coster, Charly Kleinermann Création sonore Pierre Kissling Assistanat à la mise en scène Delphine Peraya Lumières et régie générale Aurélie Perret Constructeur Vincent Rutten Diffusion Margot Sponchiado Stagiaires Fanny Hermant, Marie Lhernaut

Un spectacle de la Compagnie de la Bête Noire, en coproduction avec le Rideau, La Coop asbl, Théâtre des Ilets/CDN de Montluçon, Centre culturel de Dinant et Centre culturel de Mouscron.

Reprise le 17 octobre 2022 au Théâtre de Namur, les 20 et 21 octobre 2022 au CC des Roches, les 10 et 11 janvier 2023 à la MC Tournai, le 17 janvier 2023 au CC d’Engis, Le 24 janvier 2023 au CC de Dinant…

Dressing Room

Taille: 1,70 m. Poids: 48 kilos. Tour de poitrine: 64. Bonnet: 85. Tour de hanche: 80. "Longueurs, largeurs, c’est plutôt bien, surtout l’entrejambe", estime Lol, quand elle se scrute dans les nombreux miroirs qui la cernent. "Pas canon, canon, mais ça va", s’autocritique-t-elle encore, promenant son allure de gazelle sur un lino blanc brillant mais étrangement froissé, comme un podium de défilé de haute couture que l’on aurait chiffonné, maltraité. Cheveux peroxydés, short moulant, talons hauts, démarche de mannequin : Lol s’expose crûment à notre regard dans cette séance de "trop éclaircis, comme un champ de blé pourri dans des gyrophares", disait son ex, Jérémy. Les seins, par contre, "une belle paire, bien consistants. Là, il pouvait rien dire, Jérémy!" Parlons-en de Jérémy, son ex, avec qui elle est allée rejoindre une bande d’amis pour une soirée de strip-poker. On comprend vite que la partie a dégénéré, que les brelans ont laissé place à une bande de sales branleurs, que les carrés ont viré à la curée. Ce soir-là, elle n’avait pas les bonnes cartes, elle, la reine de cœur bernée par ces hommes au sourire de Joker. "De toute façon, depuis que la civilisation existe, les mecs ont le beau jeu", médite celle qui fait resurgir, comme malgré elle, le souvenir traumatique de cette soirée d’humiliations et de violence physique.

Charnel et trouble, le texte de François Emmanuel va comme un gant -ou plutôt comme un collant résille- à Marie Bos qui devient cette fille qui a beau enfiler fiévreusement perruques et robes, elle ne fait que se mettre toujours plus à nu, pour se défaire de la gentille petite Lol, façonnée par le regard des autres, et tenter de retrouver cette part d’elle-même, brute, sauvage, digne, qui se tapit dessous. C.M.


De François Emmanuel, mise en scène de Guillemette Laurent.

Créé au Varia.

Mise en scène Guillemette Laurent Avec Marie Bos Création lumière Margareta Andersen Création son Thomas Turine Costume Thijsje Strijpens Scénographie Assistanat à la mise en scène Héloïse Ravet.

Un spectacle du Théâtre Varia en coproduction La Coop asbl, Shelter Prod - Artémis Productions. Création au Théâtre Varia.

Girls and Boys

En maître du suspense, Dennis Kelly n’a pas son pareil pour mettre en lumière la noirceur du quotidien. Dans chacune de ses pièces, l’auteur britannique joue avec les nerfs de ses lecteurs, les envoie sur de fausses pistes et jongle avec leurs certitudes. Girls and boys n’échappe pas à la règle. Porté par France Bastoen, les mots de Dennis Kelly nous emportent dans la violence d’un événement sordide. Rien ne prépare le public à la chute vertigineuse qui l’attend. Au centre d’un plateau épuré, une femme se raconte simplement. Elle se souvient de sa première rencontre avec l’homme qu’elle a choisi d’épouser. Elle retrace ensuite, les éléments marquants de sa réussite professionnelle mais à mesure que les souvenirs heureux refont surface, le personnage s’enlise dans une profonde amertume. Les silences se font de plus en plus pesants et le texte, dans ses interstices, révèle un personnage au bord du gouffre. Seule au plateau, France Bastoen parvient à jongler avec toutes les nuances d’un texte-partition qui nous emporte sans prévenir dans un drame d’une noirceur sans égale. F.C.


Un spectacle de Jean-Baptiste Delcourt.

Créé au Théâtre des Martyrs.

Texte Dennis Kelly Traduction Philippe Le Moine Mise en scène Jean-Baptiste Delcourt Interprétation France Bastoen Scénographie et création sonore Mathieu Delcourt Lumières Renaud Ceulemans Costume Pauline Miguet Régie générale Luis Vergara Santiago

Une coproduction La Servante, La Coop & Shelter Prod. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles-Direction générale de la Culture, Service général des Arts de la scène, Service Théâtre Tax Shelter.be, ING, du Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge.

Les Autres

Deux femmes et deux hommes, sont confinés dans un coin de monde vide, plat et lisse, entouré d’une frontière interdite. Un trou invisible voyage le long de la frontière mais ils ne peuvent pas le chercher, ni chercher à savoir ce qu’il y a derrière. Pour ces quatre êtres humains qui vivent hors sol, tout n’est que danse, libératoire, émancipatrice, passionnée. Chaque jour est consacré à la recherche de nouveaux mouvements, particuliers, beaux, précis.

L’histoire est un fil conducteur au gré duquel Anton Lachky et ses interprètes transportent les spectateurs au travers d'une palette de genres et de styles de danse qui semble sans limite. La musique électronique, le hip hop, les chants grégoriens ou l’emphase d’une symphonie sont autant de couleurs que les danseurs traduisent en gestuelles riches, acrobatiques, puissantes, mais qui jamais ne se départissent de la grâce et d’une précision implacable.

Décrivant une humanité perdue détachée de son environnement, le propos est on ne peut plus écologique et invite à entrer dans l’action, sans rien céder sur la qualité de l’écriture et de l’interprétation. C’est de toute beauté, en plus d’avoir du sens. : un conte dansé poétique et écologique. D.B.

Les Autres d'Anton Lachky

Créé à Charleroi Danse

Chorégraphie Anton Lachky Avec Evelyne de Weerdt, Dunya Narli, Nino Patuano et Lewis Cooke Texte Éléonore Valère-Lachky Son Jérémy Michel Lumière Rémy Urbain

Une production Anton Lachky Company Coproduction Mars/Mons arts de la scène, Charleroi danse/Centre Chorégraphique de la fédération Wallonie-Bruxelles, Centre culturel de Verviers, Pierre de Lune Centre Scénique Jeunes Publics de Bruxelles, Le Centre Culturel du Brabant Wallon. Création à Charleroi-Danse.

Reprise le 16 février 2023 au CC d’Uccle, le 17 février 2023 au Théâtre de Namur, le 19 février 2023 à Wolubilis, le 22 mars 2023 au CC de Verviers et le 6 avril 2023 au CC de Gembloux.

Simple

Trois hommes sur un plateau de danse, vêtus de collants bizarres, maculés de taches de couleurs. Comme des gamins ayant trop trempé les doigts dans les pots de peinture lors du cours de bricolage. Dans cet espace nu où ils semblent être arrivés par hasard, ils vont tenter d’apprivoiser le lieu comme le ferait un enfant ébauchant ses premiers pas. Et du début à la fin, le plaisir, le rire, la joie vont crescendo à la vision de cet improbable trio. Pourquoi agissent-ils? Que font-ils là? Eux-mêmes semblent se le demander, lançant des regards vers le public, mi-complices, mi-inquiets. Une seule chose est sûre: ils sont ravis d’être là et de susciter notre intérêt, transformant le moindre geste en un exploit qui les comble d’aise, même lorsque leurs compères leur lancent un regard désolé. Dans la salle, magie du spectacle, nous sommes devenus comme eux. D’abord, on s’étonne, on sourit, on pouffe, on rit, on s’émerveille… Et on finit par éclater de rire et de plaisir dans une séquence finale où nos trois grands gamins détruisent tous leurs jouets avant de se transformer en mini-fanfare aux rythmes diaboliques. Plaisir à l’état pur, bonheur de laisser exploser toute cette énergie trop longtemps contenue. Simple! Forcément simple. J.M.W.

 

Simple d'Ayelen Parolin.

Créé à la Biennale Charleroi Danse.

Chorégraphie Ayelen Parolin Interprétation Baptiste Cazaux, Piet Defrancq, Daan Jaartsveld Assistante chorégraphique Julie Bougard Création lumière Laurence Halloy Scénographie et costumes MarieSzersnovicz Dramaturgie Olivier Hespel Regard extérieur Alessandro BernardeschiVisuels Cécile Barraud De Lagerie Costumes Atelier du Théâtre de LiègeRemerciements Oren Boneh, Jeanne Colin

Un production de RUDA asbl. Coproduction Charleroi danse, Le CENTQUATRE-PARIS, Théâtre de Liège, Les Brigittines, CCNT – CCN de Tours, MA Scène nationale – Pays de Montbéliard, DC&J Création Accueil studio : CCNT – CCN de Tours.Soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Reprise du 1er au 3 décembre au Théâtre de Liège, les 14 et 15 décembre à Mars Mons, du 13 au 21 janvier au Théâtre National, le 23 mai au C Mine à Genk, le 24 juin au Delta à Namur.

Une tentative presque comme une autre

Un homme pousse la chaise roulante de Bernard. Ils sont tous deux vêtus à l'identique. Il l'amène en bord de scène et le fait descendre de l'estrade. Le sourire de Bernard contraste avec le visage grave, concentré, de son comparse.

Les deux se touchent, se manipulent, se testent physiquement. Ils roulent au sol, enlacés, imbriqués. Quand l'homme tente de se dégager, Bernard s'accroche. Il esquisse une gestuelle minimaliste puis est porté, redressé, soutenu, par son frère qui l'installe sur une chaise (de bureau, cette fois), lui éponge le front, lui donne à boire. Commence alors un dialogue entre les deux frères qui explore leurs similitudes et leurs différences physiques

Clément et Guillaume Papachristou sont jumeaux. L’un est acteur, valide, et travaille à Bruxelles. L’autre est handicapé moteur depuis sa naissance et se rend tous les jours dans une maison d’accueil spécialisée à Marseille. Dans cette performance, plus théâtrale que réellement chorégraphique, ils abordent cette "étrangeté familière" de deux corps fraternels, pourtant si différents. Le rapport gémellaire braque une lumière interpellante sur les réalités physiques et sociales des personnes en situation de handicap. D.B.

Une tentative presque comme une autre de Clément et Guillaume Papachristou.

Créé au Théâtre Marni.

Metteurs en scène et interprètes Clément Papachristou, Guillaume Papachristou Assistants plateau et dramaturges Salim Djaferi, Bastien Montes Assistante chorégraphe Sophie Melis Costumiers et accessoiristes Clément Papachristou, Guillaume Papachristou Créatrice lumières Laurie Fouvet

Un spectacle du Théâtre National Wallonie-Bruxelles et de Saint-Gens asbl en coproduction avec le Théâtre de Namur, le Festival de Marseille et le Théâtre de Liège / Festival Pays de Danses.

Reprise du 21 au 29 septembre 2022 au Théâtre National Wallonie-Bruxelles, du 5 au 7 octobre 2022 au Théâtre de Namur et les 11 et 12 octobre à Mars- Mons arts de la scène.

Les Yeux rouges

Les Yeux rouges de Myriam Leroy, adaptation et mise en scène de Véronique Dumont.

Une coproduction du Théâtre de Poche, de l’Atelier Théâtre Jean Vilar, de la Coop asbl et Shelter Prod. Avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du Gouvernement fédéral belge. Adapté du roman Les Yeux rouges de Myriam Leroy avec l’aimable autorisation des Editions Seuil et des Éditions Points.

Reprise les 6 et 7 octobre 2023 au Senghor (Etterbeek), le 12 octobre 2023 au CC de Verviers, le 20 octobre 2023 à la Maison de la Culture d’Arlon.

Éloge de l'altérité

Sans le profiler comme un spectacle-testament, Isabelle Pousseur signe avec Éloge de l'altérité une somme, une plongée dans ce qui fut et demeure la source vive de son art: l'autre. La simplicité généreuse de ce que la metteuse en scène, elle-même sur le plateau, donne à voir ici inclut résolument la transmission, chère au cœur de cette pédagogue passionnée. Articulée en dialogues, cette conférence théâtrale et musicale - qui n'oublie jamais qu'elle est un spectacle -contient le vœu de sa conceptrice d'inclure dans cette réflexion sur l'altérité au théâtre "la possibilité de penser autre chose que le théâtre: une vie collective".

C'est peu dire qu'elle y parvient tant Éloge de l'altérité expose, analyse, condense l'essence du rapport humain. Ainsi, mettre en scène suppose de "créer une équipe en même temps qu'un spectacle", estime celle qui, également, affirme : "Rien n'arrive si on refuse ce risque : se perdre."

Avec la complicité dans l'échange de Bogdan Kikena -naguère son élève à l'Insas- et dans les volutes musicales de Jean-Luc Plouvier, mais aussi de Francesco Italiano, de Paul Camus, de Chloé Winkel, d'Amid Chakir et d'autres qui, peu à peu, contaminent la forme conférence par le jeu théâtral, Isabelle Pousseur pousse l'exercice jusqu'aux confins de la confidence, dans un geste artistique que toujours, créatrice ambitieuse, elle a l'humilité de ramener à sa plus simple expression: "Je regarde quelqu'un travailler, essayer, jouer... et je fais en sorte que ce regard (ou cette écoute) soit à la fois un accueil et un élan, un moteur de l'agir." M.B.


Éloge de l’altérité d’Isabelle Pousseur.

Création au Théâtre Océan Nord.

Conception et texte Isabelle Pousseur Avec Isabelle Pousseur, Paul Camus, Amid Chakir, Francesco Italiano, Bogdan Kikena, Chloé Winkel & Jean-Luc Plouvier, piano Accompagnement artistique & regard extérieur Guillemette Laurent Assistante Alyssa Tzavaras Scénographie Christine Gregoire Éclairage, photos et vidéo Michel Boermans Création son Laure Lapel Création costumes et accessoires Laura Ughetto assistée de Solène Valentin Chorégraphie Nadine Ganase Régie générale Nicolas Oubraham

Avec la participation de Carole Adolff, Juliette Ban, Julien Beckers, Alice Borgers, Madeleine Camus, Romain Cinter, Magrit Coulon, Ozan Eken, Noé Englebert, Solange O’brayanne Muneme, Djo Ngeleka, Anthony Ruotte, Ibrahima Diokine Sambou (Papis), Souad Toughraï

Production Théâtre Océan Nord en coproduction avec La Coop asbl et Shelter Prod Soutien Fédération Wallonie Bruxelles service Théâtre, Loterie Nationale, taxshelter.be, ING et Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge, COCOF ( Fonds d’acteur)

Reprise dans ce même lieu du 14 au 18 et du 21 au 25 février 2023.

George de Molière

George, c'est l'histoire d'un mariage arrangé entre un paysan désireux d'adjoindre une particule à son nom et une jeune demoiselle de condition qui n'a d'angélique que le prénom. C’est une comédie-ballet composée par Jean-Baptiste Poquelin dit Molière et son comparse Lully, il y a près de 400 ans et qui pourrait (presque) avoir été écrite aujourd’hui. George, c’est surtout un divertissement royalement jouissif de la Clinic Orgasm Society, une compagnie qui porte bien son nom.

Elle a pris au premier degré cette Pastorale - œuvre littéraire, artistique ou musicale s'inspirant de sujets champêtres ou ayant pour personnages des bergers - en convoquant sur la scène des bergers, des bergères et leurs moutons, pour parler et chanter, sur son de musique électro et en costumes bling-bling, mépris de classe, rapport de domination, patriarcat, mariage arrangé, hypocrisie de l’église, argent-roi qui ne permet pas tout. On se marre devant tant de réjouissances burlesques, on se régale de voir tant de monde sur scène où il se passe partout quelque chose et on jouit de la morale de l’histoire qui voit les femmes revendiquer, déjà, le droit d’aimer qui bon leur semble. Le genre de grand divertissement loufoque, ébouriffant, populaire et intelligent que j’aurais adoré voir et montrer à la télévision. C.Br.


George de Molière, mise en scène de Ludovic Barth et Mathylde Demarez.

Création au Théâtre Varia

Avec Yoann Blanc, Raphaëlle Corbisier, Adrien Desbons, Grégory Duret, Thymios Fountas, Eline Schumacher, Olivia Stainier, Clément Thirion Scénographie Zouzou Leyens Création Lumières Marc Lhommel Création sonore et musicale Grégory Duret Chorégraphie Clément Thirion Création costumes Nina Lopez Le Galliard en collaboration avec Odile Dubucq.

Production de la Clinic Orgasm Society, coproduction Théâtre Varia, Bruxelles, MARS, Mons arts de la scène, Théâtre de Liège.

Iphigénie à Splott

Elle nous rentre dedans, nous les spectateurs, dès les premières répliques. C’est qu’on la lui fait pas à Effie, jeune fille paumée, délurée et à la limite de l’alcoolisme, qui vivote à Splott, un quartier de Cardiff, capitale du Pays de Galles. Elle en a vu d’autres, mais elle n’est malgré tout pas au bout de ses surprises dans cette tragédie contemporaine où il est question de guerre, de sexe et de l’état déplorable des services publics. Cette héroïne hors du commun, au centre de ce monologue flamboyant signé Gary Owen, le metteur en scène Georges Lini l’a confiée à Gwendoline Gauthier. Seule pour tenir le crachoir, la comédienne s’acquitte de la tâche avec panache, surfant en souplesse sur la palette des émotions, entourée par trois musiciens-complices - François Sauveur, Pierre Constant et Julien Lemonnier- qui distillent la bande-son en live. Avec un Chesterfield pour tout décor, Iphigénie à Splott parvient par la force des mots, du jeu et de la musique à convoquer les petites misères et les grandes détresses des déclassés d’aujourd’hui. Brillant ! E.S


Iphigénie à Splott de Gary Owen, traduction Blandine Pélissier et Kelly Rivière, mise en scène Georges Lini.


Avec Gwendoline Gauthier Collaboration artistique Sébastien Fernandez Direction musicale François Sauveur | Musiciens Pierre Constant, Julien Lemonnier et François Sauveur Création lumières Jérôme Dejean Costumes Charly Kleinermann et Thibaut De Coster. 

Coproduction du Théâtre de Poche et de la Cie Belle de Nuit.

Reprise le 5 juillet 2022 à l’Abbaye de Stavelot, les 12 et 13 août au Festival de Spa, le 24 septembre au CC Jacques Franck (Saint-Gilles), du 4 au 7 octobre au Théâtre de l’Ancre (Charleroi), les 9 et 10 février 2023 au CC de Verviers, le 11 février au CC de Tubize, le 15 février au CC de Huy, le 16 février au CC de Braine-le-Comte, les 17 et 18 février au CC de Saint-Ghislain, du 11 au 29 avril au Théâtre de Poche et les 13 et 14 mars au CC de Mouscron.

C'est ta vie

Joyeuse claque théâtrale,  C'est ta vie de la Compagnie 3637, bouille d'arguments pour faire aimer le théâtre aux enfants et adolescents. Coralie Vanderlinden et Sophie Lismaux nous livrent à l’aide de figurines de papier, ou de leur corps entier, un portrait réel, sensible et envoûtant des fulgurances, des émois et désillusions de l’adolescence. Le tout en une vingtaine de tableaux mouvants comme les sables qu’elles traversent avant de s’y lover.

En fraîcheur, justesse et ressenti, les deux comédiennes racontent, avec une belle économie de moyens, dans ce décor évolutif de la cabine de douche à celle de la piscine en passant par la toile de plage rayée, les tracas qui accompagnent sans crier gare l’arrivée des seins. Oui, ce moment crucial et tant attendu dans la vie d’une fille, qui surgit ici à 8 h 02, un certain 2 septembre.

Louise explose intérieurement de joie, persuadée que tout le monde va le remarquer à l'instant même. Première déception. Elle devra encore attendre pour observer de réels changements, avec parfois des effets indésirables insoupçonnés. Tels ces hommes dans le métro, qui la regardent soudain "droit dans les seins". Ou Mathias, ce demi-frère tant aimé qui se met à la mater dans la salle de bains. Elle en perd l'innocence de l'enfance. Comment en parler à sa mère et à son beau-père ? Sera-t-elle crédible ? Vont-ils prendre les mesures adéquates ? Des questions subtiles qui montrent également les méandres du harcèlement. L.B.


Création collective de la Compagnie 3637.

Avec Coralie Vanderlinden, Sophie Linsmaux en alternance avec Annette Gatta Mise en scène Baptiste Isaia  Dramaturgie et assistanat à la mise en scène Lisa Cogniaux Création sonore Philippe Lecrenier Scénographie et costumes Camille Collin Constructeur Gilles Van Hoye Expertise technique Olivier Melis Photos aimants Jérémie Hyndericks Séquence animée Eric Blésin / atelier Zorobabel Création lumière Antoine Vilain Régie Amélie Dubois, Olivier Melis, Brice Tellier, Tom Vincke

En tournée dans les Centres culturels de la Fédération Wallonie Bruxelles entre octobre et décembre 2022. Création à Noël au Théâtre 2019, puis aux Rencontres théâtre jeune public 2021. Infos : Compagnie3637.be Reprise les 10, 11, 12 octobre 2022 au C.C de Verviers, le 14 octobre 2022 à 13e sens d’Obernai (FR – 67), les 18 et 19 octobre 2022 au C.C de Welkenraedt, le 10 novembre 2022 en Mayenne/Ligue 53 (FR – 53), les 15 et 16 novembre2022 au C.C de Colfontaine, le 18 novembre 2022 au C.C de St Ghislain, les 22 et 23 novembre à la Maison de la Culture de Marche-en Famenne, le 25 novembre 2022 à La Roseraie - Bruxelles, les 10, 11, 12, 13 janvier 2023 au C.C de Dinant, les 17,18, 19, 20, 21janvier 2023 au C.C de Tournai, les 24, 25, 26, 27 janvier à l’Athénée Paul Delvaux / Vilar – Ottignies (BE), le 3 février 2023 à l’espace Molière de Talange (FR-57), les 6 et 7 février 2023 à la Montagne Magique – Bruxelles, le 10 février 2023 à la FRMJC de Vrigne au bois (FR – 08), les 14, 15, 16 février 2023 à MCCS de Molenbeek – Bruxelles, les 2, 3,4, 6 et 7 mars 2023 en Haute Loire avec la FOL 43 (FR – 43), le 9 mars 2023 à Riom  (FR – 08), le 12, 13 mars au C.C d’Uccle – Bruxelles, les 15, 16 mars 2023 au C.C d’Andenne, les 27 et 28 mars 2023 au Festival Cep Party / Le Champilambart – Vallet (FR – 44), les 5, 6, 7 avril C.C de Stavelot – Trois-Ponts, les 13 et 14 avril 2023 au C.C de Leuze, les 16, 17, 18 avril 2023 au C.C de Namur, les 20, 21 avril 2023 au C.C de Herlaimont, les 23, 24, 25 avril 2023 au C.C de Waremme.

Mike

Danseur fétiche du Théâtre de l’Evni, Colin Jolet se lance ici dans un solo où la danse se mêle au jeu pour questionner cette recherche de soi propre à l’adolescence. Quel effet a le regard des autres sur soi ? Que laisse-t-on voir et que préfère-t-on dissimuler ? Le regard des autres nous enferme-t-il dans une norme ou sommes-nous libres d’être différents ? Sommes-nous ce que l’on rêverait d’être ou ce que les autres nous renvoient ? Toutes ces questions ont aiguillonné Mike, spectacle tissé de beaucoup d’introspection mais aussi de rencontres avec des adolescents dans les écoles ou avec des artistes aux univers variés, de la musique à la danse, en passant par le cirque.

"J’aime les gens qui doutent", chantait Anne Sylvestre, qui pourrait être la marraine bienveillante d’une pièce qui fraie aussi du côté de Lady Gaga ou de Jacques Brel. Là où la plupart des spectacles pour adolescents font dans le bruit et la fureur, persuadés qu’il faut imiter leur monde speedé et ultra-connecté pour leur parler, Mike fait au contraire le pari de la douceur. "J’aime les gens qui passent moitié dans leurs godasses et moitié à côté", fredonnait encore Anne Sylvestre. Ce sont ces mêmes égarés, claudiquant entre tous les possibles qui leur sont donnés d’être, à qui Mike rend hommage. Avec cette touche pudique qui fait la marque de fabrique de l’Evni, cette façon de naviguer dans les interstices, sans rien asséner, mais en laissant simplement affleurer des mots, des états, des couleurs, des impressions, Colin Jolet se dévoile avec une puissante sincérité, comme un miroir tendu à nos propres abîmes. Tantôt star bling-bling du R’n’B, tantôt comédien assumant sa timidité, l’artiste s’adonne aussi à une séance de boxe où il semble lutter contre lui-même. Avec humour ou poésie, délicatesse ou fracas, il exorcise ce dilemme que nous vivons tous : habillés par tout ce que les autres projettent sur nous, il n’est pas facile de s’en dépouiller pour trouver ce qu’il reste dessous. Seul en scène éblouissant, Mike réconcilie les ados avec eux-mêmes, adoubant leur recherche d’identité et de reconnaissance. C.M.


Mike, création collective du Théâtre de l'EVNI.

Création aux Rencontres de Théâtre Jeune Public de Huy. 

Interprétation Colin Jolet Mise en scène Sophie Leso Collaboration dramaturgique et création sonore Nicolas Arnould Collaboration chorégraphique Vânia Doutel Vaz Scénographie et costumes Claire Farah Création lumières Ludovic Wautier et Joseph Iavicoli Régie Joseph Iavicoli et Sophie Leso en alternance avec Samuel Vlodaver et Nicolas Arnould Suivi de production Pauline Bernard / Quai 41

NORMAN c’est comme normal, à une lettre près

Questionner les identités, les constructions sociales, les représentations familiales, les classifications du masculin et du féminin : voici quelques-unes des ambitions de ce spectacle jeune public audacieux, signé Marie Henry et Clément Thirion. L’histoire d’un petit garçon de sept ans qui aime porter des robes… Après le succès de Pink Boys and Old Ladies, le metteur en scène a poursuivi sur sa lancée en créant une forme "tous publics" à mi-chemin entre le théâtre et la danse, sur base du même fait divers : "J’ai voulu me concentrer sur la famille de ce garçon. Je voulais parler de la relation face à la différence. On fait tous des raccourcis mentaux, mais on peut prendre un peu de recul et y réfléchir, ne pas les accepter comme une fatalité. Quand il s’agit d’être hors norme, ce n’est pas l’individu qui pose question, c’est la norme !" Choisissant d’aller à la rencontre de l’autre pour faire un pas vers ce qui peut paraître complexe ou "bizarre", la démarche de Clément Thirion est empreinte de la "cruauté tendre" du texte de Marie Henry. Une ode à la différence qui évite l’écueil des bons sentiments. A.D.


NORMAN c’est comme normal, à une lettre près de Clément Thirion.

Création à Mars/Mons arts de la scène 

Direction et chorégraphie Clément Thirion Écriture et dramaturgie Marie Henry Interprétation Antoine Cogniaux, Deborah Marchal, Lylybeth Merle Scénographie et costumes Katrijn Baeten et Saskia Louwaard Création lumière et direction technique Gaspar Schelck Création sonore Thomas Turine Danse classique Maria Clara Villa Lobos Régie Maud Llorente, Gleb Panteleef, Gaspar Schelck, Christophe Van Hove Photos Anoek Luyten et Hichem Dahes Développement et diffusion BLOOM Project 

Production kosmocompany Coproduction MARS/Mons Arts de la scène, Pierre de Lune, Bruxelles, Charleroi Danse, La Coop asbl  Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Service du théâtre, et de WBTD Avec le soutien de La Montagne Magique, Shelterprod, Taxshelter.be, ING, Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge.

À 2 mètres

Du cirque sous oxygène, du jamais vu pour apprivoiser la maladie, la désacraliser et rappeler combien humanité et solidarité font sens au cirque contemporain. Debout sur sa plateforme, Jesse mesure son oxygène : 98. Puis ses battements de cœur. Il s’agrippe au mât chinois, s’y enroule, y grimpe, captive le public, redescend, mesure à nouveau son oxygène. Premier arrêt.

Tout en blanc, un minuscule sac sur le dos contenant le respirateur, Sanaé Deruelle le rejoint, lui glisse l’oxygène dans le nez. Il la repousse. Rejette ce fil à la patte, long de deux mètres, comme la distance imposée pendant le Covid, période durant laquelle le spectacle a été conçu, en vue de jouer en extérieur à la rencontre des gens confinés, en hôpital, en maison de repos, ou ailleurs. Jesse se débat avec le tube d’oxygène, remonte au mât chinois. Sa complice l’accompagne, l’irrite ou le réconforte. Roulés-boulés. Ces deux-là ne se quittent pas des yeux avec une tendresse qui vaut peut-être quelques années de vie….

Sanaé, qui, parfois, ne fait plus qu’un avec Jesse, incarne la maladie, mais aussi la force, la volonté, le courage… En résonances et métaphores, les paroles du slameur Jonas Brülhart racontent la lutte contre l'inéluctable. Peu à peu, sans misérabilisme, Jesse évoque sa maladie, livre des détails, avec parcimonie, et confie qu’elle lui a appris à ne jamais abandonner. Avant de reprendre son main à main, ses acroportés, son escalade au sommet du mât chinois d’où il semble nous toiser… L.B.


À 2 mètres de Jesse Huygh et Rocio Garrote. 

Création en juin 2021 au Festival Divers et d’été.

Artistes et créateurs Jesse Huygh et Rocio Garrote Aide à la dramaturgie et à la concrétisation de lumière Alba Sarraute Regards extérieurs Aurelia Brailowsky & Sergi Pares Création lumière Nicolas Priouzeau  Photos Patrick Lemineur (intérieure), Boris Aguirre (extérieure) Musique Felix Fivaz (Composition, enregistrement, mixage & mastering), Jonas Brülhart  (Texte et interprétation), Marco Nuesch (Prise de voix) Diffusion Cécile Imbernon, La chouette diffusion Administration Jesse Huygh 

Coproduction 30CC en partenariat avec CIRKL, Leuven (BE), Up !, Theater op de markt Dommelhof, Neerpelt (BE), Perplx, Kortijk (BE), De Grote Post, Oostende(BE), CIRC’UIT (BE), La Cascade, Pôle cirque Auvergne Rhône Alpes (FR), ARCHAOS, Pôle National Cirque (FR). 

Le Chat de Schrödinger

Prétexte avant toute chose, contrainte créative intéressante, Le Chat de Schrödinger installe Mikaël Bres et Aurélien Oudot dans un cube de plexiglas, signe d'enfermement, à l'image de ce chat dont on ne sait s'il sortira mort ou vif...

Une voix off nous rappelle - la bonne idée - les principes de l’expérience du physicien éponyme avant une première rencontre introspective et tout en silence entre les deux artistes, danseur et contorsionniste, qui ont directement trouvé le juste tempo et installé une complicité avec le public, une atmosphère de respect et d’exploration.

Peu à peu, jeux de lumières et musiques classiques, jazz ou contemporaines, portées par la gravité du corps du violoncelle, accompagnent les artistes dans leurs sauts périlleux arrières, sauts de chats, contorsions, duos dansés ou échanges humains.

Les deux compagnons de la Cie Back Pocket explorent leur rapport au sol et à l’espace, passant de l’opacité à la transparence des murs, de la prison imaginée à l’ouverture rêvée, le tout dans ce cadre imposant et léger, susceptible de fixer les limites mais aussi les possibles.

Toute fraîche, encore fragile par endroits mais néanmoins très prometteuse, cette nouvelle création, à la tonalité diamétralement opposée du précédent opus de la compagnie, La Vrille du chat, convainc, inspire et prouve la capacité des artistes à se réinventer. L.B.

Le Chat de Schrödinger, de Mikaël Bres et Aurélien Oudot (compagnie Back Pocket). 

Création à Up Festival.

Interprétation Mickaël Bres et Aurélien Oudot Regards complices Michaël Hottier, Sylvain Honorez, Philippe Van de Weghe, Violette Wanty Création Lumière et Regie générale Julien Bier Construction Guillaume Troublé

Coproduction Les Halles de Schaerbeek, RecyclArt, Up !, Commune d’Etterbeek, Centre culturel Wolubilis. 

Tout Rien

Un jour, Alexis Rouvre tombe sur une vidéo sur YouTube, "une de ces vidéos à la con, sur Internet, où on voyait une chaînette à bille, comme celles qui relient un évier à son bouchon d’évacuation, s’échapper d’un récipient posé sur une table, dans un mouvement sans fin vers le sol". Cette chaînette qui glisse, en accomplissant une arche presque magique, dans une fuite incontrôlable, lui procure une impression vertigineuse, lui évoquant le temps qui file et que l’on ne peut arrêter. C’est là que germe l’hypnotique Tout Rien. Faire voir, faire sentir, débusquer le temps tout nu, le temps qui passe, lui donner forme, le saisir dans son mouvement même : telle est désormais la mission de son cirque d’objets.

S’il s’est nourri des pensées de l’astrophysicien Carlo Rovelli ou du philosophe des sciences Etienne Klein, son spectacle (dès 8 ans) n’a rien d’une démonstration cartésienne. On s’y laisse au contraire porter par une poésie métaphysique. A condition d’accepter un rythme contemplatif, on se délecte de tableaux magnétiques (au sens littéral) où l’artiste jongle avec des aiguilles à tricoter, des pierres, des chaînettes, des tasses, des pendules, des interrupteurs invisibles, des bouquets de fleurs mais aussi avec le son, la lumière et même son corps. Poème en cinq parties, Tout/Rien relativise notre perception du temps, grâce à des objets très simples de notre quotidien. "Je fonctionne à l’inverse de quand j’étais jeune. Je ne vise pas la réussite à 100 % mais je permets l’erreur et la fragilité." A contre-courant de notre monde où tout concourt à nous faire gagner du temps, Alexis Rouvre étire, dilate et joue avec chaque nanoseconde. Bon à prendre par les temps qui courent. Galopent même. C.M.


Tout Rien, d'Alexis Rouvre (compagnie Modogrosso). 

Avec Alexis Rouvre Conseil artistique Jani Nuutinen Composition musicale Loïc Bescon Regard complice Angela Malvasi
Conception et construction du gradin Jean-Marc Billon et Jani Nuutinen (Circo Aereo) Construction scénographie Sylvain Formatché et Alexis Rouvre Conseil technique et régie générale Hadrien Lefaure Administration Victoria Makosi

Coproduction Transversales, scène conventionnée cirque Verdun ; Provinciaal Domein Dommelhof ; Le Sirque, Pôle National Cirque à Nexon – Nouvelle-Aquitaine; Mars – Mons Arts de la Scène ; Maison de jonglages, scène conventionnée Jonglage(s) ; AY-ROOP, scène de territoire pour les arts de la piste ; Central ; Halles de Schaerbeek.

Reprise le 7 octobre 2022 au CC Uccle, le 14 octobre 2022 à l’Atelier Théâtre Jean Vilar (Louvain-la-Neuve, du1er au 4 novembre 2022 au Théâtre Marni (Ixelles) et le 4 décembre 2022 au Bronks (Bruxelles), le 15 février 2023 au CC de Colfontaine et du 16 au 18 mars 2023 au Théâtre de la Montagne Magique (Bruxelles).

Birthday

Et si les hommes pouvaient porter et donner la vie ? Telle est la question qui fonde Birthday du dramaturge et scénariste anglo-australien Joe Penhall, créée en 2012 au Royal Court Theatre à Londres. Immense succès outre-Manche, Birthday a trouvé, en juin, au Théâtre de Poche, un écho en langue française grâce au travail de traduction et de mise en scène de la Franco-Canadienne Julie-Anne Roth (avec la complicité de son amie, l’actrice Marie Denarnaud). Le pitch? Ed (Eno Krojanker) et Lisa (Anabel Lopez) vont avoir un enfant. Comme Lisa, cadre dans une entreprise, est inondée de travail, ils ont décidé d’inverser les rôles : c’est Ed qui porte leur bébé. Sur le point d’accoucher, il vient d’arriver à l’hôpital : il est angoissé, grognon… Mais la sage-femme (Nancy Nkusi) et la gynécologue (Dominique Patuelli) sont débordées par les urgences médicales...

Sous son vernis très drôle, le texte de Penhall charrie de profonds questionnements philosophiques, éthiques, politiques et socio-économiques : l'égalité homme-femme ; le droit à la maternité/paternité ; les violences gynécologiques ; la déliquescence du système des soins de santé ; le racisme envers les soignants… Les quatre comédiens parviennent à conjuguer légèreté et gravité faisant de Birthday certes une comédie, mais une comédie qui vient bousculer les esprits. St.Bo.


Birthday, de Joe Penhall, mise en scène de Julie-Anne Roth.

Création au Théâtre de Poche.

Avec Eno Krokjanker, Anabel Lopez, Nancy Nkusi & Dominique Pattuelli Scénographie Olivier Wiame Son Maxime Glaude Costumes Françoise Van Thienen Lumières Jérôme Dejean Chorégraphie Vincent Chaillet Assistante à la mise en scène Lisa Cogniaux 

Coproduction Théâtre de Poche, Théâtre Royal de L’Ancre et la Coop et Shelterprod. Avec le soutien de Taxshelter.be, ING et du Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge

Reprise du 12 au 14 octobre 2022 au Théâtre de l’Ancre (Charleroi) et le 20 octobre 2022 au CC de Verviers.

Kill Fiction

Tous les enfants ont pour jeu de « faire comme si… ». Et la joyeuse bande à la manœuvre de ce Kill Fiction l’a en quelque sorte transposé sur scène. Une pièce de grands gamins, fans de Clint Eastwood, de Sylvester Stallone, d’Arnold Schwarzenegger et de notre JCVD national, jouant les bras cassés du banditisme pour mieux remuer les clichés des films de série B. Et ça marche plutôt bien. La prise de recul est évidente et c’est le ton comique qui l’emporte. L’imagerie d’Épinal tourne à plein régime. Chaque échange de tirs amène son lot de sang giclant comme des fontaines de Versailles. Les flingues résonnent d’un bruitage buccal. La bande sur le plateau s’amuse à jouer gros. Le plaisir est partagé. Le pari est gagné. Auteur et metteur en scène, David Nobrega a retenu du stand-up un sens de la punchline et une construction précise de chaque personnage, tous des caricatures plus vraies que nature. La grossièreté du trait vient dégoupiller la grenade d’une certaine vision de la masculinité toxique. Toi le héros qui m’as fait rêver, toi à qui j’ai voulu ressembler, on a bien ri, mais c’est fini. Hasta la vista. N.N.

Kill Fiction écrit et mis en scène par David Nobrega. 

Créé au Théâtre de la Toison d’or.

Avec Benjamin Torrini, Wilhem Baerdemaeker, Colin Javaux, Mathieu Fonteyn, Jonathan Simon, Emilien Vekemans Costumes Mélissa Roussaux Création Lumières Jérôme Dejean 

Coproduction Théâtre de la Toison d’Or, Crash Prod asbl

Zaï zaï

Tiré de la célèbre bande dessinée de Fabcaro, le nouveau spectacle du collectif Mensuel brosse avec humour, le portrait d’une société dénuée de tout esprit critique. Au livre comme à la scène, « Zaï zaï » est un road-movie décapant. La situation de départ est simple ; un homme achète un poireau dans un supermarché. A la caisse, il s’aperçoit qu’il n’a pas sa carte de fidélité et tout se complique. Un agent de sécurité l’interpelle mais il parvient à prendre la fuite. Les médias s’emparent de l’histoire, multiplient les « éditions spéciales » et notre fugitif devient malgré lui, l’ennemi public à abattre ! Ce nouvel opus s’inscrit dans l’esprit des précédents spectacles du collectif Mensuel. Entouré par une foule d’instruments, le quintette rejoue les dialogues, interprète les musiques et les bruitages pendant que les images d’un roman-photo défilent à l'écran. A travers ce nouveau spectacle, le collectif Mensuel se jette toutes griffes dehors sur le phénomène de médiatisation qui transforme un évènement anodin en affaire d’État. Le ton est volontairement grotesque et irrévérencieux. Le résultat est jubilatoire. F.C


Zaï zaï, d’après la bande dessinée ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ de  Fabcaro. Adaptation par le Collectif Mensuel et Nicolas Ancion. 

Mise en scène Collectif Mensuel Avec Sandrine Bergot, Philippe Lecrenier, Baptiste Isaïa, Quentin Halloy & Renaud Riga Scénographie Claudine Maus Création lumières et Régie Générale Manu Deck Création sonore Johann Spitz Création vidéo Juliette Achard Photographies François-Xavier Cardon Régie lumière et vidéo Nico Gilson

Coproduction Collectif Mensuel avec le Théâtre de Poche, le Théâtre de Liège et DCJ création. Avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement Fédéral de Belgique. En partenariat avec Arsenic 2. “Zaï ZaÏ Zaï Zaï” est édité par 6 pieds sous terre

Leïla Chaarani

Riche saison pour Leïla Chaarani. D’abord en Charlotte, fugace impératrice du Mexique qui à travers les mots que lui prêtent Michèle Fabien reprend son histoire en main dans un duo scénique particulièrement intense mis en scène par Frédéric Dussenne. Ensuite dans le Phèdre(s), vision multiple du classique de Racine composée par Pauline d’Ollone, la jeune comédienne diplômée de l’IAD manie avec une conviction profonde au personnage d’Aricie, cible de l’amour interdit d’Hippolyte. Dans Qui a peur encore, d’Aurore Fattier, elle parvient aussi à tenir la dragée haute face au vieux couple que forment Claire Bodson et Koen De Sutter, incarnant un personnage nullement naïf et bien conscient des raisons qui l’ont poussé à être choisi. Leïla Chaarani aura à trois reprises transmis une émotion à fleur de peau, les pieds solidement plantés dans les planches qui lui réservent assurément un bel avenir. Même si la musique et la poésie l’occupent dans son duo Crolles qu’elle forme avec Amandine Chevigny. Qu’importe, sur scène elle est et sera. N.N.


Leïla Chaarani

Dans Charlotte, de Michèle Fabien. Mise en scène de Frédéric Dussenne.

Une production de L'acteur et l'écrit soutenue par le Théâtre Poème, la COCOF, le Théâtre de la Vie, le Théâtre Marni, le Rideau de Bruxelles, Archives et Musée de la Littérature et Arts² (École Supérieure des Arts à Mons).

Création au Théâtre Poème.

Dans Phèdre(s), de Pauline d’Ollone d’après Jean Racine.

Un spectacle de la Cie Les Étrangers et de La Servante en coproduction avec La Coop & Shelter Prod.

Création au Théâtre des Martyrs.

Et dans Qui a peur, de Tom Lanoye. Mise en scène d’Aurore Fattier.

Un spectacle de Solarium asbl en coproduction avec Dadanero, le Theatre Varia, La Coop asbl, Shelter Prod.

Création au Théâtre Varia.

Reprise du 7 au 28 juillet au Théâtre des Doms (Avignon) et les 19 et 20 août au Festival de Spa.

Khadim Fall

Passé par l'Esact/Conservatoire royal de Liège (master I, 2018-2019), titulaire d'une licence en métiers des arts et de la culture (Université Gaston Berger, Saint-Louis, Sénégal, 2014-2017), Khadim Fall a suivi la formation en arts scéniques et cinématographiques Fotti, le Centre d'arts nomade de Younouss Diallo. Entre Sénégal et Belgique, le jeune comédien s'est ainsi frotté aux savoir-faire de pédagogues aux divers ancrages dans la pratique artistique: Fabrice Murgia, Agnès Limbos, Thibaut Wenger, Dorcy Rugamba, Axel De Booseré, Pietro Varasso ou encore Karine Ponties. Autant de contaminations et d'inspirations pour celui qui tint le rôle principal de Xaar Yalla, de Younouss Diallo, pendant toute sa tournée en Afrique de l'Ouest.

Sous la direction d'Aurore Fattier dans Qui a peur, comédie corrosive de Tom Lanoye, Khadim forme avec Leila (Chaarani) le couple estampillé "jeunesse et diversité" qui auditionne devant Koen (de Sutter) et Claire (Bodson). Avec assez de souplesse pour se couler dans l'aventure et le vif tempérament qu'il faut pour tenir tête à ce sacré tandem de monstres désabusés, Khadim Fall inscrit sans l'imposer sa silhouette et son répondant sur les plateaux d'aujourd'hui et de demain. M.B.


Khadim Fall

Dans Qui a peur, de Tom Lanoye. Mise en scène d’Aurore Fattier.

Un spectacle de Solarium asbl en coproduction avec Dadanero, le Theatre Varia, La Coop asbl, Shelter Prod.

Création au Théâtre Varia.

Reprise du 7 au 28 juillet au Théâtre des Doms (Avignon) et les 19 et 20 août au Festival de Spa.


Chloé Larrère

Bac littéraire en poche, Chloé Larrère décroche une licence en lettres modernes à l'Université Paris III Sorbonne Nouvelle et suit un cycle de formation au Conservatoire du XIXe arrondissement. Puis c'est Bruxelles, l'Insas, la section Interprétation dramatique dont elle sort avec les compliments du jury en 2018.

Dès avant cela, la jeune femme fourmille de projets et aligne les expériences sur scène comme à l'écran.

En juillet 2021, sélectionnée pour la toute nouvelle Garden Party des Doms, elle y révèle son personnage d'aficionada d'Anderlecht revenue hanter le stade et revivre ad libitum le geste magnifique d'un prince du ballon rond. Ce baiser soufflé sera pour toi révèle non seulement une interprète d'une énergie débordante et touchante mais une plume aiguisée, sensible, dotée d'un joli sens de la dramaturgie. Autant de qualités qu'on retrouvera dans le rôle-titre de Saule, pieds nus dans les aiguilles, de La Berlue. Chloé Larrère y donne corps et voix, avec un naturel remarquable, aux failles et aux obstinations d'une ado en mal de père et de repères, qui vacille mais avance. Toujours son interprétation contient cette qualité vibratoire, rugueuse mais souple, qu'elle convoque derechef dans À ce qui manque, de Chloé Winkel. À nouveau les rives de l'enfance, une fragilité portée avec puissance, dans un registre où excelle sa finesse et qui pourtant ne saurait enfermer l'ampleur de son tempérament. M.B.


Chloé Larrère

Dans Ce baiser soufflé sera pour toi, Les Doms, Avignon, juillet 2021

Dans Saule, pieds nus dans les aiguilles par La Berlue, Rencontres de Huy + Festival Turbulences

Dans À ce qui manque, de Chloé Winkel, Océan Nord, mai 2022

Paying For It

Le collectif La Brute donne la parole aux travailleu(r)ses du sexe. Sans fard, le spectacle redonne une humanité à des êtres stigmatisés. Ni victime systématique, ni perverse démoniaque, la prostituée se bat finalement pour toutes les femmes. Conçue comme une enquête, Paying for It se penche sur l’histoire, les tabous, l’hypocrisie et les stigmates de la prostitution en Belgique, investigation qui aborde au passage la place du sexe et des femmes dans la société. Sur scène, une dizaine de comédiens incarnent les témoins rencontrés dans cette recherche au long cours : un inspecteur de la brigade judiciaire en charge de la traite des êtres humains, une ancienne prostituée, un travailleur du sexe spécialisé dans les échanges sadomasos, une chercheuse, une écrivaine, une prostituée qui travaille à domicile, une autre qui œuvre dans un bar à champagne de la Nationale 4, ou encore une artiste-performeuse qui s’est penchée sur l’histoire du modèle de la Petite danseuse de 14 ans sculptée par Degas, emblématique des petits rats de l’opéra qui étaient aussi livrées au bon plaisir sexuel des abonnés du lieu.

Documenté mais non moins engagé, exhaustif mais non moins subjectif, le spectacle a le mérite de susciter le débat, de soulever le couvercle sur une question qui dérange les bien-pensants de tous bords, et d’éviter tout sensationnalisme racoleur. C.M.


Paying for It du Collectif La Brute.

Création au Théâtre National.

Une production Wirikuta ASBL, en coproduction avec La Brute ASBL, Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, La Coop ASBL / Shelter Prod.

Jimmy n'est plus là

Inverser les costumes, devenir une fille, telle est la principale préoccupation de Jimmy, dans cette minisérie théâtrale, qui nous interroge sur nos comportements et pose la question identitaire. Un spectacle à quatre voix, joué en vidéo, et partiellement en vers, rythmé comme un concert de Métal, où le drame s’annonce avec fracas et effets visuels sur le toit de l’académie de musique. Loin du ton mélo, l’auteur et metteur en scène Guillaume Kerbusch (Inspecteur Drummer dans la série La Trêve de Mathieu Donck) opte pour celui de la série télé, à regarder épisode par épisode ou à binge-watcher, dans une scénographie primordiale et centrale.

D’abord, il y a Lara, toujours de mauvaise humeur, genre à voir le verre à moitié vide, à détester le salon de son père et l’académie de musique, mais aussi à tomber amoureuse de Jimmy. Jusqu’à ce qu’il lui annonce qu’il veut devenir une fille. De surprise, elle rit. De rage, elle prend un pseudo sur Facebook et le traite de tarlouze sur la toile entière. Réactions en chaîne, cabale contre cette tapette pendant que Marie drague Jimmy, que Jimmy utilise Lara, que le cœur d’acier de Sandra, fan de Rambo, fond et que tout dérape à la vitesse du clic dans la vie de cette jeunesse cruelle et victime de réseaux asociaux. Une fresque miroir fulgurante comme du street art, qui met en exergue les dérives des nouveaux moyens de communication. L.B.


Jimmy n'est plus là de Guillaume Kerbusch.

Création au Théâtre Varia.

Une production Trou de Ver ASBL.

Ni oui ni non bien au contraire

Grande spécialiste du théâtre d’objet, et hyper douée pour se mettre à la hauteur des petiots, la compagnie Arts et Couleurs s’attaque à la philosophie avec un grand P, celle qui sort de la bouche des enfants. Car elles sont nombreuses, les interrogations des petits face aux illogismes de la vie, au nonsense de certaines expressions. "Si aujourd’hui c’est demain, pourquoi demain c’est plus demain mais c’est aujourd’hui ?" "Pourquoi quand je ferme les yeux, je vois des petites images ?" "Est-ce qu’un chat sans oreilles, c’est laid ?"

L’inénarrable professeur Pompon, sage et savoureux Gauthier Vaessen, ouvre les enveloppes chaque fois que tinte sa boîte aux lettres, à la manière des alertes d’une boîte à courriels et découvre les questions secrètes et philosophiques de ses élèves. Mais il ne cède pas aux lois de l’immédiateté, et laisse parfois certaines missives reposer, en attendant que leur réponse s’impose.

Seul derrière sa table, il sort peu à peu ses figurines et colore le décor sous les yeux ébahis des jeunes spectateurs en déroulant un tapis vert, en saupoudrant les sapins en plastique de sucre glace les jours de neige, en donnant vie à ses petits cochons, aux loups et agneaux pour raconter, sans paroles, mais avec gestuelles et musiques adaptées, de Peer Gynt à Chopin, selon son humeur, la fable du Loup et l’Agneau. Précieux climax en ce théâtre d’objet pour tout-petits, truffé de trouvailles. De la magie théâtrale à l’état pur, qui ravira les enfants, fascinés par les effets de scène et la justesse de la simplicité, élaborée avec un soin tout particulier. Du cousu main. L.B.


Ni oui ni non bien au contraire de Martine Godard.

Création aux Rencontres du Théâtre Jeune Public à Huy. 

Un spectacle de la Compagnie Arts et Couleurs.

Un silence ordinaire

L’alcool. Vaste sujet. Qui concerne autant les jeunes que les adultes, les enfants que les parents, les élèves que les professeurs. Vaste sujet, dont Didier Poiteaux, comédien d’une sobriété appropriée, amateur du théâtre documentaire, s’empare.

Il le contourne, s’en imprègne, le traverse et le livre, sur un plateau, accompagné de la bassiste Alice Vande Voorde, pour enfin briser Un silence ordinaire. Fruit de rencontres, de témoignages, d’ateliers d’écriture avec des élèves, cette mise en scène épurée d’Olivier Lenel, mène du groupe à l’individu, du général à l’exemple, de la théorie à l’ultime confession : “Ma mère s’appelait Julia”. Une seule phrase, amenée en finesse, et voici dite la douleur d’un fils de mère alcoolique.

Du binge-drinking très pratiqué par les jeunes, au quadra qui fait la tournée minérale… du 24 au 28 février – car avant cela, il y avait son anniversaire, le carnaval et une promotion à fêter –, en passant par le ballon de rouge découvert dans le buffet, à côté des saladiers en plexy, chacun, ou presque se retrouve de près ou de loin. Et frémit à la lecture d’un extrait de La Vie matérielle de Marguerite Duras : “On dit toujours trop tard à quelqu’un qu’il boit.” Un spectacle jeune et surtout tous publics. L.B.


Un silence ordinaire de Didier Poiteaux.

Création aux Rencontres du Théâtre Jeune Public à Huy.

Un spectacle d’INTI Théâtre, en coproduction avec Pierre de Lune, Centre Culturel de Dinant, Centre culturel de Verviers et la Coop asbl.

Work

Le cirque, dit-on parfois, c’est la rencontre entre l’être humain et l’objet – maîtrisé ou rebelle. Artiste touche-à-tout et audacieux, Claudio Stellato semble prendre cette définition au pied de la lettre. Dans L’Autre, en 2011, il vivait en solo l’exploration d’un mobilier sauvage, les meubles semblant doués d’une vie propre et mystérieuse. Avec La Cosa, le metteur en scène, né à Milan en 1977, révélait ensuite sa passion du bois en invitant quatre bûcherons en costard (dont lui-même) à dialoguer à coups de haches avec quatre stères de bois de chauffage – un réjouissant ballet très chorégraphique, élu Meilleur Spectacle de Cirque aux Prix de la Critique en 2016. Cette fois, avec Work, Stellato joue (à fond) sur la notion de "travail", comme l’indique le titre à double fond. Il convoque sur scène le grand art du bricolage. Tout à la fois peintres, charpentiers, couvreurs, acrobates, performeurs et danseurs, les quatre interprètes se jettent dans les pigments comme d’autres se jettent à l’eau. Chapeau bas à ces quatre intrépides (Joris Baltz, Oscar de Nova De La Fuente, Mathieu Delangle et Nathalie Maufroy) et aux régisseurs qui doivent nettoyer après chaque représentation. Attention, peinture fraîche ! Ça déborde de partout, on se pousse, on se cloue aux murs, on peint le décor aussi bien que ses copains bricoleurs, face à une salle médusée qui vibre souvent d’un rire rythmé par les coups de scie sauteuse. Le cirque traditionnel avait ses animaux sauvages. En repoussant toujours plus loin les limites du cirque contemporain, Claudio Stellato démontre que l’humain n’en a pas fini de découdre avec plus fort que lui. L.A.


Work de Claudio Stellato.

Création aux Halles de Schaerbeek.

Une production de la Cie Claudio Stellato ASBL, en coproduction avec les Halles de Schaerbeek, Charleroi Danse – Centre Chorégraphique de Wallonie Bruxelles, La Verrerie d’Alès – PNC Occitanie, Theater Op de Markt – Dommelhof, Festival International des Arts de Bordeaux métropole, La Brèche - PNC de Normandie, L’échangeur - CDCN Hauts-de-France, Pronomade(s) CNAREP en Haute-Garonne, La SACD au Festival d’Avignon

125 BPM

Des numéros de roue Cyr, on en a vu et revu depuis l’invention de cet agrès par Daniel Cyr du Cirque Eloize, à la fin des années 90. Mais on n’en avait jamais vu un comme ça qui, au lieu de s’étendre sur quelques minutes comme c’est le cas d’habitude, atteint carrément l’heure, sans pour autant qu’on ne s’ennuie une seconde. C’est là un sacré tour de force de la part du duo réunissant Robin Leo et Jean-Baptiste André, qui se sont rencontrés en 2012 à l’Esac (Ecole Supérieure des Arts du Cirque) à Bruxelles. Toutes les possibilités techniques de leur anneau de métal sont exploitées, à la verticale et à l’horizontale, dans la rotation sur place ou dans la bascule d’un axe à l’autre, à l’intérieur et à l’extérieur, ensemble ou séparément, à l’unisson ou en décalage. Mais le jeu sur la gravité et les orbites, qui définissent les lois de cette roue comme celles de l’univers, ne suffit pas pour tenir une heure : le duo André Leo y ajoute un sens de la construction qui s’amuse à casser les codes traditionnels du numéro circassien, un goût prononcé pour l’humour clownesque muet, des clins d’œil au disco et au heavy metal, et une complicité sans faille, qui fait vraiment plaisir à voir. Un régal. E.S.


125 BPM du Duo André/Léo. 

Création au Théâtre Marni.

Une coproduction Espace Catastrophe – Centre International de Création des Arts du Cirque [BE], Theater op de Markt – PCT Dommelhof [BE] & Perplx – Circus Festival [BE]. En coréalisation avec le Théâtre Marni.

Encore une fois

Habitués à vivre dangereusement, les acrobates de Tripotes défient ici toutes les injonctions sanitaires rabâchées par la crise dans des portés charnels qui feraient frémir tout épidémiologiste. Pourtant, on oublie vite ces préoccupations virales car leurs saltos vertigineux nous font surtout craindre pour leur intégrité physique. On frissonne plus à les voir défier la gravité qu’on ne se soucie de les voir non-masqués. Malgré tout, le trio se joue du contexte hygiénique en trouvant le moyen d’échanger leur salive à distance ! Le centre de crise aurait-il oublié d’interdire l’échange de balles de ping-pong en se les lançant de bouche à bouche ? Il est vrai que rares sont ceux capables de cette prouesse à six ou sept mètres de distance. Décontractés et drôles, les circassiens (Julio Calero Ferre, Daniel Torralbo Pérez et Gianna Sutterlet, qui se sont rencontrés à l’Ecole Supérieure des Arts du Cirque à Bruxelles) saluent les badauds penchés à leur balcon entre deux pirouettes aériennes sur la bascule, s’excusent de s’approcher trop près quand une acrobatie dérape, et tissent un jeu complice avec ce public d’un soir d’une manière que toutes les vidéos et plateformes virtuelles du monde ne pourront jamais égaler. C.M.


Encore une fois de Julio Calero Ferre, Daniel Torralbo Pérez et Gianna (Les Tripotes).

Avec le soutien de Zarti’Cirque, Zirkozaurre, Trapèze asbl, Centre des Arts scéniques, Wolubilis, Espace Catastrophe.

No One

Spectacle de théâtre sans paroles,  No One  éclaire avec humour les dynamiques de groupe et la nécessité de désigner un bouc-émissaire dans les situations désespérées. Sans prononcer le moindre mot, cinq acteurs et dix figurants parviennent à nous faire entrer dans un récit vertigineux. "Yes, hello I’m listening… Hello ! Vous m’entendez !!?… Is there anyone there ??... Tuuuut." A la lueur d’un néon fatigué, le public découvre l’intérieur d’une pompe à essence perdue au milieu du néant. Le décor imaginé par Aurélie Deloche transpire l’angoisse. Au dehors, la nuit est suffocante. Un groupe de touristes tombé en panne cherche assistance mais le seul téléphone en état de marche s’est mystérieusement volatilisé. Qui sera désigné comme responsable ? Est-ce le conducteur du car accidenté ? le tour opérateur ? le pompiste ? Sophie Linsmaux et Aurelio Mergola nous invitent à nous pencher sur ce petit groupe d’individus pris au piège entre les couches culottes en promotion et la hache d’incendie qui pend au mur en cas de besoin. La compagnie Still Life crée un théâtre de la cruauté à l’intérieur duquel l’humour est un rebond face au désastre. L’absence de texte permet aux autres facettes du théâtre de briller. Les images sont percutantes. Elles resteront encore longtemps imprimées sur la rétine d’un spectateur soufflé par une mécanique sans faille qui éclaire à grand coups de projecteurs les dynamiques de groupe, les comportements irrationnels et la violence qui en découle. A mourir de rire… F.C.


Créé au Théâtre Les Tanneurs


No One de Sophie Linsmaux et Aurélio Mergola

Scénographie Aurélie Deloche Création lumières, régie générale et effets spéciaux Hugues Girard Création sonore Guillaume Istace Mise en espace et en mouvement Sophie Leso Création costumes Camille Collin Assistanat scénographie et accessoires Chloé Jacqmotte Assistanat général Sophie Jallet Illusion Tim Oelbrandt Couturière Cinzia Derom Construction Didier Rodot Prothésistes Florence Thonet, Anne Van Nyen Bruitage Céline Bernard Régie plateau Rudi Bovy Régie lumières Hugues Girard, Nicolas Thyl Régie son Jérémy Michel Voix bébé Nikita Jonet Régie costumes Rosmary Roig

Un spectacle de la compagnie Still Life en coproduction avec le Théâtre Les Tanneurs, la maison de la culture de Tournai/maison de création et La Coop asbl | Une production déléguée du Théâtre Les Tanneurs.

Nicolas Luçon

Une silhouette adolescente, un peu froissée, un regard, une moue étonnée, mélancolique, en bord de larmes, une manière de laisser les mots s'envoler comme par mégarde, drôle, lunaire, cynique … Ainsi Nicolas Luçon traverse-t-il la scène, comme il l'a fait au Théâtre des Martyrs dans l'incroyable Villa Dolorosa de Rebecca Kricheldorf, version corsée des Trois sœurs de Tchékhov, mise en scène par Georges Lini. Luçon s'y glisse en Georg, l'ami velléitaire, prisonnier d'une épouse suicidaire, d'un impossible amour, d'un futur voilé. Il y est fascinant, d'une justesse troublante, poignante, hors des clichés. Un cadeau pour un metteur en scène.

Venu de France avec des études de philosophie en poche, Nicolas Luçon s'est formé à l'Insas. Depuis 2002, il multiplie les rôles: un vrai poison dans l'eau quand il vibre dans des textes revisités, explosés, sources de deux précédentes nominations aux Prix de la Critique. Fidèle d'Armel Roussel (Si demain vous déplaît, Re-mix, L'Eveil du printemps, parmi d'autres…), mais aussi de Sabine Durand, de Stéphane Arcas qui lui a offert cet automne un ovni, Ce qui vit en nous, comédie chantée et parlée, surréaliste, où il fait sien le rôle d'un amnésique en quête de sa vie, en questionnement sur la mort ! Le comédien s'est aussi lancé depuis 2006 dans la mise en scène au sein de sa compagnie Ad hominem (avec Denis Laujol et Julien Jaillot). En sont nés deux textes de de Robert Walser, dont le crépusculaire et vibrant Institut Benjamenta, ou encore Nevermore, une adaptation de La poule d'eau de Witkiewicz : une densité onirique, des êtres fragiles et drôles dans une étrange émotion. : un condensé de l'art de Nicolas Luçon ! M.F.


Nicolas Luçon dans Villa Dolorosa, de Georges Lini.

Une coproduction Compagnie Belle de nuit, Théâtredes Martyrs, La Coop ASBL; Shelter Prod.

Dans Ce qui vit en nous de Stéphane Arcas, Baudouin de Jaer et Martijn Dendievel.

Une production du Théâtre de la Balsamine en coproduction avec Black Flag ASBL NOODIK, productions, Ars Musica, LaCoop ASBL et Shelter Prod.

Villa Dolorosa

Elles s’appellent Irina, Olga et Macha. La mort récente de leurs parents les a laissées désemparées, dans une maison familiale devenue leur refuge et leur prison. Sous la plume de Rebekka Kricheldorf, les trois sœurs de Tchekhov et leurs proches trouvent dans l’Allemagne d’aujourd’hui une nouvelle vie. De l’original, l’autrice a conservé les thèmes, les situations et les personnages : ceux-ci ressassent au fil des années leurs projets sans cesse différés, leurs rêves brisés et leur ennui, avec pour toile de fond une société où triomphent l’argent, l’efficacité et l’individualisme. Mais la mélancolie feutrée et la douce ironie du XIXe siècle font place ici à une rage bien d’aujourd’hui taillée dans une langue décapante et férocement drôle.

Georges Lini atteint ici le sommet de son talent. Il orchestre magistralement les allées et venues et "chorégraphie" les mouvements à l’intérieur d’un lieu unique, le salon et son vaste canapé, image emblématique de l’inertie ambiante. En maître du casting, il a surtout misé sur le jeu des comédiens, et le résultat est époustouflant. Il se dégage du plateau une impression de liberté totale, même si les excès sont parfaitement maîtrisés. Chacun.e habite son personnage en lui insufflant son énergie propre, et entre eux la connivence est parfaite. Enfin Lini nous fait découvrir une pièce éblouissante, dans un genre où il excelle : bien plus qu’une habile machine à provoquer le rire, ce "vaudeville existentiel" nous renvoie à nos propres failles, et à notre désarroi face à un monde qui nous semble de plus en plus étranger. D.M.


Villa Dolorosa, de Rebekka Kricheldorf, mise en scène de Georges Lini. 

Création au Théâtre des Martyrs.

Une coproduction Compagnie Belle de nuit, Théâtre des Martyrs, La Coop & Shelter Prod.

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Carnage

Carnage expose six parcours de vie torturés, six portraits tirés au hasard d’une nuit au cœur d’une rave party. Les personnages errent dans une zone industrielle à l’abandon. Ils fument, boivent, vomissent et crient leur détresse en dansant comme des fantômes sur les basses envoûtantes de la musique techno. Le décor imaginé par Marie Menzaghi dessine les contours d’un monde souterrain. D’immenses piliers de béton servent de lieu de ralliement et d’exutoire à cette jeunesse en perdition. D’un réalisme confondant, ce décor monumental écrase les personnages et les figurants, les maintenant au sol au milieu des détritus, dans la boue et le gravier qui les écorchent. Tandis que la lumière et le son réalisés par Clément Longueville et Harry Charlier, les enferment dans une nuit noire et sans lendemain. Carnage expose le tableau désolé d’une jeunesse révoltée. Le spectacle est à l’image de son titre; il est brutal et glaçant. F.C.

Créé au Théâtre Varia.

Un spectacle d’Hélène Beutin et Clément Goethals, 

Scénographie de Marie Menzaghi.

Un spectacle de la FACT en coproduction avec le Théâtre Varia, le Festival de Liège, le Théâtre de l’Ancre, la Coop asbl et Shelter Prod. 

Les Falaises

C’est un couloir sans âme à la peinture éteinte, fatigué par les effluves de café froid, la routine et l’ennui. Des portes qui mènent peut-être à des bureaux, à des pièces de rangement, à un local cuisine, on n’en saura jamais rien. Les personnages entrent et sortent, paraissent être occupés, sans que l’on sache ce qu’ils font réellement. Des lumières s’allument et s’éteignent en modifiant l’espace et ponctuant la narration. Dès la première séquence qui s’ouvre sur une musique très cinématographique, le décor s’impose comme un des personnages de ce spectacle où le hors champ a autant à nous dire que ce qui se déroule sur le plateau. La scénographie signée Charles-Hippolyte Chatelard est indissociable des lumières de Alice De Cat et de la mise en scène de Antonin Jenny. Le trio tient d’ailleurs beaucoup à se rassembler sous l’étendard du collectif Fanny Ducat dont Les Falaises est le premier projet achevé. La cohérence entre le son, la lumière et l’espace donne au spectacle la qualité d’un objet plastique et narratif singulier et parfaitement maîtrisé. G.B.


Créé au Théâtre Les Tanneurs.

Les Falaises d’Antonin Jenny.

Scénographie de Charles-Hippolyte Chatelard.

Une production du Théâtre Les Tanneurs, en coproduction avec Fany Ducat, [e]utopia asbl/Armel Roussel et La Coop asbl | Une production déléguée du Théâtre Les Tanneurs.

Le Roman d'Antoine DoinelLe défi était de taille. D'abord pour le metteur en scène Antoine Laubin d'adapter pour le théâtre les cinq films que François Truffaut consacra à la vie de son double à l'écran Antoine Doinel. Une fois la fresque de quatre heures coulée sur le papier, encore fallait-il la rendre visible et lisible. C'est là qu'est intervenue Prunelle Rulens, scénographe ici, mais costumière pour d'autres artistes, signant les costumes de plusieurs spectacle d'Aurore Fattier (L'Amant, Elisabeth II...) mais aussi pour Guy Dermul. Pour une saga hors normes, il fallait une scène qui l'est tout autant. Comment raconter un récit en étoile? en le posant sur une étoile ou ce qui y ressemble. Le praticable - sorte de catwalk des défilés de haute couture - étend ses bras sur une plateau débarrassé des traditionnels gradins. Et le public d'assister, lui-même assis sur des chaises pivotant à 360°, à ce tourbillon de la vie (oui c'est dans un autre Truffaut), si bien mené qu'on aurait aimé que cette expérience, même si elle met entre parenthèses un certain confort, se prolonge jusqu'au bout du spectacle (la deuxième partie reprenant le classique frontal). De la dynamique, du mouvement pour suivre "l'amour en fuite". Quoi de mieux? - N.N.


Créé au Théâtre Varia.

Le Roman d'Antoine Doinel d’Antoine Laubin.

Scénographie de Prunelle Rulens.

Une création De Facto, en coproduction avec le Théâtre Varia, Centre scénique de Bruxelles / Théâtre de Liège / Maillon, Théâtre de Strasbourg – Scène européenne.

Home

Créé au Factory 2020 du Festival de Liège, Home, séduisant et raffiné est produit par de jeunes étudiants à peine sortis de l’INSAS. Ils ont développé leur projet de fin d’études qui va au-delà de la simple promesse. La metteuse en scène, Magrit Coulon et ses trois acteurs Carole Adolff, Anaïs Aouat et Tom Geels ont longuement observé des "vieux" dans un home d’Ixelles, pour reproduire leurs gestes avec une précision maniaque, saisissante, du corps, des jambes, des mains. Alors théâtre documentaire? Non, ce matériau humain leur sert à faire un théâtre quasi métaphysique… et drôlissime sur le vide intérieur qui guette, la fuite terrible du temps, la rareté de la parole. Ces "jeunes" se présentent comme des "vieux" ravagés, aux gestes lents, aux corps recroquevillés, accrochés à leur support roulant, leur siège, ou à une table, comme autant de bouées de sauvetage. Leurs rares paroles au milieu d’une immense solitude font entendre des rapports de force rageurs, des éclats d’âme furtifs. Une tendresse lucide imprègne la mise en scène de ces trois vieux, barbouillés de confiture, parfois rassemblés autour d’un piano dissonant pour exister en attendant que le ciel leur tombe sur la tête. les 20 premières minutes sont muettes, centrées sur le geste et l’occupation de l’espace. Pas une toux de spectateur "ennuyé" alors qu’en face de nous une horloge nous permet de mesurer ce temps extérieur… long. Mais les acteurs nous font une infusion souvent comique de leur "temps intérieur" que nos sourires accompagnent. C.J.


Home de Magrit Coulon.

Une production du Festival de Liège, en coproduction avec la Maison de la Culture de Tournai/Maison de création, le Théâtre National Wallonie-Bruxelles.

Création au Factory 2020 du Festival de Liège.

Vacances Vacance

Seule sur le plateau nu, Ondine Cloez joue avec la lumière qui s'échappe d'un prisme et se projette sur le mur, sur sa main. Elle se souvient des vacances en juillet 2015, fascinée par l'état dans lequel elle était, lorsque tout paraît plus beau, plus intéressant, plus léger. Ce moment où la place que l'on occupe habituellement est vide alors qu'il est une chose que l'on ne peut quitter : son corps. Elle envisage de quitter son corps, de partir en vacances en restant ici. Dans un monologue qui se transforme peu à peu en pièce chorégraphique Ondine Cloez explore l'absence dans une danse étrange où elle expérimente physiquement des états de corps, où elle s'absente de son propre corps. Évoquant le "dix parfait" de Nadia Comaneci au JO de Montréal en 1976 ou les expériences proches de la mort (near death experience, traduit en français par décorporation), elle emmène le public dans une réflexion audacieuse, amusante et plus radicale qu'il n'y paraît, vers cet état où une personne est atteinte par quelque chose qui la dépasse : la grâce. D.B.


Vacances vacance d’Ondine Cloez.

Une production Entropie, en coproduction avec Atelier de Paris/CDCN, CCN Orléans, Le Vivat – Scène conventionnée d’Armentières, Musée de la Danse - CCN de Rennes, Kunstencentrum BUDA – Courtrai, Charleroi Danse, La Bellone – Maison du Spectacle, WP Zimmer - Anvers, Service de la Danse - Fédération Wallonie Bruxelles


Création aux Brigittines.

Collectif La Brute

Ils ont travaillé et mûri trois ans le thème et la réalité de la prostitution à travers un nombre impressionnant de rencontres de putes, de lectures de leurs témoignages, de visionnages de films, de travail de groupe. "Ils" c’est le collectif La Brute animé, entre autres, par Jérôme de Falloise, Raven Ruëll et Anne-Sophie Sterck encadrant les recherches, d’un groupe de jeunes acteurs de l’Esact. Loin de crouler sous la documentation ils en font une fresque vivante, vibrante et leur réflexion sur la manière de transmettre est aussi importante que le contenu.

Surtout il y a cette "écriture scénique" impressionnante, la qualité des dialogues qui jaillissent du plateau où ces prostitué(e)s semblent en roue libre, à un moment de repos de leurs activités. Les 10 protagonistes, pour la plupart remarquables étudiants de l’Esact de Liège, faufilent des répliques qui s’enchaînent avec un naturel fou. Ça vit, ça bondit, ça rejaillit et une narration s’élabore devant nous avec ses moments tour à tour drôles ou dramatiques. Les trois "animateurs" du Collectif, Jérôme, Raven et Anne-Sophie sont bien là, acteurs remarquables. Mais surtout ils communiquent leur énergie à un groupe de jeunes acteurs/trices dont l’écriture scénique collective, la tonalité juste donnent à ce sujet tabou, la prostitution, un éclairage à la fois intense et détaché renvoyant la balle dans le camp du spectateur. A la manière de Baudelaire dans sa fameuse apostrophe au lecteur :

"Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange

Le sein martyrisé d'une antique catin,

Nous volons au passage un plaisir clandestin

Que nous pressons bien fort comme une vieille orange

… Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère !

C J.


Collectif La Brute pour Paying for it

Création au Théâtre National.

Une production Wirikuta ASBL, en coproduction avec La Brute ASBL, Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, La Coop ASBL / Shelter Prod.

Elena Doratiotto - Benoît Piret

Elena Doratiotto (collectif La Station) et Benoît Piret (Raoul Collectif) se sont connus à l'Esact, l'École d'acteurs du Conservatoire de Liège. Et ont porté ensemble des costumes de fourrure dans le spectacle jeune public Zoro et Jessica (les Ateliers de la Colline, 2011). C'est ensemble encore que, mus par des intuitions communes, ils entament à L'L, en 2014, une recherche qui aboutira à Des caravelles et des batailles. Coauteurs et metteurs en scène, ils associent au concept originel – nourri par leur lecture de La Montagne magique de Thomas Mann et par l'expérience critique et poétique de la Banalyse – une équipe d'interprètes qui irriguera le texte sur le plateau. "Nos personnages ont conscience du point de vue occidental de leur parole, tout comme ils savent l’extraordinaire de l’expérience qu’ils partagent."


C'est dans les pas d'Andreas, nouveau venu de cette petite communauté en retrait du monde, que Benoît Piret et Elena Doratiotto entraînent le spectateur, œil neuf lui aussi sur une forme scénique conçue avec "l'humour qui exige de l'espace" selon les termes de Mann, avec humour donc, ampleur évidemment, et finesse tout autant. Une théâtralité dont la précision extrême – très écrite et, dans le même mouvement, la même présence, intimement mêlée de spontanéité – sert subtilement la liberté du propos. Un conte suggestif et sensible, loin du naturalisme mais profondément réaliste. Un conte de l'écriture incarnée comme vecteur de mystère et célébration de l'ordinaire. Une ode à l'imaginaire de chacun, à l'intelligence de tous. M.Ba.


Elena Doratiotto et Benoît Piret pour Des caravelles et des batailles.

Création au Festival de Liège.

Un spectacle de Wirikuta ASBL en coproduction avec Festival de Liège, Mars – Mons Arts de la Scène, Théâtre Jean-Vilar de Vitry- sur-Seine, Maison de la Culture de Tournai, La Coop ASBL.

Marie Henry

Le Père commence : "Qu’est-ce que je ne t’ai pas encore dit pour que tu comprennes ?". La mère lui répond : "Tu m’as déjà tout dit". Le père d’insister : "Oui mais qu’est-ce que je ne t’ai pas encore dit pour que tu comprennes vraiment vraiment tout?". "Peut-on un jour tout comprendre ?", lui répond abyssalement la mère. Marie Henry aime ainsi construire le dialogue en cascade, de réplique en réplique, de saut en saut. Le mot est un tremplin à la fois vers un autre et vers lui-même. "Oui mais j’ai répété deux fois vraiment cela veut dire que je marque un agacement qui traduit que vraiment vraiment j’ai tout compris ce que tu voulais me dire. - Alors répète-le." Une discussion de fous ? En apparence seulement. Pink Boys and Old Ladies, spectacle de Clément Thirion, d’où sont extraites ces répliques, nous raconte le challenge posé par un petit garçon, nommé Normand, aux codes genrés, en revêtant une robe pour aller à l’école. Une situation pas si anodine que cela puisqu’elle vient secouer des siècles de vision binaire garçon-fille. Et la société d’en perdre… ses mots ("LE MARTEAU POUR SE FAIRE BATTRE. Le M/A/R/T/E/AU pour se faire B/A/T/T/R/E"). Le texte de Marie Henry prend alors tout son sens quand il exprime à nommer ce qui nous paraissait tellement évident jusqu’alors. Dans son jeu sur la langue et la narration, il y a du cocasse, de l’incongru, un décalage que l’on a déjà pu apprécier dans ses précédents textes, à l’instar de Come to me Comme tout le monde (éd. Lansman) ou dans les performances que l’autrice mène avec sa sœur Isabelle (Les sœurs H). Toujours éviter la morale, se pose-t-elle comme principe. "Je voulais bousculer les certitudes pour traduire que sur ce sujet, il n’y a pas grand-chose à penser. La place au jugement n’est pas donnée." N.N.


Marie Henry pour Pink Boys and Old Ladies, mise en scène de Clément Thirion.

Création à MARS, Mons Arts de la Scène.

Une coproduction MARS, Mons arts de la Scène, Kosmocompany, Théâtre de Liège, Théâtre la Balsamine, Maison de la Culture de Tournai/maison de création, La Coop ASBL et Shelter Prod.

Catherine Magis et Benoît Litt

Fondateurs et directeurs de l'Espace Catastrophe, ils sont le mariage de l’eau et du feu, le yin et le yang, l’acrobate des mots et le jongleur des chiffres. Virtuoses de l’impossible, rien ne les arrête, surtout pas l’improbable, et ils remettent, à l’infini, leurs tours de force sur le tapis. Avec eux, le cirque sera au sommet, ou ne sera pas. Leurs premières chaotiques et passionnantes Pistes de lancement, orchestrées voici près de vingt-cinq ans, les ont directement propulsés en haut de l’affiche. Devenu Festival Up!, cette biennale internationale du Cirque contemporain leur valut, l’an dernier, le label de "Best International Event". Belle reconnaissance pour leur Espace Catastrophe, centre international des arts du cirque, créé en 1995, et qui depuis ressemble à une ruche qui bourdonne en permanence, en soutien à la création contemporaine. Des projets plein les poches, de soutiens d’artistes en coproductions, de formations aux aides à l’écriture, ils ont aussi travaillé avec le Créahm pour de remarquables Complicités, une expérience inoubliable, dont ils parlent encore, des pépites plein les yeux. Et se sont lancés, cinq ans durant, dans l’édition du magazine C!rq en CAPITALE.

Avec trente spectacles, venus de tous pays, et cinquante-cinq représentations, pendant une dizaine de jours dans autant de lieux bruxellois, le Festival Up! venait nous sortir de l’hivernage. C’était sans compter avec l’arrivée d’un trapéziste invisible, un monsieur déloyal, venu sonner la fin de la représentation avant qu’elle ait commencé.

Coup de massue, après une autre déconfiture, l’an dernier, suite à l’annulation d’un vaste projet, Cirk, à Koekelberg, sur lequel Catherine Magis et Benoît Litt, œuvraient depuis de longues années.

Mais rien n’abattra les duettistes, qui depuis leurs premières pistes, dans une salle confidentielle, aux Anciennes Glacières de Saint-Gilles, n’ont cessé de se relever, doués d’autant de vies que les chats.

D’un optimisme à tous crins, et d’un enthousiasme contagieux, l’insatiable Catherine Magis n’a pas son pareil pour chauffer les salles. Mais cette boule d’énergie, ancienne acrobate, qui a dû abandonner la piste suite à une fracture de la colonne vertébrale, en 1994, ne travaille jamais sans filet. Le sage et philosophe Benoît Litt, directeur administratif de l’Espace Catastrophe, se tient toujours aux aguets, prêt à la rattraper, à la contenir, à rectifier le cap, à lever la voilure et à analyser la situation. C’est lui qui tient les comptes et elle la barre pour que l’équipage, qui a osé, avec raison, défier le sort, ne courre jamais à la catastrophe. L.B.

Tchaïka

En voyant Tita Iacobelli, la nécessité de monter La Mouette s’est imposée à Natacha Belova. Seule avec sa marionnette à taille humaine, la comédienne chilienne alterne de manière fascinante, grâce à son incroyable palette de jeu, entre quatre rôles, dont, principalement, la jeune Nina et Arkadina, au crépuscule de sa vie.

Outre l’incroyable performance de la marionnettiste, les silences, les respirations racontent autant que le texte épuré qui, en une heure et cinq scènes, résume l’essence du chef-d’œuvre de Tchekhov. Une petite forme, donc, pour un diamant brut taillé par la metteuse en scène et scénographe Natacha Belova, avec une émouvante sobriété. Dans cette atmosphère feutrée, la marionnette, qui incarne la vieille actrice, existe pleinement, par la voix, par les gestes, par la manière de se déplacer, de façon troublante parfois, tant grandit l’osmose entre les deux personnages qui osent un pas de danse.

Entre autres codes théâtraux, un ours en peluche, sorti d’une sacoche en cuir fatigué, devient le fils d’Arkadina, sa conscience, venu lui confirmer ses craintes, à savoir la liaison de Nina avec l’écrivain. Un dialogue métaphysique se glisse entre ces lignes de mauvais augure pour dire, avec talent et profondeur, l’injustice de la vie, le double drame de la vieillesse, du théâtre, du jeu et de la vérité. L.B.


Tchaïka de Natacha Belova et Tita Iacobelli, avec Tita Iacobelli.

Création belge au Festival au Carré (Mons).

Une production Ifo ASBL, en coproduction avec Mars-Mons arts de la scène, Théâtre Des Martyrs à Bruxelles, Atelier Jean Vilar à Louvain-La-Neuve.

Le Champ de bataille

Un matin, un homme réalise qu’il n’est plus un héros dans les yeux de son fils. Que celui-ci est passé du côté obscur de la force. Qu’il est devenu un ado ! Ce choc et la crise qui en découle le bouleversent à un point tel qu’il s’exile dans les toilettes. Changement de trône… Le roman de Jérôme Colin sorti en 2018 parle de la violence. Violence dans la famille, à l’école, dans la société. Tout bon roman ne devient pas forcément un bel objet de théâtre mais en adaptant ce texte pour les planches, Denis Laujol a opté pour la meilleure formule qui soit : un seul en scène. Toutes les violences qui le traversent sont dès lors concentrées dans un seul corps : celui d’un homme, d’un père, d’un conjoint. L’autre excellente idée fut de confier ce rôle à Thierry Hellin, de substituer à la voix de Jérôme Colin qui imprègne les mots écrits sur le papier celle de ce comédien hors normes qui s’est approprié les souffrances, les colères, les craintes, les frustrations mais aussi les joies de son personnage en poussant encore un peu plus loin les limites de sa pratique artistique et en faisant de ce Champ de Bataille un moment profond et émouvant à la fois. E.R.


Le Champ de bataille de Jérôme Colin, mise en scène et adaptation Denis Laujol, avec Thierry Hellin.

Création au Théâtre de Poche.

Une coproduction du Théâtre de Poche, de la Cie Ad Hominem, de l’Atelier Théâtre Jean Vilar (Louvain-la-Neuve) et du Central (La Louvière) et de la Coop. 

Rage dedans

Il part toujours de son vécu flambant le Piraux/mane ou d’observations de proches pour poétiser le monde, le rendre plus digeste.  Dans ce cas, il revient de loin et a frisé la cata finale. A deux jours d’une première au Poche, il y a un an, panique à bord et plouf, il plonge dans une déprime existentielle majuscule. On dit "burn out" quand on dépend d’un patron implacable, mais ici il est son propre patron ! Bourreau et victime à la fois, un cas d’école rare ?

Le spectacle part des bords, les circonstances, les détails, les anecdotes tragi-comiques décrites le plus concrètement possible et qui cicatrisent les plaies par le sourire. Une chaise branlante, trois pieds sur quatre sur laquelle il se hisse, voilà figuré le gouffre du déséquilibre vécu. La hantise des ratés de virilité et le voilà qui se déguise en femme. Mais là on est passé des bords au "centre", l’amour, la difficulté de le vivre au quotidien, d’admettre que c’est pour toujours mais pas tous les jours.

Le texte plein de trouvailles heureuses se nourrit de mime et de la souplesse d’un corps bondissant qui agrippe l’attention.  Avec ce regard à la fois naïf et lucide, angoissé et amusé qui met le malheur à distance et fait le charme de ce comédien fou de son public.

Est-il né clown Jean-Luc Piraux? Avec lui, pas besoin de masque, de boule rouge sur le nez.  De spectacle en spectacle, il est un gentil auguste, déroulant avec une simplicité désarmante son tapis de malheurs qu'il nous offre en partage. Simplement délicieux et tonique. C.J.


Rage dedans de et avec Jean-Luc Piraux.

Création à l’Atelier Théâtre Jean Vilar.

Une création du Théâtre Pépite en coproduction avec l’Atelier Théâtre Jean Vilar, le Théâtre de Poche, le Théâtre de Namur et DC&J Création.

Forces

Dans le silence et l'obscurité, trois corps se dessinent dans un halo de lumière. Un rythme s'impose comme le tambour d'une galère qui donne la cadence. Les corps vêtus de blanc et encapuchonnés, s'impriment du rythme, les mouvements se libèrent, les visages se découvrent. Les gestes s'enchaînent, répétitifs. Puis les mouvements se font plus chaloupés avant de revenir en force, le regard dur, intense. Les corps occupent l'espace dans une tension énergique, jusqu'à l'épuisement.

Chorégraphe, danseuse et comédienne, Leslie Mannès crée Atomic 3001 en 2016, un seule en scène marqué par la pulsation incoercible du geste et du son. Flanquée comme ici du compositeur Thomas Turine et du créateur lumière Vincent Lemaître, la chorégraphe exploite la relation fusionnelle entre le corps, le son et la lumière pour provoquer une expérience sensorielle collective, voire immersive. Dans Forces, cette trilogie de femmes puissantes (Leslie Mannès, Mercedes Dassy, Daniel Barkan) génère la force plutôt que de la subir, jusqu'à la libération, la joie, l'extase. Elles créent un tourbillon de forces primaires qui dégage une énergie collective dans une sorte de rituel de célébration du vivant. D.B.


Forces de Leslie Mannès, Thomas Turine, Vincent Lemaître. 

Création aux Brigittines.

Une production Hirschkuh en coproduction avec Les Brigittines, CDCN Le Gymnase Roubaix.

IDA don't cry me love

Qui aujourd’hui se souvient d’Ida Rubinstein ? Qui sait que c’est à cette danseuse, jeune orpheline mais riche héritière, qui fit scandale en 1908 en se déshabillant complètement lors de la Danse des sept voiles de Salomé et fut Cléopâtre et Shéhérazade pour les Ballets russes de Serge de Diaghilev, que l’on doit le fameux Boléro de Ravel, dont elle fut la commanditaire et la première interprète ? Si Ida Rubinstein a été, comme beaucoup de femmes, engloutie dans les méandres de l’Histoire, Lara Barsacq, elle, ne l’a pas oubliée. "J'avais un poster d'elle quand j'étais enfant, dans la cuisine (...) elle me donnait envie de danser", explique pendant le spectacle la jeune chorégraphe, elle-même liée aux Ballets russes par son arrière-grand-oncle Léon Bakst, qui signa les décors et les costumes de bon nombre de productions de la compagnie. Aux côtés de Marta Capaccioli et Elisa Yvelin, Lara Barsacq remet cette flamboyante icône de la Belle Epoque sous les projecteurs, à travers des documents, des reconstitutions plus ou moins libres de chorégraphies, des discussions à bâtons rompus et des chansons délicates. Un hommage en fragments, subtil et touchant, à l’audace et à la liberté d’une héroïne du passé, repère pour l’avenir. E.S.


IDA don't cry me love de Lara Barsacq. 

Création aux Brigittines.

Une production Gilbert & Stock, en coproduction avec Charleroi Danse - Centre Chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Les Brigittines.

WEG

La friction nature/culture nourrit de longue date le travail d'Ayelen Parolin. Qu'elle se livre à travers le solo autobiographique et évolutif 25.06.76, qu'elle explore l'homme intime et social par le biais de la statuaire dans David, qu'elle bâtisse un pont d'énergie chamanique entre Buenos Aires et Séoul dans Nativos, la chorégraphe (et danseuse !) ne craint pas plus l'ascèse que l'excès.

Pour WEG, Ayelen Parolin a rassemblé neuf danseuses et danseurs: les individus et le groupe, les êtres dans la masse, dont les échanges se nouent de la pulsion à l'entrave, du contrôle au lâcher-prise.

Argentine d'origine, Bruxelloise depuis une vingtaine d'années, elle voit "la chorégraphie comme un écosystème – qui d’ailleurs pourrait aussi être urbain –, avec tout ce qui vit, tout ce qui bouge, même dans l'invisible". Diaboliquement mis en musique – au fort pouvoir transformateur – par Lea Petra et son piano préparé, habité, heurté, un paysage complexe s'esquisse entre chaos et restructuration. Une danse où l'épure s'invite au creux de la sarabande, où les références abondent sans imposer une lecture. Dans le don plutôt d'un plaisir aussi charnel – "une énergie animale, basique, sexuelle", dit-elle – qu'intellectuel. Nourrie pour WEG de sa lecture de Sapiens, de Yuval Noah Harari, Ayelen Parolin convoque le contre-courant, le hors-code, l’au-delà des bornes, pour s'aventurer au cœur de la complexité du monde. Avec ses jeux de textures, ses contrastes têtus, ses unissons dégingandés, sa retenue et sa profusion, WEG synthétise les dynamiques à l’œuvre chez la créatrice: l’état des corps, leur expressivité, et le rythme, le dépassement, la transe – dans un chatoyant chœur de contradictions. M.Ba.


WEG d’Ayelen Parolin.

Création à Charleroi Danse – La Raffinerie.

Une production RUDA ASBL, DC&J Création, en coproduction avec Charleroi Danse, Théâtre de Liège, Tanz im August / HAU Hebbel am Ufer, L’Atelier de Paris – CDCN, Theater Freiburg.

No One

Comment raconter sans paroles ? Comment traduire les émotions intimes et les conflits interpersonnels sans recourir aux mots, juste au langage du corps et aux expressions du visage ? C’est le défi de taille que relève depuis 2011 la compagnie Still Life (Sophie Linsmaux et Aurelio Mergola, artistes associés au Théâtre les Tanneurs depuis 2019) à chaque nouvelle création. No One, la dernière en date (après entre autres Frozen et Keep Going), place un groupe de touristes suants et exaspérés par la panne de leur autobus dans une station-service perdue au milieu de nulle part. Une oasis des autoroutes qui sera leur refuge temporaire, mais aussi le théâtre de bassesses et de cruautés qu’exacerbe l’effet de masse. Lutte pour l’accès aux toilettes, vols, dissimulations et bien pire encore : c’est tout le côté obscur de la Force qui ressort ici, porté par cinq comédiens pro et une dizaine d’amateurs que Sophie Linsmaux et Aurelio Mergola orchestrent avec brio, dans un décor hyperréaliste bien pensé. A la fois dark et terriblement drôle, quasi gore mais réjouissant, complètement muet mais diablement éloquent, No One aurait dû voir sa tournée passer cet été au In d’Avignon. Le Covid en a décidé autrement. Ce n’est, on l’espère, que partie remise. E.S.


No One de Sophie Linsmaux et Aurelio Mergola. 

Création au Théâtre Les Tanneurs.

Un spectacle de la compagnie Still Life en coproduction avec le Théâtre Les Tanneurs, la maison de la culture de Tournai/maison de création et La Coop ASBL. Une production déléguée du Théâtre Les Tanneurs.

Le Roman d'Antoine Doinel

Et si le cinéma et le théâtre ne s’opposaient pas autant qu’on ne le dit. ? Antoine Laubin (Les Langues paternelles, Crâne…) et son fidèle dramaturge Thomas Depryck ont cru à leur rencontre, au passage de l’écran à la scène en nous plongeant dans des images pour la plupart partagées par les aficionados du cinéma de François Truffaut. Un pari fou : celui de condenser non pas un mais cinq films du maître de la Nouvelle Vague, les cinq chapitres de la vie d’Antoine Doinel – personnage avatar de son créateur –, des 400 coups à L’Amour en fuite. De cette somme filmée, le metteur en scène extrait une fresque de quatre heures nous entraînant littéralement dans le tourbillon d’une vie – une construction en étoile évitant la linéarité. Sur une scène que l’on découvre à 360 degrés sur des chaises pivotantes, la distribution évoluant sur les branches d’une étoile de praticables, l’on suit ainsi vingt ans de l’existence d’un homme de la France gaullienne, charmeur et malin, naïf et ambitieux, avec les désirs d’une jeunesse ayant connu l’avant et l’après mai 68. Pour se faire, Antoine Laubin a pu compter sur un casting trois étoiles (Valérie Bauchau, Philippe Jeusette, Renaud Van Camp, Caroline Berliner…) – et surtout un Adrien Drumel, virevoltant comme toujours – dans cette fuite en avant, où l’amour est politique, un sujet premier. Celui qu’on offre mais surtout celui qu’on attend en retour, avec ses joies et ses déceptions. En cela, l’œuvre se montre universelle, offrant en ce petit plus de vivre l’aventure humaine en direct. N.N.


Le Roman d'Antoine Doinel, d'Antoine Laubin.

Création au Théâtre Varia.

Une production De Facto, en coproduction avec le Théâtre Varia, Centre scénique de Bruxelles, Théâtre de Liège, Maillon, Théâtre de Strasbourg – Scène européenne.

WorkScénographie, dramaturgie : Cécile Massou / Lumières : Anaïs Ruales / Dispositifs sonores : Victor Praud / Créateur, illustrateur sonore : Jérémy David / Régie : Camille Rolovic

Une création du Collectif Rafale coréalisée avec l’Espace Catastrophe. Coproduction & compagnonnage Espace Catastrophe – Centre International de Création des Arts du Cirque [BE]. Coproduction & résidence de création Maison de la Culture de Tournai [BE] & Latitude 50 – pôle arts du cirque et de la rue [BE]. Résidences de création CIRCa – Pôle National Cirque [FR], Espace Périphérique – Paris La Villette [FR], La Grainerie – Fabrique des arts du cirque et de l’itinérance [FR], CIAM – Centre International des Arts en Mouvement [FR], Miramiro [BE], CCBW – Centre culturel du Brabant wallon [BE], Circuscentrum [BE], Le Stampia – les Baladins du Miroir [BE], Centre culturel de Perwez [BE], Centre culturel de Beauraing [BE], TENT Circustheater productie [NL], Station Circus [CH] & Kulturzentrum Tollhaus Karlsruhe [DE].

Au suivant!

Adolescent, Guillermo Guiz se prédestinait à fouler les terrains de football davantage que les planches. Mais le destin en a décidé autrement, “la faute à des muscles et des articulations trop fragiles”, raconte-t-il. Diplômé en Sciences politiques et en journalisme, celui qui est aujourd’hui chroniqueur sur France Inter se frotte d’abord au monde de la nuit, avant de tenter sa chance comme humoriste, notamment au Kings of Comedy Club, où il rôde son premier spectacle Guillermo Guiz a un bon fond, salué par le public et les critiques.

Vivement attendu, son deuxième show, Au Suivant!, a été présenté en janvier au Théâtre de la Toison d’Or (TTO). Un spectacle qu’il voulait “plus intime”. Et de fait, il y traite de la transmission.

Avec son débit au marteau piq’ et sa diction un brin brouillonne, qui font sa singularité, Guillermo Guiz balance vanne sur vanne. Pendant près d’1h40, l’humoriste balade son public d’un sujet à l’autre – la grossesse, les pères célibataires, l’alcool(isme), le consentement, la religion, les femmes, l’amour, le sexe, l’école,… –, mais en rebondissant toujours habilement et intelligemment sur sa thématique de départ, guidée par un fil rouge : son père, qui l’a élevé seul. En filigrane de son humour vif, piquant, nerveux, où il n’hésite pas à se moquer de lui-même et de ses déboires, Guillermo Guiz laisse, ici, affleurer ses souvenirs, ses blessures, ses failles d’enfant, d’ado, d’adulte. Et démontre ainsi que l’humour, s’il peut être une catharsis, est aussi et surtout un art lorsqu’il est entre de bonnes mains. St.Bo.


Au suivant! de Guillermo Guiz

Création au Théâtre de la Toison d’Or.

Production Théâtre de la Toison d’Or.

L’Histoire approximative et néanmoins touchante de Boby Lapointe

Il faut bien être trois pour déjouer et rejouer les chausse-trappes poétiques des mots de Boby Lapointe. Valentin Demarcin, le rationnel en chemise lignée, Benoit Janssens, grand échalas raide en bermuda et rouflaquettes et Virgil Magniette, rapide et nerveux ont uni leurs talents pour incarner les trois intrépides conférenciers voués à restituer la vie et l'œuvre du natif de Pézenas, sous le prétexte louable de défendre la grandeur de la langue française. Les trois compères ne sont pas des flèches, découvrant à peine l’usage d’un rétro-projecteur ou l’utilité de tenir une carte à l’endroit avant de la consulter. Le texte qu’ils se partagent en trois est truffé de calembours comme une couque de raisins. On suit le jeune Boby dans ses quatre cent coups, sa première drague à la plage et ses premiers exploits de scaphandrier dans le port de la Ciotat, le camp de travail en Autriche et son évasion. Le spectacle assume sa tenue en bricolage intégral, ce qui est assez normal puisqu’il s’inspire de Chansonbricole, le manuel d’écriture de chansons rédigé par le chansonnier barbu. Quelques accessoires, une machine à café dans un coin ou une boîte de biscuits, qui se renverse plus qu’à son tour sont les accessoires d’un spectacle tendre et tonique qui carbure au non-sens pour se terminer dans la tendresse d’une chanson mélancolique diffusée par un transistor solitaire. G.B.


L’Histoire approximative et néanmoins touchante de Boby Lapointe, création collective et production des Compagnons pointent.

Création au Théâtre des Martyrs.

Les Émotifs anonymes

Le plus grand challenge à relever dans cette entreprise était moins d’adapter au théâtre une histoire écrite pour le cinéma que de faire oublier le film de Jean-Pierre Améris sorti en 2010 avec en tête d’affiche Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde. Pari(s) réussi(s) pour ces Émotifs anonymes interprétés par Tania Garbarski et Charlie Dupont mais aussi par Aylin Yay et Nicolas Buysse qui, à eux deux, incarnent tous les personnages qui entourent ces deux grands handicapés de l’amour que sont Angélique et Jean-René, respectivement chocolatière et patron d’une chocolaterie au bord de la faillite. Bien sûr, Philippe Blasband et Jean-Pierre Améris, co-scénaristes du film, sont toujours à la manœuvre mais, comme toute adaptation contient son lot de trahison, ils ne se sont pas contentés d’un "copier-coller", si bien que cette nouvelle lecture du sujet confère une dimension plus humaine au drame que vivent les protagonistes. Avec ce spectacle, on est donc sur un chocolat à l’amertume subtilement dosée mais aussi sur la douceur d’une crème légèrement fruitée que l’on découvre en croquant dans la praline d’une dent gourmande. E.R.


Les Émotifs anonymes de Philippe Blasband et Jean-Pierre Améris. Mise en scène d’Arthur Jugnot.

Création au Théâtre Le Public.

Un spectacle du théâtre Le Public.

Valérie Bauchau

Cette saison encore, Valérie Bauchau nous a touchés et impressionnés par l’amplitude de son talent. Dans Le Roman d’Antoine Doinel, elle incarne notamment la mère du jeune héros de Truffaut dans la création d’Antoine Laubin et Thomas Depryck. Elle y est parfaite en bourgeoise égocentrique et superficielle, peu aimante pour son fils rebelle en quête de repères.

Et surtout, Jessica Gazon lui a confié le rôle central de Celle que vous croyez, adaptation du roman éponyme de Camille Laurens. Pour tester la fidélité de son amant, Claire Millecam, divorcée, au seuil de la cinquantaine, s’invente un faux profil sur Facebook et finit par séduire virtuellement un jeune homme qui a la moitié de son âge. C’est en clinique psychiatrique qu’elle se retrouvera finalement, égarée entre réel et imaginaire.

Atout majeur du spectacle, Valérie Bauchau est magnifique de bout en bout dans ce personnage de femme caméléon si touchante par sa peur de ne plus être désirée, d’être abandonnée. Et si ambiguë par sa relation au réel, sa décision de mentir et de manipuler un inconnu, tout en sachant que le piège risque de se refermer sur elle. Dans la mise en abyme complexe imaginée par la metteuse en scène, on découvre d’abord l’actrice au naturel, répétant son rôle. Et puis soudain, regard vide, tics incontrôlés… elle devient la Claire bouleversante de la clinique psychiatrique. Plus loin, flash-back, la voilà transformée en pimpante quinqua, prête à tout pour satisfaire son désir. Valérie Bauchau parvient à garder, en intelligence avec l’univers de Camille Laurens, une parfaite maîtrise de ses différentes métamorphoses, et cette distance, souvent proche de l’humour, qui caractérise ses héroïnes. Elle incarne subtilement l’héroïne du roman, désirante mais angoissée de vieillir dans une société patriarcale au jeunisme triomphant. D.M.


Dans Celle que vous croyez, de Jessica Gazon, d’après le roman de Camille Laurens.

Création au Théâtre Varia.

Une coproduction Rideau de Bruxelles, Compagnie Gazon-Nève, Centre culturel de Dinant, Centre culturel de Verviers, La coop ASBL.

Isabelle Defossé

Voir Isabelle Defossé jouer Macha dans Villa Dolorosa de Rebekka Kricheldorf m’a ramené presque quinze ans en arrière, dans la petite salle du ZUT (Zone Urbaine Théâtre) de Molenbeek où elle interprétait Mam dans La Cuisine d’Elvis de Lee Hall. Ce raccourci n’est pas anodin. D’abord parce que ces deux projets ont été mis en scène par Georges Lini et qu’il y a là une "patte", une énergie et un ton qui lui conviennent parfaitement. Ensuite parce que, dans ces deux rôles à la fois si proches et si lointains, elle "funambulise" entre rire et désespoir avec une justesse désarmante. Si son jeu s’accommode aussi facilement de tous les genres (de Georges Feydeau à Edward Albee, en passant par Woody Allen ou Fabrice Melquiot) mais aussi de toute la palette des sentiments humains, c’est sans doute parce qu’à chaque fois qu’elle interprète un rôle, la comédienne se situe à mi-chemin entre le jeu et l’incarnation. Entre ce bonheur presque enfantin d’être quelqu’un d’autre le temps d’une représentation et en même temps de l’être "vraiment", de donner au public à voir et à ressentir un moment de vie autant qu’un moment de théâtre. E.R.


Isabelle Defossé pour Villa Dolorosa de Georges Lini.

Création au Théâtre des Martyrs.

Une coproduction Compagnie Belle de nuit, Théâtre des Martyrs, La Coop & Shelter Prod.

Tita Iacobelli

Une vieille dame au visage creusé apparaît d’un pas chancelant : elle est attendue dans ce théâtre pour interpréter une dernière fois La Mouette de Tchekhov. Mais sa mémoire l’abandonne, elle confond les temps et les lieux, et dans son esprit fatigué, fiction et réalité s’entremêlent.

Tchaïka est une marionnette à taille humaine, manipulée par Tita Iacobelli, artiste chilienne qui mène depuis 2001 un brillant parcours d’actrice et de marionnettiste. C’est à Santiago qu’elle rencontre Natacha Belova, autre spécialiste du genre bien connue de nos scènes, et qu’elles décident de créer ensemble Tchaïka ("mouette" en russe).

Seule en scène, Tita Iacobelli habite magnifiquement son personnage, tout en assumant la distance que suggère la marionnette. Elle fait vibrer Tchaïka, cette actrice attachante qui s’accroche passionnément à la vie et à son métier, au-delà des désillusions et des années qui passent. Avec une virtuosité prodigieuse, elle donne voix à tous les échos du passé qui émergent de ce cerveau déglingué, bribes de dialogues tchékhoviens qui se mêlent à sa vie. Enfin Tita Iacobelli joue subtilement de l’ambiguïté qui se fait jour au fil de la pièce : à travers une vertigineuse mise en abyme du théâtre et du temps, la marionnette apparaît peu à peu comme le double vieilli de la comédienne qui la manipule.

Enfin, avec sa complice Natacha Belova, Tita Iacobelli réussit admirablement à créer cette atmosphère tchekhovienne faite de mélancolie et de douce ironie. Et l’on n’oubliera pas, parmi d’autres images poétiques, sa main tendue pour recueillir des flocons de neige en suspens dans l’air. D.M.


Tita Iacobelli pour Tchaïka, de Natacha Belova et Tita Iacobelli.

Création belge au Festival au Carré (Mons).

Une production Ifo ASBL, en coproduction avec Mars-Mons arts de la scène, Théâtre Des Martyrs à Bruxelles, Atelier Jean Vilar à Louvain-La-Neuve.

Adrien Drumel

Dans Brussel Is Yours, à l’automne 2019, Adrien avouait : "Je suis un exécutant… donc j’aime bien me mettre au service du rêve de quelqu’un…"

Exécutant ? Trop modeste, Adrien c’est un grand "interprète" qui a déjà servi, entre autres, les rêves de Christophe Sermet (Mamma Médéa), Pauline d’Ollone (Reflets d’un Banquet) Frédéric Dussenne (Pétrole) et de son pote de promotion Axel Cornil (Du béton dans les plumes et Ravachol) . Tour à tour léger et grave, séducteur et tyrannique, sage et fou, intellectuel et sensuel, cet amateur de mots qui a failli devenir danseur sait jouer aussi de son corps pour nous emporter dans tous les univers qu’il habite.

Le défi pour le Roman d’Antoine Doinel était de taille : se mesurer à une légende du cinéma français, Jean- Pierre Léaud. "Il fallait…me détacher le plus possible des films. Il fallait oublier Jean-Pierre Léaud pour me réapproprier le rôle."

Le rêve d’Antoine Laubin était de parcourir cinq films de son idole, François Truffaut avec au centre Drumel/Doinel/Léaud/ et Truffaut/Laubin (que d’échos!) :de l’adolescent des  400 coups au personnage problématique de quatre autres films de référence. La scéno efficace de Prunelle Rulens favorise la dynamique des acteurs : un cadeau pour Adrien Drumel, omniprésent, qui se faufile habilement dans les failles de son personnage. Il nage en Doinel comme un poisson dans l’eau, parfois attendrissant, souvent insupportable dans sa relation narcissique à ses petites fiancées. Et drôle aussi. Bref un acteur, un grand. C.J.


Adrien Drumel pour Le Roman d’Antoine Doinel, d’Antoine Laubin.

Création au Théâtre Varia

Une création De Facto, en coproduction avec le Théâtre Varia, Centre scénique de Bruxelles, Théâtre de Liège, Maillon, Théâtre de Strasbourg – Scène européenne.

Tristan Schotte

Auréolée de cinq Molière, la pièce phénomène Edmond du Français Alexis Michalik a été présentée près de 90 fois aux spectateurs belges sur les planches du Théâtre Le Public, avec une distribution 100% made in Belgium. Dans le rôle titre : le comédien Tristan Schotte, qu’on avait déjà pu applaudir dans Momo de Sébastien Thierry puis dans l’adaptation théâtrale de Festen, également au Public.

Son diplôme de l’Insas en poche en 2010, Tristan Schotte participe à la création de la troupe de théâtre Premiers Actes, dirigée par Thibaut Wenger. Et s’illustre notamment dans Platonov d’Anton Tchekhov, L’Enfant Froid de Marius Von Mayenburg. Avant d’incarner Erwin dans Les Gens d’Oz de Yana Borissova.

Avec Edmond, Tristan Schotte confirme tout son talent en se glissant avec justesse dans le costume d’Edmond Rostand en proie au doute sur son talent, amoureux de son épouse mais épris de sa muse platonique, la belle Jeanne. “Ce qui est agréable avec ce type de pièce, c’est que l’on retourne à un certain théâtre populaire. Il y a ce plaisir du jeu, de changer de personnage en un coup,… qu’on a un peu perdu dans le théâtre contemporain”, se réjouissait-il l’automne dernier.

Plus récemment, c’est dans Les Caprices de Marianne, au Théâtre du Parc, qu’il a tiré son épingle du jeu, en interprétant un Octave tout en entrain et malice. St.Bo.


Dans Edmond, d’Alexis Michalik, mise en scène de Michel Kacenelenbogen.

Une coproduction du Théâtre le Public, du Théâtre du Palais-Royal, De légende et Acme.

Création au Théâtre Le Public.


Dans Les Caprices de Marianne, d’Alfred de Musset, mise en scène d’Alain Leempoel.

Une coproduction du Théâtre Royal du Parc et de La Coop ASBL.

Amel Benaïssa

Amel Benaïssa pour Borders, de Henry Naylor, mise en scène de Jasmina Douieb.

Une production du Théâtre Le Public

Création au Théâtre Le Public

Marina Pangos

"J’ai grandi avec les films de Julie Andrews et Audrey Hepburn. C’est donc toujours une part de rêve qui se réalise quand on vous offre un tel rôle”, se réjouissait l’été dernier Marina Pangos alors en pleine répétition du rôle principal d’Eliza Doolittle dans la célèbre comédie musicale My Fair Lady, à l’occasion du festival Bruxellons!

Dès son plus jeune âge, Marina Pangos s’initie à la musique en prenant des cours de solfège et de piano. À 12 ans, elle intègre la prestigieuse maîtrise des Petits Chanteurs de Saint Marc de Lyon, où elle se forme à la musique baroque et au chant lyrique. On la retrouve ainsi sur la bande originale du film Les Choristes, grand succès qui l’emmènera en tournée internationale.

Plus tard, elle s’initie au gospel et au jazz aux États-Unis, avant de revenir en France où elle étudie le théâtre, le chant et la danse. La jeune artiste apparaît dans diverses productions parisiennes et européennes (L’Auberge du Cheval Blanc, Le voyage extraordinaire de Jules Verne, Dirty Dancing..) .

Chez nous, Marina Pangos excelle en bouquetière des quartiers populaires, aux côtés de Franck Vincent en professeur de phonétique distingué. Avec son accent créé de toutes pièces (qu’elle maîtrise aussi bien en jouant qu’en chantant), elle livre de sa voix cristalline une prestation éblouissante, teintée de charme, de piquant et d’humour. St.Bo.


Marina Pangos pour My Fair Lady, de Frederick Loewe et Alan Jay Lerner, mise en scène de Jack Cooper et Simon Paco.

Création au Festival Bruxellons !

Une coproduction de Bulles Production, Cooper Production et La Comédie de Bruxelles.

Mélodie Valemberg

Boraine de cœur, Mélodie Valemberg a été formée au Conservatoire Royal de Mons où à côté du travail du texte, elle découvre l’art de la marionnette et la danse. Avec des envies de liberté, elle fonde la compagnie de théâtre de rue J'ai toujours rêvé d'être un pirate où elle se nourrit du contact direct avec le public. Collectivement, ils monteront plusieurs créations (La véritable histoire de la Petite Sirène, Capharnaüm...). Elle n’oublie pas les spectacles de scène consolidant sa collaboration avec Matthieu Collard pour Les Anges gardiens, Princesse Belgique, L’Etoffe de nos songes ou Le Froissement du brouillard. On la verra aussi au cinéma dans le Journal d’une femme de chambre, version Benoit Jacquot, et dans la série Ennemi public. Clément Thirion fait appel à elle pour Pink Boys and Old Ladies. Le personnage qu’elle y incarne s’impose par son minimalisme expressif et chorégraphique. Elle est celle qui n’a pas de nom et qui ne dit presque rien, se contentant de hocher doucement la tête, comme les chiens posés sur la tablette arrière des voitures. Et quand elle prend la parole, c’est pour trouver son chemin en définissant les choses et les mots. Elle change encore de registre avec la chanson du final qu’elle interprète avec une grâce toute saltimbanque. G.B.


Mélodie Valemberg pour Pink Boys and Old Ladies, de Marie Henry, mise en scène de Clément Thirion.

Création à MARS, Mons Arts de la Scène.

Une coproduction MARS, Mons arts de la Scène, Kosmocompany, Théâtre de Liège, Théâtre la Balsamine, Maison de la Culture de Tournai/maison de création, La Coop ASBL et Shelter Prod.

Maximilien Delmelle

Boys Boys Boys est un spectacle de groupe, de potes réunis par Diane Fourdrignier, une femme qui donne la parole aux hommes. Documentaire, la proposition de la metteuse en scène se veut un miroir des masculinités d’aujourd’hui – celles qui ont essuyé l’ère #MeToo, incarnées tour à tour par les jeunes comédiens, tous exceptionnels d’à-propos. Parmi ceux-ci, Maximilien Delmelle. Des divers rôles qu’il endosse, il semble avoir pris un malin plaisir à jeter son dévolu sur les plus audacieux, les plus touchy, un profil d’amateur de porno borderline, pas loin du serial killer ou un Jean-Claude Vandamme de supérette, qui fait ses pompes à une main, effort et gestuelle à l’appui, sans oublier l’accent qui va avec, comme on dit chez nous. L’occasion pour le diplômé du Conservatoire de Bruxelles d’étaler une palette de comédie assez large que pour lui ouvrir de vastes horizons scéniques. À son jeune CV, on compte une participation à l’adaptation théâtrale du Grand Meaulnes d’Alain Fournier, joué en 2018 à la Comédie Claude Volter. Il a goûté une première fois au cinéma en prenant part au jeune projet Fils de plouc de Lenny et Harpo Guit. Et ça ne devrait pas s’arrêter là ! De la ressource, on vous dit… N.N.


Maximilien Delmelle pour Boys Boys Boys, de Diane Fourdrignier.

Création au Centre Culturel des Riches Claires.

Une production du Centre culturel des Riches-Claires.

Jules Puibaraud

Des caravelles et des batailles, travail de groupe mené par Benoît Piret et Elena Doratiotto, aborde toutes les horreurs du monde, passées et présentes, du massacre des Indiens aux menaces actuelles sur la Nature. Mais le ton est détaché, tout y est évoqué en douceur, sans avoir l’air d’y toucher. Les références à des œuvres denses comme La Montagne Magique de Thomas Mann sont bien là mais distillées dans une ambiance quasi festive, sans rien appuyer. Légèreté et profondeur.

Un quatuor de jeunes fort unis et complices habite un lieu énorme dont les murs sont recouverts de fresques imaginaires et cruelles, un massacre d’Indiens victimes des conquérants espagnols. Ils accueillent comme de bons scouts un gentil garçon, Andreas, le futur conteur central de ce récit théâtral avec qui on ira de découverte en découverte, de lieu en lieu, de jeu en jeu. Andreas, l’Iroquois de la bande, le faux/vrai naïf c’est Jules Puibaraud déjà repéré dans l’excellent J’abandonne une partie de moi que j’adapte de Justine Lequette. Une œuvre caricaturale où il excellait en homme d’affaires cynique. Ici il joue le doux ahuri mais pas dupe, le Cicerone d’une visite guidée dans un pays absurde, souvent drôle, parfois réel, parfois imaginaire. Il excelle, comme ses compagnons à faire la synthèse de ce récit très politique mais pas du tout didactique. Sa scène d’anthologie : une leçon de tir avec un arc, imaginaire d’abord puis réel, un glissement que son talent comique rend irrésistible. Jules Puibaraud fait partie de ces jeunes Français talentueux, hyperdoués, attirés par les écoles belges de théâtre dont l’Esac de Liège, qui fourmille de collectifs et de jeunes acteurs plus talentueux les uns que les autres. C.J.


Jules Puibaraud  dans Des caravelles et des batailles, d’Éléna Doratiotto et Benoît Piret.

Création au Festival de Liège.

Un spectacle de Wirikuta ASBL en coproduction avec Festival de Liège, Mars – Mons Arts de la Scène, Théâtre Jean-Vilar de Vitry- sur-Seine, Maison de la Culture de Tournai, La Coop ASBL.

Simon Thomas

L’autrice nous brosse le portrait hilarant d’une famille désorientée par la "déviance" scandaleuse du fils. Face aux délires logorrhéiques des siens (à l’exception du père), le jeune Normand restera totalement muet du début à la fin. Son silence, Simon Thomas le transforme en force tranquille et triomphante. On verra le héros, indifférent aux remous qu’il provoque, danser ou gambader, sourire aux lèvres, béatement heureux dans sa jupe rose et ses sandales fluo ; quand la tension monte à la maison, il se pose  tranquillement sur le côté, attendant que l’orage passe. Pink Boys and Old Ladies interroge avec humour et intelligence la question du genre, et plus largement celle de la différence, et Simon Thomas contribue à cette réussite. Et l’on se prend à souhaiter que son passage sur scène ne soit pas qu’une aventure éphémère. D.M.


Simon Thomas dans Pink Boys and Old Ladies, de Marie Henry, mise en scène de Clément Thirion.

Création à MARS, Mons Arts de la Scène.

Une coproduction MARS, Mons arts de la Scène, Kosmocompany, Théâtre de Liège, Théâtre la Balsamine, Maison de la Culture de Tournai/maison de création, La Coop asbl et Shelter Prod.

Les Falaises

Les Falaises d’Antonin Jenny.

Création au Théâtre Les Tanneurs

Une production du Théâtre Les Tanneurs, en coproduction avec Fany Ducat, [e]utopia asbl/Armel Roussel et La Coop asbl. Une production déléguée du Théâtre Les Tanneurs

Céline Delbecq

On a beau se dire que cette fois-ci, on ne se laissera pas faire, qu’on va serrer les dents, qu’on ne va pas verser cette maudite larme qui fait sourire vos voisins de siège les plus impassibles, mais rien à faire : à chaque nouvelle pièce de Céline Delbecq, on a les tripes retournées et l’esprit barbouillé. Depuis Le HibouHêtreSupernova ou Abîme, l’auteure belge s’est imposée comme l’une de nos plus belles plumes, avec des textes bouleversants. L’inceste, la mort, l’enfance livrée à elle-même: ses thématiques sont noires mais son écriture est tonifiante. On y puise une humanité fragile, qui donne envie de s’ouvrir au monde et de le soulager un tantinet de certaines de ses plaies. Son théâtre se nourrit de rencontres. En l’occurrence, sa dernière pièce, L’Enfant sauvage, nous fait pénétrer un univers qu’elle connaît bien, celui des enfants placés par le juge, puisque, depuis 10 ans, elle travaille comme bénévole dans une institution qui accueille ces enfants. Au fil du temps, elle a puisé dans ces histoires vécues pour raconter le destin d’un seul enfant, une petite fille trouvée sur la place du Jeu de Balle. Au milieu de la foule et de l’indifférence, elle crie, se mord et salive comme une bête. Un homme (interprété par le talentueux Thierry Hellin) pourtant va s’intéresser à elle, tenter de l’arracher à l’oubli. Inoubliable ! C.M.


Pour L'Enfant sauvage

Créé à l'Atelier 210.

Texte et mise en scène Céline Delbecq Avec Thierry Hellin Création sonore Pierre Kissling Création lumière Clément Papin Régie Clément Papin/Isabelle Derr/Bilal El Arrasi (en alternance) Scénographie Delphine Coërs Assistanat mise en scène Charlotte Villalonga/Gaëtan d’Agostino Stagiaire Camille Delhaye.

Mademoiselle AgnèsFormé à la Cambre, actif depuis une trentaine d'années sur les scènes de Belgique et d'ailleurs, Vincent Lemaire conçoit avec une inébranlable élégance des décors qui répondent aux univers que lui soumettent chorégraphes, metteuses et metteurs en scène, pour l'opéra ou le théâtre. De Fabrice Murgia à Michèle Anne De Mey, de Michel Dezoteux à Thierry Smits, en passant par Philippe Sireuil, dont il est un fidèle comparse. Fin 2021, il retrouvait le metteur en scène autour de Mademoiselle Agnès. Pour cette transposition acerbe et actuelle du Misanthrope par l'autrice allemande Rebekka Kricheldorf, le scénographe a pensé une atmosphère qui cuivre le noir et blanc graphique, un jeu de textures avec pour fil rouge la zébrure de stores qui filtrent les lumières, qui dévoilent ou dissimulent. Accentuant la hauteur que permettent les cintres de la grande salle des Martyrs, la structure se fait écrin contemporain et efficace, tout en droites et courbes, de cette comédie aux angles acérés, ce presque vaudeville où, aux portes qui claquent, se substituent des passages escamotés, des volutes furtives, de surprenantes voies entre ombre et lumière. M.B.


Mademoiselle Agnès de Rebecca Kricheldorf, mise en scène de Philippe Sireuil.

Créé au Théâtre des Martyrs

Texte Rebekka Kricheldorf Traduction Leyla-Claire Rabih & Frank Weigand Mise en scène et lumières Philippe Sireuil Jeu Fabrice Adde , France Bastoen, Daphné D’Heur, Adrien Drumel, Stéphane Fenocchi, Gwendoline Gauthier, Félix Vannoorenberghe, Chloé Winkel  Scénographie Vincent Lemaire Costumes Pauline Miguet Maquillages et perruques Djennifer Merdjan Stagiaires maquillages Sabrina Rottiers & Lucy Zeitoun Vidéo Hubert Amiel Chorégraphie Daren Ross Musique Pierre Constant, François Sauveur Arrangement musical Jean-Luc Fafchamps Régie générale Cyril Aribaud Régie Antoine Vanagt Assistanat à la mise en scène Lauryn Turquin

Une production La Servante, La Coop & Shelter Prod. Avec le soutien de la Fédération Wallonie- Bruxelles-Direction générale de la Culture, Service général des Arts de la scène, Service Théâtre, de Tax Shelter.be, ING, du Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge. Avec l’aide de la COCOF – Fond d’acteur & Initiation Scolaire.

Sylvia

Grâce aussi à la mise en scène de Fabrice Murgia qui éclate le personnage de Sylvia en neuf (épatantes) comédiennes. En diffractant ainsi le personnage, la mise en scène souligne le tiraillement permanent de Sylvia, entre son envie d’être une bonne épouse et son désir d’être beaucoup plus. Orchestré comme du papier à musique, le chœur de femmes rend Sylvia universelle. Nous sommes toutes des Sylvia, semblent dire les comédiennes, jouant aussi bien en anglais, en français ou en italien.

Cette sororité bouillonnante explose aussi à l’écran, tandis que la caméra de Juliette Van Dormael filme chaque scène de manière organique dans des décors de cinéma qui virevoltent sur le plateau. Tourbillon ébouriffant, la pièce juxtapose mille textures : poèmes, archives sonores, bribes de conversation des comédiennes, chorégraphie. On y triture l’imaginaire, le rapport à la mort, l’écriture, la place des femmes intelligentes dans le monde, le sexisme. On s’y révolte mais surtout, on doute. Et ce sont ces incertitudes – bien plus que tous les blâmes hâtifs de notre époque - qui rendent Sylvia si proches de nous. C.M.


Sylvia de Fabrice Murgia, d’après Sylvia Plath.

Musique  An Pierlé, photographie et caméra Juliette Van Dormael, création vidéo et lumière et direction technique Artara Giacinto Caponio, costumes Marie-Hélène Balau , scénographie Rudy Sabounghi.

Un spectacle de la Cie Artara. Coproduction Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Théâtre de Namur, Central – La Louvière, Mars – Mons Arts de la Scène, la Fondation Mons2025 – Biennale 2018-2019, Printemps des Comédiens – Montpellier, Comédie de Saint-Etienne – Centre Dramatique National, Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Scène, le Carreau – Scène Nationale de Forbach et de l’Est mosellan, Théâtres en Dracénie – Draguignan, Coop asbl et Shelter Prod. Avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge, avec le soutien du DIESE # Auvergne – Rhône-Alpes, dispositif d’insertion de L’École de La Comédie de Saint-Étienne.

Création au Théâtre National.

Reprise du 5 au 9 novembre 2019 au Théâtre National, du 17 au 20 mars 2020 au Théâtre royal de Namur. 

Ce qui arrive

C’est l’histoire d’une maison, c’est l’histoire de plusieurs générations d’une même famille et même peut-être l’histoire de l’humanité et du temps qui passe. Ce qui pourrait paraître un concept abscons se transforme en un spectacle lumineux, poétique et parfaitement chorégraphié, porté par trois comédiens et deux comédiennes en constante métamorphose. Ce qui arrive est l’adaptation par Coline Struyf du roman graphique Ici de l’américain Richard McGuire. Le passage des deux dimensions papier à la scène se fait avec un supplément d’humanité, de tendresse et d’émotions. Toute l’action se déroule dans le salon familial avec des portes qui donnent sur les coulisses et des fenêtres sur l’extérieur. Avec un dispositif extrêmement simple, une date qui s’affiche en voyants lumineux, les époques et les personnages se suivent et se rencontrent dans le désordre dans une fluidité parfaite. Une chanson, un jouet, un élément de mobilier ou un vêtement suffisent pour indiquer l’époque, une attitude pour suggérer l’âge et composer cet émouvant et inventif puzzle du quotidien. Tous ces instants de vie qui construisent une famille, ces moments de joie, de tristesse, de retrouvailles et de disputes se révèlent dans un équilibre poétique et fragile avec le sablier du temps. Ce qui arrive est une super production intimiste sans effets spéciaux où on verra même le sourire d’un dinosaure. G.B.


Ce qui arrive de Coline Struyf, d’après le roman graphique Ici de Richard McGuire.

Création à Mars - Mons Arts de la Scène.

Un spectacle de Mariedl. Coproduction Mars – Mons Arts de la Scène, Théâtre de Liège, Théâtre Varia, Théâtre de Namur, Atelier Théâtre Jean Vilar, La Coop ASBL et Shelter Prod. Avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge, de MoDul ASBL. Avec l’aide de la Fédération Wallonie Bruxelles-Service du théâtre.

Final Cut

"Comment se construire avec un père musulman nié par une mère catholique, dans un contexte colonial"La metteuse en scène, coutumière de grands textes (Tchékhov, Arendt, Bergman) se frotte ici comme actrice à sa propre histoire, la regarde de face et nous emmène au cœur de son intimité. Loin de tout règlement de compte, Myriam Saduis suit avec lucidité le fil de sa vie et de la guérison d’une ado traumatisée qui s’en sortira par la culture et la psychanalyse.

Sur scène, un dispositif simple qui s’inscrit dans une structure chronologique avec la présence appuyée du comédien Pierre Verplancken. La musique et la littérature (Duras, La mouette de Tchekhov) ne sont jamais loin, comme pour enrichir ce récit poignant et maîtrisé de bout en bout. D.C.


Final Cut de Myriam Saduis avec la collaboration d’Isabelle Pousseur. 

Un spectacle du Théâtre Océan Nord. Coproduction Défilé, la Coop ASBL. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Service Théâtre (CAPT), de Shelterprod, deTaxshelter.be, ING, Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge.

Création au Théâtre Océan Nord.

Parc

Ce spectacle présenté à l’Atelier 210 ressemble à un défi réussi. Celui de faire vivre aux spectateurs l’émotion qui se déroule dans les coulisses d’un parc aquatique pendant un drame, la cheffe du staff se faisant dévorer en plein show par l’orque Tatanka, la vedette du parc, sous le regard de ses cinq collègues dresseurs. Tout le travail de la mise en scène - très astucieuse - consiste à suggérer ce qui se passe dans le hors champs, ce que les spectateurs ne voient pas mais entendent et ressentent. L’ambiance est perçue à travers un subtil jeu de bruitages et de lumières, grâce au talent d’Octavie Piéron à la création lumière et d’Antonin Simon à la création sonore. Le collectif liégeois La station (Cédric Coomans, Eléna Doratiotto, Sarah Hebborn et Daniel Schmitz) installe ainsi subtilement un suspens et emmène la salle avec lui, dans une folie galopante. Et aussi le désenchantement, le deuil et la résilience. Cette pièce est par ailleurs une réflexion sur les excès de la société du spectacle, dans ses côtés à la fois fascinants et répugnants. D.C.


Parc, du collectif La Station

Création lumière et coordination technique Octavie Piéron Création sonore Antonin Simon Scénographie Valentin Périlleux Régie lumière Octavie Piéron Régie son David Defour.

Une production L’Ancre – Théâtre Royal. Coproduction Théâtre de Liège, Atelier 210, Collectif La Station, kunstencentrum nona, La Coop ASBL avec le soutien de Shelterprod, Taxshelter.be, ING, Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge. Avec l’aide Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Service du Théâtre, accord de coopération culturelle Communauté française et Communauté flamande Cultuur-Culture.

Sylvia

Inspirée du destin de Sylvia Plath, poétesse américaine ballotée dans une époque – les années 50 – injuste envers les femmes, Sylvia compose un tableau humain, une pulsation contagieuse, une épopée féminine pleine de contradictions, tantôt banale tantôt sublime. Grâce à la musique d’abord : les compositions et l’interprétation d’An Pierlé composent un écrin planant, électrique, incandescent comme le feu, destructeur, qui brûlait en Sylvia Plath. "Chante, car les lauriers ne seront pas pour toi", écrivait Virginia Woolf. An Pierlé en donne un écho bouleversant ! 

Grâce aussi à la mise en scène de Fabrice Murgia qui éclate le personnage de Sylvia en neuf (épatantes) comédiennes. En diffractant ainsi le personnage, la mise en scène souligne le tiraillement permanent de Sylvia, entre son envie d’être une bonne épouse et son désir d’être beaucoup plus. Orchestré comme du papier à musique, le chœur de femmes rend Sylvia universelle. Nous sommes toutes des Sylvia, semblent dire les comédiennes, jouant aussi bien en anglais, en français ou en italien. 

Cette sororité bouillonnante explose aussi à l’écran, tandis que la caméra de Juliette Van Dormael filme chaque scène de manière organique dans des décors de cinéma qui virevoltent sur le plateau. Tourbillon ébouriffant, la pièce juxtapose mille textures : poèmes, archives sonores, bribes de conversation des comédiennes, chorégraphie. On y triture l’imaginaire, le rapport à la mort, l’écriture, la place des femmes intelligentes dans le monde, le sexisme. On s’y révolte mais surtout, on doute. Et ce sont ces incertitudes – bien plus que tous les blâmes hâtifs de notre époque - qui rendent Sylvia si proches de nous. C.Ma


Sylvia de Fabrice Murgia, d’après Sylvia Plath.

Création au Théâtre National.

Musique An Pierlé Photographie et caméra Juliette Van Dormael Création vidéo et lumière et direction technique Artara Giacinto Caponio Costumes Marie-Hélène Balau Scénographie Rudy Sabounghi. 

Un spectacle de la Cie Artara. Coproduction Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Théâtre de Namur, Central – La Louvière, Mars – Mons Arts de la Scène, la Fondation Mons2025 – Biennale 2018-2019, Printemps des Comédiens – Montpellier, Comédie de Saint-Etienne – Centre Dramatique National, Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Scène, le Carreau – Scène Nationale de Forbach et de l’Est mosellan, Théâtres en Dracénie – Draguignan, Coop ASBL et Shelter Prod. Avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge, avec le soutien du DIESE # Auvergne – Rhône-Alpes, dispositif d’insertion de L’École de La Comédie de Saint-Étienne.

(Victor) Frankenstein

L’une des marques de fabrique des Karyatides est de revisiter les classiques et de les adapter à la petite table du théâtre d’objet. Les plus grands textes comme Madame Bovary de Flaubert, Les Misérables de Victor Hugo mais aussi des chefs-d’œuvre lyriques comme Carmen de Bizet ont été racontés à travers les objets les plus simples et l’imagination débordante des créateurs. Dans les Ateliers de la Monnaie, la compagnie ouvre pour la première fois son théâtre aux chanteurs et à la musique live. Le pianiste Kévin Navas (en alternance avec Thomas Eekhout) et la soprano Virginie Léonard (en alternance avec Lisa Willems) accompagnent les acteurs à travers l’œuvre de Mary Shelley. C’est sur les compositions de Verdi, Vivaldi, Bizet, Poulenc que les objets s’éveillent à la vie. 

Si le spectacle est donné dans les locaux d’une maison prestigieuse, la compagnie n’oublie pas l’économie de moyens qu’impose le théâtre d’objet. L’histoire du docteur Frankenstein se raconte à travers les plus petites choses, des objets glanés ci et là aux puces ou chinés dans les brocantes : un buste de Beethoven, de vieilles poupées de porcelaine, un Christ en croix. Les éléments du décor apparaissent et disparaissent grâce à un simple système de poulies qui trouve une place dans la scénographie de Claire Farah. Les lumières de Dimitri Joukovsky révèlent la noirceur de l’œuvre et nous guident dans l’obscurité du laboratoire du docteur Frankenstein, un homme qui, anéanti par le décès de sa mère, décide de vaincre la mort, en vain. F.C.


(Victor) Frankenstein de Karine Birgé d’après Mary Shelley. 

Création à La Monnaie.

Avec Cyril Briant, Marie Delhaye et Karine Birgé (en alternance) Chant Lisa Willems, Julie Mossay, Pauline Claes et Sarah Théry (en alternance) Piano Christia Hudziy Régie Karl Descarreaux et Dimitri Joukovsky (en alternance) Mise en scène Karine Birgé Dramaturgie Félicie Artaud et Robin Birgé Création sonore Guillaume Istace Création lumière et coordination technique Dimitri Joukovsky Collaboration technique Karl Descarreaux Scénographie Claire Farah Confection costumes Camille De Veaux de Sancy Constructions Sébastien Boucherit, Claire Farah, Joachim Jannin et le Théâtre de Liège Illustrations et graphisme Antoine Blanquart Production Élodie Beauchet & Camille Grange Diffusion Cécile Maissin

Coproduction La Monnaie/De Munt, Le Théâtre de Liège, Le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, Le Sablier - Pôle des Arts de la Marionnette en Normandie, Le Trident – Scène nationale de Cherbourg, le Centre culturel de Dinant, le Théâtre La montagne magique, Pierre de Lune, et La Coop asbl. Avec le soutien de L’Hectare – scène conventionnée, La Roseraie, Shelterprod, Taxshelter.be, ING et du Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge. Avec l’aide du Ministère de la Fédération Wallonie Bruxelles – Service du Théâtre.

Ce qui arrive

Toute l’action se déroule dans le salon familial avec des portes qui donnent sur les coulisses et des fenêtres sur l’extérieur. Avec un dispositif extrêmement simple, une date qui s’affiche en voyants lumineux, les époques et les personnages se suivent et se rencontrent dans le désordre dans une fluidité parfaite. Une chanson, un jouet, un élément de mobilier ou un vêtement suffisent pour indiquer l’époque, une attitude pour suggérer l’âge et composer cet émouvant et inventif puzzle du quotidien. Tous ces instants de vie qui construisent une famille, ces moments de joie, de tristesse, de retrouvailles et de disputes se révèlent dans un équilibre poétique et fragile avec le sablier du temps. Ce qui arrive est une super production intimiste sans effets spéciaux où on verra même le sourire d’un dinosaure. G.B.


Ce qui arrive de Coline Struyf, d’après Ici de Richard McGuire. 

Scénographie d’Arié Van Egmond.

Création à Mars - Mons Arts de la Scène.

Un spectacle de Mariedl. Coproduction Mars – Mons Arts de la Scène, Théâtre de Liège, Théâtre Varia, Théâtre de Namur, Atelier Théâtre Jean Vilar, La Coop ASBL et Shelter Prod. Avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge, de MoDul ASBL. Avec l’aide de la Fédération Wallonie Bruxelles-Service du théâtre.

Partage de Midi

L’espace du Théâtre de la Vie peut se révéler pour le scénographe un cadeau ou … un problème! Des murs élevés délimitent un plateau étroit qui ne permet pas de larges perspectives si on ne le transforme pas. Certains ont utilisé les escaliers qui mènent à l’étage pour dédoubler l’espace, ou les piliers des côtés pour y faire grimper les acteurs. D’autres - et c’est le cas de Bertrand Nodet ici - ont été séduits par la beauté du grand mur de briques crues qui fait face au public.

Le jeune scénographe Bertrand Nodet collabore régulièrement avec la compagnie Renards, une des plus brillantes dans le paysage de notre théâtre jeune public. Dans Partage de Midi (également nommé dans la catégorie "découverte"), il réussit à métamorphoser le lieu en résonance avec les intentions de la metteuse en scène, Héloïse Jadoul. Bannissant tout réalisme, il a choisi de mettre en jeu, pour chacun des trois actes, un élément symbolique simple, fort et poétique. Dans la chaleur de midi, un paquebot emporte les quatre protagonistes vers leur destin. Les rayons du soleil flamboient à partir de quatre immenses banderoles dorées suspendues comme des voiles, et se prolongeant sur le plateau. L’espace, ensuite, s’assombrit et s’embrume, éclairé par des spots posés au sol. Nous sommes dans un cimetière à Hong Kong, peu de temps après l’arrivée. C’est l’acte de la trahison : Ysé choisit Mesa pour amant et tous deux pressent le mari, de Ciz, de partir en voyage d’affaires vers des zones dangereuses. Enfin les dernières scènes baignent dans une atmosphère presque irréelle par la présence de miroirs déposés sur le plateau, où les corps semblent se refléter à l’infini. C’est l’acte de la mort et de la rédemption dans l’éternité. D.M.


Partage de Midi de Paul Claudel, mise en scène d’Héloïse Jadoul. 

Scénographie de Bertrand Nodet.

Création au Théâtre de la Vie.

Coproduction du Théâtre de la Vie, du Théâtre Océan Nord et de La Coop. Avec le soutien du Théâtre La Balsamine, du Bamp et de la compagnie La Servante. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Valhalla

Parlez à n’importe qui de piraterie, il surgira dans la tête de votre interlocuteur une imagerie riche nourrie de références bien connues (L’île au trésor, Capitaine Crochet, Pirates des Caraïbes, …). Et à chaque fois un navire, un fier voilier, portant parfois les stigmates de quelques combats navals dans les Antilles. Quelques fieffés corsaires grimpant sur les enfléchures pour atteindre la vigie, un artimon bien tendu pour bien diriger le bateau, la cabine du capitaine renfermant la fameuse carte au trésor… voilà ce qu’on retient d’une aventure de pirates. Et c’est ce qu’on retrouve sur l’impressionnant plateau de Valhalla, bien qu’ici dérivant dans le grand nord. En nous emmenant à bord, Anna Nilsson et Sara Lemaire en ont fait le terrain de jeu idéal pour un spectacle de cirque immersif alliant acrobatie et atmosphère brumeuse. Sous la coupe d’un capitaine autoritaire, l’équipage de ce navire dérivant exécute un quotidien bien réglé. Les tâches domestiques sont réparties : en haut du mât (chinois) pour ce qui est de l’observation, briquage du pont au sol… Mais la mutinerie menace. Tout s’opère en mouvements, lumières (de Thibault Condy assisté de Camille Rolovic) et sons (de Cristian Gutierrez et Tonin Bruneton) sur un plateau où aucun objet présent n’est inutile. Les boîtes de conserves deviennent instruments, les cordes des haubans des agrès idéaux. Un cadre ingénieux et foisonnant pour ce conte sur le pouvoir. Tous à bord, moussaillon ! N.N.


Valhalla d’Anna Nilsson et Sara Lemaire. 

Scénographie d’Anna Nilsson et Sara Lemaire.

Création à Theater Op de Markt.

Un spectacle de Petri Dish/ ISE ASBL. Coproduction Le Groupe des 20 Théâtres en Île-de-France , Théâtre de la Balsamine, Theater Op De Markt – Dommelhof, Centre Culturel du Brabant Wallon. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, service du cirque, Kulturradet/Swedish Arts Council, Konstnärsnämnden - the Swedish Arts Grants Committee.

On est sauvage comme on peut

L’heure est à la fête, c'est l'anniversaire de Thomas (Thomas Dubot) et pour lui faire la surprise, sa compagne Léa (Léa Romagny) a invité un couple d'amis. Mais était-ce une bonne idée de convier Antoine (Antoine Cogniaux) qui aime à étaler son bonheur, son fringant voilier et son amour pour Belle du Seigneur devant Thomas en training de dépression? Le mieux est peut-être de changer de conversation et de faire part de son enthousiasme pour le documentaire vu la veille sur les manchots... Trop c'est trop, il annonce finalement qu'il va mourir et somme ses amis de dévorer sa dépouille. Voilà que le dîner d'anniversaire se transforme en un banquet cannibale. La comédie noire se fait film gore. Et les personnages les plus éteints et leurs pulsions -sexuelles et animales - de se réveiller: Marie (Marie Bourin), la femme d'Antoine, sort tout à coup de son quasi effacement, et de nous expliquer la recette d'un gâteau amour bestial. C'est de cette sauvagerie que nous parle le premier spectacle du jeune collectif Greta Koetz, celle que renferment les timides et les mal-dans-leur-peau, les dépressifs et les effacés. On est sauvage comme on peut ne manque pas de nous interpeller sur notre capacité à chavirer et à tout foutre en l'air. Le tout mâtiné d'un humour bien senti, d'un sous-texte tendu, de personnages excellemment campés. Carte de visite d'un groupe désireux de nous parler d'émancipation, la proposition nous rappelle une fois de plus que l'Esac-Conservatoire de Liège, d'où est issue la distribution, est une excellente école d'acteurs. N.N.


On est sauvage comme on peut, du collectif Greta Koetz. 

Création au Festival de Liège.

Coproduction Théâtre National Wallonie-Bruxelles, MARS – Mons Arts de la Scène , Fondation Mons 2025, La Maison de la Culture de Tournai, la Coop ASBL et Shelter Prod . Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles Service du Théâtre (CAPT). Et le soutien de taxshelter.be, ING et tax-shelter du gouvernement fédéral belge | ESACT-Conservatoire royal de Liège, «Tremplin Pépites & Co» – L’ANCRE/Charleroi, Festival de Liège- Factory, La Chaufferie-acte1, Festival «Écoles de passage» – Metz, Théâtre des Doms – Avignon. Création au Festival de Liège.

Partage de Midi

Se confronter à l’univers de Claudel pour une première mise en scène, quand on n’a pas trente ans, voilà qui est audacieux! Il faut dire qu’Héloïse Jadoul foule les plateaux de théâtre … depuis l’âge de neuf ans ! Rien ne pouvait l’arrêter …

Claudel est à peine plus âgé quand il rencontre sur le bateau qui le mène en Chine, une femme mariée, Rosalie Vetch, avec qui il nouera une liaison passionnée. Héloïse Jadoul a eu la bonne idée de choisir la première version de Partage de Midi, toute vibrante encore de cet amour "interdit", plutôt que celle de 1948, officielle et assagie. Plutôt que de souligner les aspects les plus conservateurs de ce chrétien obsédé par le péché, déchiré entre la chair et l’esprit, Héloïse Jadoul met en évidence l’art du poète dans l’évocation de l’amour, profane et sacré, associés dans le même désir d’absolu et de don total de soi.

Plutôt que de raconter une histoire ou d’analyser des personnages, elle s’est attachée à faire résonner la magie de la langue claudélienne, la beauté fulgurante de ses métaphores, la puissance de ses rythmes. Choisis avec perspicacité, les comédiens s’emparent du texte avec un naturel et une intensité remarquables, sans jamais céder à l’emphase. Ils maîtrisent avec une étonnante maturité le verset claudélien, ce vers libre et souple qui est comme une respiration, une pulsation venue des profondeurs de l’être et en résonance avec l’univers.

Enfin la belle scénographie de Bertrand Nodet (également nommée dans la catégorie "scénographie") contribue à faire de cette première mise en scène un spectacle puissant, au lyrisme incandescent. D.M.


Partage de Midi de Paul Claudel. Mise en scène d’Héloïse Jadoul.

Création au Théâtre de la Vie. 

Coproduction du Théâtre de la Vie, du Théâtre Océan Nord et de La Coop ASBL. Avec le soutien du Théâtre La Balsamine, du Bamp et de la compagnie La Servante. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Pourquoi Jessica a-t-elle quitté Brandon ?

Sous cette question digne d’une couverture de Gala se cache une des réalités les plus angoissantes de notre société hyper connectée : la frontière de plus en plus mince entre le réel et le virtuel. A partir d’une banale rupture, Pierre Solot et Emmanuel De Candido nous entraînent dans une enquête vertigineuse sur la personnalité de Brandon, l’amoureux éconduit. Autour d’eux, les outils qui leur serviront à reconstituer en direct, pièce par pièce, le puzzle biographique de ce "digital native", cet enfant du numérique dont ils sont eux-mêmes les contemporains, un monde qu’ils explorent donc en virtuoses : grand écran, vidéo, console de jeu, clavier… On part de l’addiction de l’adolescent aux jeux vidéo pour découvrir ensuite sa passion pour la BD et les romans fantasy, les jeux de rôles stratégiques, les musiques de films d’action… jusqu’à ce jeu mortel dont il ne sortira pas indemne.

Pourquoi Jessica a-t-elle quitté Brandon ? est un spectacle intelligent, brillamment construit et coulé dans une forme originale qui mêle dialogues, conférence gesticulée, récit et musique. Si le sujet abordé est dramatique, pas de jugement moral ni philosophique, pas de dénonciation directe. C’est par des descriptions froidement réalistes et des informations factuelles que Pierre Solot et Emmanuel De Candido suscitent la réflexion du public, avec une distance souvent teintée d’humour et de dérision. D.M.


Pourquoi Jessica a-t-elle quitté Brandon ? de Pierre Solot et Emmanuel De Candido. Un spectacle de la Compagnie MAPS.

Création au Théâtre de la Vie.

Coproduction avec le Théâtre de la Vie et l’Atelier 210. Avec le soutien du Conservatoire de Namur, de L’Escaut, du BRASS - Centre Culturel de Forest, de Libitum - Ad Lib, de la Fabrique de Théâtre - Service des Arts de la Scène de la Province du Hainaut, du Festival de Liège, du LookIN’Out, de la Chaufferie Acte-1, des Doms, des Studios de Virecourt (France), de l’ASBL Duo Solot. Avec l'aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Service du Théâtre. En coproduction avec La Coop ASBL et Shelter Prod, avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge.

Angèle Baux-Godard

La pièce d’Angèle Baux-Godard a beau creuser une histoire très personnelle autour de son combat pour guérir du vaginisme, pathologie psychophysiologique provoquant une contraction réflexe et involontaire des muscles du plancher pelvien rendant impossible toute pénétration au risque de provoquer de vives douleurs, elle tisse finalement un récit à portée universelle sur la résilience, l’introspection, le chemin vers une réconciliation avec soi et avec les autres.

En retraçant son parcours d’enfant blessée, d’adolescente désorientée, et de jeune femme privée de jouissance, Angèle Baux-Godard n’hésite pas à détailler les dysfonctionnements de son périnée ou les exercices pratiques de kiné pelvienne qu’elle a dû endurer. Pourtant, la pièce ne sombre jamais dans un voyeurisme vulgaire ou une impudeur brutale mais transforme cette matière autobiographique en confession troublante doublée d’un road-trip fantasmagorique.

A ses côtés, sur le chemin de la reconstruction, on croise une panthère mythologique, une mer consolatrice, des réminiscences elliptiques et des amoureux plus ou moins compréhensifs. Etudes avortées en Hypokhâgne, antidépresseurs, résurgence du souvenir - pourtant scrupuleusement enfoui - d’un viol, expériences sexuelles ratées, découverte des thérapies par EMDR (intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires), incompréhension des parents ou des amies, progrès indicibles : Angèle Baux-Godard nous happe dans son récit, interroge le fait d’être "impénétrable", invente d’autres façons d’aimer, questionne les blessures invisibles. Le tout dans un impressionnant et libérateur abandon.


Angèle Baux-Godard pour L’Empreinte du vertige. Mise en scène de Clément Goethals.

Création au Théâtre des Martyrs.

Un spectacle de la Cie Fact. Coproduction Rideau de Bruxelles, Théâtre des Martyrs, La Coop ASBL. Avec l’aide de la bourse de recherche de l’aide à la création à la Communauté française. Avec le soutien de Shelterprod, Taxshelter.be, ING et du Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge, Comédie de l’Est CDN de Colmar, Théâtre des Doms Avignon et Le théâtre du Peuple Bussang.

Pauline d'Ollone

Après Reflets d’un banquet, sa première création nommée pour le prix de la critique 2016 dans la catégorie "Meilleure découverte", Pauline d’Ollone  revient au théâtre de la Balsamine avec Où suis-je ? Qu’ai-je fait ?, un texte fort et bousculant autour de la thématique de l’aliénation à tout prix. Par le biais d’une écriture percutante, Pauline d’Ollone entremêle trois récits, trois formes d’asservissement inspirés de textes existants et dans lesquels on croise des amoureux fanatiques qui cherchent l’amour sur la toile, un coach en stratégie amoureuse, qui est en fait un gourou de secte, et un apprenti despote qui suit des cours pour devenir dictateur. A travers ce texte, la jeune autrice décrit avec talent et discernement l’addiction sous toutes ses formes, allant des nouvelles technologies qui font qu’on abandonne sa responsabilité par rapport à sa vie, aux illusions de toutes sortes souvent récupérées et utilisées par des gourous politiques. Les diverses stratégies mises en place pour contrôler notre société sont souvent imperceptibles. Pauline d’Olonne les traque, les met en lumière avec ses mots, pour mieux les dénoncer. L’exercice est brillant et implacable.  D.C.


Pauline d’Ollone, pour Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Mise en scène de Pauline d’Ollone.

Création à La Balsamine. 

Un spectacle de la Cie Les étrangers. Coproduction La Balsamine, L’Ancre–Théâtre Royal et La Coop ASBL. Avec les soutiens du Centre des Arts Scéniques, de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Aide aux projets théâtraux, de Shelterprod, de taxshelter.be, d’ING et du Tax-shelter du gouvernement fédéral belge.

Tom Lanoye - Alain Van Crugten

Star des lettres flamandes à partir de la fin des années 80, Tom Lanoye s'est fait connaître dans la partie francophone du pays surtout grâce à la traduction de son roman Sprakeloos, La Langue de ma mère (2012, Éditions de la Différence), réalisée par son fidèle traducteur Alain van Crugten. Poète, chroniqueur et essayiste, le "fils de boucher binoclard" originaire de Saint-Nicolas est aussi auteur pour le théâtre. On lui doit notamment Ten Oorlog, pièce de 12 heures adaptant le cycle sur la guerre des Deux-Roses de Shakespeare, Fort Europa, Mefisto for Ever (d'après Klaus Mann), Atropa, De Russen ! (d'après Tchekhov) et le monologue Gaz, plaidoyer d'une mère damnée.

Après avoir monté son adaptation d'Euripide Mamma Medea, le metteur en scène Christophe Sermet a créé en janvier dernier au Théâtre National la version française (toujours signée Alain van Crugten) de Konigin Lear/La Reine Lear, où Lanoye transforme le vieux souverain shakespearien en une femme à la tête d'un empire financier contemporain qu'elle partage entre ses trois fils. E.S.


Tom Lanoye et Alain van Crugten pour La Reine Lear. Mise en scène de Christophe Sermet.

Création au Théâtre National. 

Un spectacle du Théâtre National Wallonie-Bruxelles. Coproduction Compagnie du Vendredi – Cie. Christophe Sermet, Théâtre de Namur, La Coop ASBL, Shelter Prod. Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Direction du Théâtre et du Centre des Arts Scéniques. Avec le soutien de taxshelter.be, ING & tax-shelter du gouvernement fédéral belge, Flanders Literature.

Isabelle Pousseur

Ce Prix récompense souvent de fortes têtes et de fortes femmes du spectacle vivant : Michèle Braconnier, Anne Kumps, Huguette Van Dyck, Martine Wyckaert, Frie Leysen : nous sommes fiers de notre palmarès dans lequel vient s’inscrire tout naturellement Isabelle Pousseur. Elle a parcouru toutes les marches des métiers de théâtre, actrice, metteuse en scène, professeur, directrice de compagnie puis d’un des théâtres d’art et d’essai les moins rémunérés de la FWB : Océan Nord. Cette année avec un festival de solos de femmes, belges et africaines, elle reste fidèle à elle-même : généreuse, ouverte à tous les (jeunes) talents (ici africains, Edoxi Gnoula et Aminata Abdulaye Hama) et fidèle en amitié (un texte de J.M Piemme, une solo-performance de Myriam Saduis). Voilà pour les qualités morales, un terme bien désuet dans la jungle des villages théâtraux, mais qui lui vaut son pesant d’estime dans ce milieu volontiers cynique. 

Et l’Artiste ? Sa vocation remonte à l’enfance, à ce carnaval de Malmedy où de 2 à 14 ans elle a joué tous les rôles, Bécassine, Arlequine, Indienne, Long Bras, Long Nez et éprouvé le plaisir intense et la puissance du masque. Jusqu’au jour où elle introduit des "étrangers", des amis liégeois un peu trop démonstratifs et se sent exclue de sa communauté. "Cette expérience d’appartenance et d’exclusion, de rapport entre l’individu et le groupe deviendra un des motifs centraux de mes histoires, de mon théâtre", avoue-t-elle dans un bel essai sur elle-même Le Théâtre de l’Autre, aux éditions Alternatives théâtrales. Autre notion importante dans sa personnalité : elle est née à la frontière entre la Belgique et l’Allemagne. "Je suis l’enfant de cette frontière. C’est là que se niche une identité trouble, contradictoire et masquée qui n’a cessé de m’intriguer." Ce qui caractérise aussi Isabelle c’est une sorte d’inconfort, de doute existentiel fréquent : ses études à l’Insas lui donnent un "sentiment d’inutilité", d’ennui sauf quand en troisième année Michel Dezoteux l’initie aux exigences physiques du monde de Grotowski qui l’entraîne "au-delà de la fatigue". C’est comme un déclic, elle commence à se trouver dans ce théâtre physique dur, sans concessions. Plus tard un spectacle magique, inoubliable, met fin provisoirement à ses doutes. Tous ceux qui ont vu, à Liège (où il fut créé) ou à la Balsamine, Je voulais encore dire quelque chose. Mais quoi ? en sont marqués : un regard nouveau sur le théâtre, presque sans paroles mais avec une folle énergie dans l’espace d’un étroit couloir, montrant cette fameuse frontière entre l’individu et le collectif de manière ludique et grave. 

Enfin, "elle se pense metteur en scène". Elle affrontera plus tard Avignon dans les années 90 avec un Adamov qu’elle aime, reçu comme trop froid et un Strindberg qu’elle déteste mais aimé du public. Eternelle contradiction. Mais son amour va surtout aux grands textes littéraires comme Le géomètre et l’architecte d’après Kafka ou Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas d’Imré Kertesz ou des auteurs contemporains, très différents J.M Piemme, Sarah Kane, Lars Noren ou , plus récemment un Songe d’une nuit d’été africain avec ses élèves burkinabé. Un de ses talents majeurs est d’accueillir des propositions de jeunes acteurs qu’elle repère comme professeur à l’Insas et à qui elle donne la chance d’un premier projet. Ou des initiatives de sa bande de familières, Véronique Dumont, Catherine Salée, Laurence Vielle, Magali Pinglaut, Catherine Mestoussis et bien sûr Myriam Saduis dont elle a programmé toutes les créations. En discrète toile de fond, son père, Henri Pousseur, compositeur d’avant-garde, le gardien secret d’une certaine exigence envers elle-même. Isabelle Pousseur, fidèle à ses racines se donne aussi la liberté de les trahir pour ne pas faire du sur place esthétique. Autre mot clé chez elle : transmettre car transmettre est le but dont être n’est que le moyen. C.J.


Isabelle Pousseur, metteuse en scène et directrice-fondatrice du Théâtre Océan Nord.

LEGS "suite"

Avec LEGS "suite", Edoxi Gnoula compose une sorte de "psychanalyse" théâtrale mais sans jamais verser dans une dissection nombriliste ou misérabiliste. La comédienne prend au contraire des chemins drôles, tortueux, lumineux pour raconter son histoire d’enfant "bâtarde" - son père refusa de la reconnaître - au destin de son pays, le Burkina Faso, longtemps sous le joug d’un dictateur, Blaise Compaoré, irresponsable vis-à-vis de sa jeunesse.

Avec un don inouï pour jongler avec les accents, les postures, les regards, la comédienne passe d’un personnage à l’autre en un simple déhanchement, une paire de lunettes, un dos voûté, une intonation de voix. Les transformations sont à la fois imperceptibles et hallucinantes.

Sinueuse, l’écriture se gargarise de détours anecdotiques pour distiller avec pudeur cette autobiographie. Entre le personnage de sa mère, petit bout de femme têtue qui, malgré la lâcheté de ses amants, refusa de se faire avorter et éleva ses cinq enfants à la force de ses maigres bras, et celui de son déserteur de père, qu’Edoxi finira par affronter, une fois devenue adulte, on devine une vie chaotique. La douleur de grandir en se sentant bannie d’une part de ses origines, les fins de semaine difficiles après avoir vendu des légumes dans des sacs qu’elle portait sur sa tête, les sacrifices pour continuer d’exercer une passion, le théâtre, qui nourrit l’esprit mais ne remplit pas les ventres creux. Avec LEGS "suite" , c’est ni plus ni moins qu’un petit miracle qui se produit, celui de rendre palpable une destinée vécue à des milliers de kilomètres de nous.  C.Ma.


LEGS "suite" de et avec Edoxi Gnoula

Création au Théâtre Océan Nord.

Un spectacle du Théâtre Océan Nord. Coproduction La Coop ASBL. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Service du théâtre, Shelterprod, Taxshelter.be, ING, Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge.

Un homme si simple

Angelo Bison nous confronte à un personnage guetté par une folie "ordinaire", une dépression aggravée par des pulsions de mort et de vie "déviantes", l’attirance pour la fille de sa compagne, une adolescente de 16 ans qu’il a éduquée en beau-père bienveillant. Les situations sont d’abord traitées avec une distance humoristique. Mais les angoisses croissantes du père adoptif vis-à-vis de ses pulsions pédophiles envahissent progressivement ses confessions menant au "couvent-refuge", l’asile psychiatrique de la Salpêtrière à Paris, puis au suicide. 

La mise en scène minimaliste de Michel Bernard va à l’essentiel : tout est dit par deux faisceaux de lumière dont les contrastes vont à l’essentiel : un homme partagé intérieurement entre ombre et lumière. Aucun phrasé emphatique, on n’est pas dans le drame mais dans la lutte pour y échapper. Sur scène un écrivain "coupé en deux" décrit avec simplicité le nœud complexe de ses névroses. Angelo Bison, une fois de plus, nous donne à voir ces passages entre le normal et l’anormal et la lutte pour échapper à une folie douce. L’expressivité de son visage, de ses mains, son occupation sensible de l’espace nous rappellent qu’avec son complice Michel Bernard, il sait exprimer intensément des états limites où la mélancolie profonde rode et la démence guette. Du prestigieux philosophe Althusser meurtrier de sa femme dans L’Avenir dure longtemps au modeste écrivain André Baillon, guetté par le suicide, dans Un homme si simple Angelo Bison est le passeur de deux destins. Il explore petits et grands gouffres avec son talent d’acteur inspiré. C.J.


Un homme si simple d’André Baillon. Mise en scène et adaptation de Michel Bernard. Avec Angelo Bison.

Création au Poème 2.

Un spectacle Unités/ Nomades en partenariat avec le Poème 2.

Une vie sur mesure

"Maman hachait des herbes sur la planche à découper. Le bruit de la lame faisait tchakatakatakata." Une vie sur mesure, c’est l’histoire d’une passion dévorante pour la musique et pour un instrument : la batterie. A 17 ans, Adrien Lepage est un garçon isolé et introverti. Au fil de la pièce, ce personnage se livre. Il raconte comment la découverte de la musique lui a permis de s’ouvrir au monde et de le décrypter à grands coups de croches et de doubles-croches. C’est en observant en silence le voisin jouer au basket que l’univers de la percussion s’est ouvert à lui. Le monde s’est alors transformé en un immense terrain de jeu où chaque bruit, même insignifiant, est un son qui trouve une place à l’intérieur d’une partition. Il décrit le bruit des baffes qu’il prend en classe, les battements de son cœur et le sourire de la fille qu’il rencontre au détour d’une répétition. "Un batteur qui marche dans la rue, son corps lui sert de métronome ! Si chaque pas marque un temps équivalent à une noire, la moitié d’un temps suffit pour une croche…" La pièce de Cédric Chapuis devait se raconter en musique. A vingt ans, Pierre Martin étudie la batterie au Conservatoire de Bruxelles. Une vie sur mesure lui permet de faire ses premiers pas en tant qu’acteur sur un plateau. Accompagné par deux batteries, il entre dans le costume d’un jeune homme qui s’épanouit à son rythme et trouve une place dans la symphonie du monde. F.C.


Une vie sur mesure de Cédric Chapuis. Mise en scène de Stéphane Batlle. Avec Pierre Martin.

Création au Théâtre Le Public.

Un spectacle du Théâtre Le Public et de la cie Scènes plurielles. Avec le soutien du tax shelter de l’État fédéral belge via Belga Films Fund et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

The Great He-Goat

"Le sommeil de la raison engendre des monstres", inscrivit Francisco de Goya au frontispice d'une série de gravures. Considéré comme l'un des plus grands précurseurs de l'art contemporain, le peintre espagnol (1746-1828) a laissé une œuvre marquée par l'agitation et la noirceur de son époque.

Renouant avec la veine picturale qui avait donné les mémorables Dernières hallucinations de Lucas Cranach l'ancien ou encore Simonetta Vespucci, la compagnie Mossoux-Bonté s'est inspirée ici des Pinturas Negras, cycle de scènes terrifiantes composées par un Goya de plus de 70 ans, sourd et solitaire, et parmi lesquelles figure Le Sabbat des sorcières ou Le Grand Bouc.

C'est là que Nicole Mossoux est allée puiser la "substance fantasmagorique" de cette création. Dix danseurs et une enfant constituent le corps mouvant et pluriel de ce Great He-Goat, creusent les sinueuses voies de cette pièce et de ses langages multiples : rythmique, visuel, sensuel, sonore, vocal, gestuel.

On y retrouve la marionnette, le masque, le double, éléments récurrents dans l'art que tissent depuis plus de trente ans Nicole Mossoux et Patrick Bonté. Lévitations, dédoublements, démembrements et illusions bâtissent et peuplent les tableaux en série dans une suite organique et orgiaque, un rituel cauchemardesque et fascinant. Un cérémonial empruntant autant à l'imagerie sacrée qu'aux codes du cabaret, et dont le caractère puissamment visuel ne délaisse jamais les autres sens.  M.B.


The Great He-Goat de Nicole Mossoux, en collaboration avec Patrick Bonté.

Création belge à Charleroi danse – La Raffinerie.

Un spectacle de la Compagnie Mossoux-Bonté. Coproduction Charleroi Danse – Centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Belgique, La Briqueterie - CDCN du Val-de-Marne, Le Théâtre de Rungis, La Coop ASBL. et Shelterprod. Avec le soutien du Théâtre de Liège, du Théâtre de Châtillon, Taxshelter.be, ING et du Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, service de la danse et de Wallonie-Bruxelles International.

Stretch

Isabella Soupart a placé son dernier spectacle Stretch, étiré, dans le beau cadre fonctionnel d’un musée tout neuf du quartier Dansaert, le MAD (Musée de la mode et du design). C’est une tendance forte de la danse contemporaine de s’installer dans les lieux d’art pour s’y mettre en mode performance. Le MOMA et tous les musées new-yorkais ont commencé, of course, mais le Louvre, la Tate Gallery, les Musées Royaux des Beaux-Arts, le Wiels et bien d’autres suivent : la danse y gagne de grands espaces et le Musée rajeunit son public. C’est du win win.

Stretch offre six heures de parcours dynamique et festif à une douzaine de danseurs sur plusieurs niveaux du musée. Parfois on les surplombe parfois ils nous frôlent, toujours ils exécutent des danses stylisées qui en changeant d’espace changent de sens. Six heures ? Oui, mais à option, avec un bar pour "souffler". Une énergie millimétrée se dégage de cette proposition jazzy d’Isabella Soupart, en dialogue avec de belles sculptures de Jonathan Sullam. Les 10 jeunes danseuses, habillées "mode" souvent seules ou en duos/trios interprètent leur partition à la perfection, dialoguant en souplesse avec le public, sans familiarité. Avec un contrepoint masculin sporadique excellent lui aussi. La musique est souvent "fabriquée" live, souvent sous nos yeux, avec beaucoup de clins d’œil malicieux.. Elle emprunte aussi bien aux danses urbaines pour les duos qu’aux rave parties pour les ensembles plus longs. Avec un contrepoint humoristique : la gestuelle des agents de la circulation sur les aéroports. Au total un beau "thème et variations" sur le mode "danse urbaine" qui flirte en douceur avec le monde visuel de Jonathan Sullan jouant sur le reflet et la souplesse des matériaux flexibles. Séduisant, rigoureux, intelligent et sensuel. C.J


Stretch d’Isabella Soupart.

Création au MAD à Bruxelles.

Un spectacle H&B. Avec le soutien de MAD - Brussels Fashion and Design Platform, de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Arts plastiques contemporains, du Service Public Francophone Bruxellois, de la Ville de Bruxelles, de White & Case, de Naos Design, de 42|54.

Mirage

Née à Valence, établie à Bruxelles depuis 1990, Olga de Soto sonde depuis près de vingt ans, au fil de ses créations, la mémoire du corps, celle de l'esprit, de même que l'histoire de la danse. Danseuse, chorégraphe et chercheuse, elle a notamment mené une vertigineuse enquête autour de la Table verte, pièce fondatrice de la danse moderne et contemporaine. Avec Mirage, c'est un virage qu'a opéré Olga de Soto, désireuse de "quitter ce monde gazeux, les écrans, les vidéos, pour revenir au corps présent, au groupe".

Pour ce processus, la chorégraphe - hors plateau cette fois - a fait appel à un quintet d'interprètes (Albane Aubry, Edith Christoph, Talia De Vries, Meri Pajunpää, Maria de Dueñas López), chacune avec sa technique, son âge, sa physionomie, sa personnalité, dans un ensemble où "le corps est exploré à la fois comme surface, matière, image".

L'art d'Olga de Soto est celui de la traversée, de la mémoire, de la trace, et aussi, toujours, avant tout, celui de la présence, du présent absolu. La voir ainsi collaborer avec la plasticienne Sophie Whettnall et ses grandes pages/plages/reliefs de papier et d'aluminium permet à nouveau d'approcher l'archéologie du geste, l'action du temps.

Oscillation, rituel, vibration, rythmes flous et regards francs : Mirage fait dialoguer les énergies en présence, avec une fluidité sans tiédeur, avec une force loin de toute lecture imposée. Atouts du corps présent comme de l'imaginaire, profusion et profondeur tracent - avec les éclairages élégants de Philippe Gladieux et la palette sonore de Benoît Pelé - le paysage de tous les possibles.  M.B.


Mirage d’Olga de Soto.

Création à Charleroi danse – La Raffinerie.

Un spectacle Niels Production. Coproduction Charleroi danse, Pôle Sud – CDCN de Strasbourg, Le Vivat – Scène conventionnée d’Armentières, ICI—Centre chorégraphique national Montpellier – Occitanie / Direction Christian Rizzo. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Secteur danse.

L.U.C.A. (Last Universal Common Ancestor)

"D’où viens-tu?", la question, posée d’entrée de jeu, est au cœur de ce spectacle écrit, mis en scène et interprété par Hervé Guerrisi et Gregory Carnoli. Le point de départ est un constat : les migrants d’hier, et notamment ces grands-parents venus d’Italie pour extraire notre charbon, se sentent peu solidaires de ceux d’aujourd’hui. "Nous on est venus pour travailler, eux pour profiter." Comment expliquer ces réactions xénophobes? La mémoire de la migration familiale serait-elle perdue ?

Interviews, documents, références scientifiques à l’appui, Hervé Guerrisi et Gregory Carnoli (co-mise en scène Quantin Meert) revisitent le thème de la migration, déjà si souvent traité, avec intelligence et humanité. En faisant de leur histoire personnelle un enjeu universel, ils en renouvellent l’approche de manière originale. Mais sans se prendre au sérieux et avec un humour qui imprègne tout le spectacle.

Généreuse, portée par deux excellents comédiens, cette œuvre nous rappelle que nous descendons tous - de la langouste à l’ornithorynque en passant par l’orchidée, l’herbe sur laquelle vous marchez, le chinois, l’arabe, - de L.U.C.A. (Last Universal Common Ancestor). D.M.


L.U.C.A. (Last Universal Common Ancestor) d’Hervé Guerrisi et Grégory Carnoli.

Création à L’Ancre – Théâtre royal.

Un spectacle de la Cie Eranova. Une production de L’Ancre – Théâtre royal. Coproduction Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Théâtre Jean Vilar Vitry-sur-Seine, La Coop ASBL. Avec l’aide du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Service du Théâtre. Avec le soutien de la Cité Maison de Théâtre & Cie et le Théâtre des Doms dans le cadre du programme “Le Réel Enjeu”, La Fabrique de Théâtre, 9-9 bis-Le Métaphone, MCA Recycling sprl et le Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge.

Playback d’histoires d’amour

Au cabaret des cœurs brisés, on chante ! En playback, mais on chante quand même. La première prouesse de Delphine Bibet dans Playback d’histoires d’amour est d’avoir réconcilié l’art populaire au discours philosophique. Croiser Jean Manson et Roland Barthes, ou Hervé Vilard et Alain Badiou, il fallait le faire. S’il y a bien une chose qui réunit tous les habitants de cette planète, c’est l’amour et les bonheurs et chagrins qu’il occasionne. Pour sa première mise en scène, la comédienne, formée à l’Insas et vue chez Aurore Fattier, Jean-Claude Berrutti, Lorant Wanson… confronte le discours analytique de l’universitaire aux paroles franches et sirupeuses des chanteurs de variété, deux facettes d’une même vérité. Le tout mis dans la bouche d’une brochette de comédiens merveilleux - Delphine Bibet, Catherine Mestoussis, Thierry Hellin et Alexandre Trocki - qui n’émettront aucun son de tout le spectacle, si ce n’est celui enregistré pour eux, comme un quatuor de voix rapportées. "Cet état particulier dans lequel je me suis retrouvée en travaillant le playback, ce vertige d’être dépossédée de sa propre voix, (…) de s’approprier une autre voix, un autre souffle, l’histoire d’une autre personne au travers d’une chanson d’amour, explique Delphine Bibet, m’a donné l’envie d’approfondir ces découvertes et de rendre visible au spectateur cette étrangeté, ce trouble et la fascination que cela procure." Ces personnages nous fascinent, même s’ils ne sont pas nommés, car ils ont tous quelque chose à nous raconter de nous et des autres. Poussant la désincarnation jusqu’au bout, chaque son, chaque pas, chaque geste est en son indirect. De quoi rendre le spectacle universel en suscitant une empathie à laquelle peu restent indifférent. Dans ce vieux cabaret, scénographié par Vincent Lemaire, le strass – le spectacle - souligne autant la larme à l’œil et le rire, et c’est ça qui est fort. "Faisons l'amour avant de nous dire adieu…" N.N.


Playback d’histoires d’amour, de Delphine Bibet. 

Création au Théâtre royal de Namur.

Un spectacle du Théâtre royal de Namur. Coproduction Théâtre National de Belgique avec La Coop ASBL et Shelter Prod. Avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge. Création au Théâtre royal de Namur.

Crâne

Patrick De Clerck, philosophe et psychanalyste, inspire décidément Antoine Laubin et Thomas Depryck qui puisent dans son œuvre une matière théâtrale savoureuse et profonde. Après Dehors et Démons me turlupinant, voici Crâne, une autobiographie peu ordinaire qui décrit avec minutie et humour une angoisse existentielle que nous partageons tous. La peur du cancer pire, le cancer du cerveau qui menace le moteur même de nos capacités à penser, écrire, créer ou simplement survivre en homme pensant. Alors extraire une tumeur et jusqu’où pour éliminer le danger sans finir en légume dépendant ? Antoine Laubin et son complice Thomas Depryck proposent une symphonie en trois mouvements, avant, pendant et après l’opération du "crâne" 

Le personnage central aurait dû être Patrick lui-même mais Philippe Jeunette y compose un rôle surprenant de grognon entre rage et angoisse, procédant par interventions brèves et fulgurantes. Impressionnante présence physique, inoubliable, pendant l’opération. Remarquable aussi l’intelligente distribution des acteurs, des familiers d’Antoine Laubin qu’il met au bon moment selon leur talent. Jérôme Nayer assume la montée d’angoisse initiale, le dialogue tendre ou agressif avec la famille, le médecin, la chienne adorée. Avec Hamlet en référence ! Hervé Piron injecte son humour décalé dans la partie centrale, la plus grave, l’opération interminable avec la question centrale : faut-il laisser une partie de la tumeur pour rester un homme, doté de langage et créateur ? Renaud Van Camp assure le retour au calme en douceur et Antoine Laubin circule en médecin ou chef d’orchestre discret. Une très belle performance d’ensemble qui va affronter la touffeur d’Avignon dès 10h du matin, aux Doms. C.J.


Crâne d’Antoine Laubin d’après le roman éponyme de Patrick Declerck.

Création au Théâtre Varia pour le Rideau de Bruxelles.

Un spectacle de De Facto. Coproduction Rideau de Bruxelles, La Coop asbl en partenariat avec le Théâtre Varia. Avec le soutien de Shelterprod, Taxshelter.be, ING, Tax Shelter du gouvernement fédéral belge. Avec l’aide du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Service du Théâtre – CAPT.

(Victor) Frankenstein

Le drame fondateur de l'enfance, telle sera la pierre angulaire de (Victor) Frankenstein, nouvelle création émouvante des Karyatides. Toute l’humanité de la mise en scène de Karine Birgé réside dans cette approche de la souffrance, lit de tant de violence. Poussant plus loin encore la parabole, dans la lignée du féminisme anarchique de l'autrice Mary Shelley, la metteuse en scène opte pour un mélange des genres et des codes, Frankenstein étant joué par une femme, poignante Marie Delhaye, en alternance avec Karine Birgé, et sa sœur, Élisabeth, par un homme, subtil Cyril Briant. Entre autres coquetteries, pour créer une distance et jouer avec les lois de la nature. Autant l'écrire d'emblée, la nouvelle création des Karyatides, au studio de la Monnaie, d'une version parallèle de l'opéra de Mark Grey est une franche réussite. Ce mélange de théâtre et d’opéra, en lenteur et clair-obscur, dans une atmosphère gothique, en ne s’appuyant que sur des techniques anciennes, relève en effet de la gageure. De toute beauté, d’une grande précision, extrêmement touchant, entre chants de consolation, de supplique ou de prière, interprétés par la soprano Virginie Léonard (en alternance avec Lisa Willems) et Kevin Navas (ou Thomas Eeckhout) au piano romantique, ce (Victor) Frankenstein, porté par les notes de Rachmaninov, Verdi ou… Céline Dion, pose, en outre, des questions toujours d’actualité autour des lois de la nature et de la limite de leur transgression. L.B.


(Victor) Frankenstein de Karine Birgé (Karyatides) 

Création à La Monnaie.

Création sonore  Guillaume Istace Création lumière Dimitry Jourowski Scénographie et costumes Claire Farah Conception créature Sébastien Boucherit & Joachim Jannin.

En coproduction avec La Monnaie/De Munt (Bruxelles- BE), Le Théâtre de Liège (Liège-BE), Le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes (Charleville-Mézières-FR), Le Sablier - Pôle des Arts de la Marionnette en Normandie (Ifs-FR), Le Trident – Scène nationale de Cherbourg (Cherbourg-FR), le Centre culturel de Dinant (Dinant-BE), le Théâtre La montagne magique (Bruxelles-BE), Pierre de Lune (Bruxelles-BE), et La Coop ASBL.

La Question du devoir

Arriver sans crier gare, frapper trois coups à la porte en plein cours de français, se faire passer pour une ancienne criminelle puis glisser vers un débat philo, voilà comment le théâtre jeune public revient au cœur de l'école, en classe, sans éclairages ni décors, une tendance très présente aux dernières Rencontres jeune public, celle du théâtre de l’invisible, inspiré du théâtre de l’opprimé de l’écrivain et dramaturge brésilien Augusto Boal (1931-2009). Dans le cadre d’un travail d’intérêt général, Alex Morel, alias Yannick Duret, propose un atelier pochoir dans les établissements d’enseignement secondaire. Elle arrive en début de cours accompagnée de son assistant social, Stan, Gilles Abel, désarmant de naturel. Elle s’installe, surprend et chamboule la classe. Vigilant, Stan la ramène sans cesse à l'essentiel, mais la comédienne, tout en rage contenue, arrive à ses fins auprès d'élèves ayant mordu à l'hameçon. Un genre fragile qui repose sur une improvisation ultra-contrôlée et le jeu nuancé et adapté des comédiens. Bulle philosophique maîtrisée par les Zygomars, cette Question du devoir, en guise d’introduction au débat relatif à l’engagement suite aux attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher mérite assurément d'être posée. Du théâtre bien vivant. L.B.


La Question du devoir d’Émilie Plazolles.

Création aux Rencontres du Théâtre Jeune Public à Huy.

Un spectacle du Théâtre des Zygomars. Coproduction Mars-Mons Arts de la scène. Avec le soutien d’Ithac, de l’Espace Magh, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Région wallonne, de la Province du Brabant wallon et de la Loterie nationale.

#VU

Une gifle. Un séisme. #VU dénonce, en cris, slam et chuchotements, la question du cyberharcèlement à l’école, et de ses redoutables conséquences. Une création confrontante de Mattias De Paep, auteur et metteur en scène, et d’Andreas Christou, metteur en scène et traducteur. Ensemble, ils évitent l’écueil de la vulgarité, de l’outrance, pour entrer en nuance dans le cœur de l’adolescente, émouvante et puissante Julie Carroll dans le rôle de Lisa qui regrettera amèrement d'avoir envoyé, par amour et sexto, ce cœur palpitant sous ses seins, ignorant alors qu'ils seraient jetés en pâture sur les réseaux sociaux. Pari, drague intentionnelle de la victime toute désignée, Lisa et ses gros "nibards", escalade, la machine de guerre se met en route. Suivront, toujours via les réseaux sociaux, les encouragements au suicide dans cette création des Arts Nomades qui démontre avec la précision de l'intelligence, les mécanismes du harcèlement. Tendu de bout en bout, #VU est servi par une comédienne d’une grande justesse, accompagnée sur le plateau par Vincent Cuignet aux percussions, dont les notes, à la batterie ou au xylophone, ponctuent le récit, l’orientent et l’aiguillonnent. Une vraie complicité unit les deux artistes, dans les mots comme dans les silences, au creux de cette écriture métaphorique qui prouve combien la poésie peut aussi traduire la violence. L.B.


#VU de Mattias De Paep et Andreas Christou.

Création aux Rencontres du Théâtre Jeune Public à Huy.

Un spectacle de la Cie Les Arts nomades. Cofinancé par L’Union européenne, soutenue par Child Focus et la COCOF/Région Bruxelles Capitale - Label d’utilité publique.

Valhalla

Découvrir un spectacle de la Compagnie Petri Dish, c’est accepter de perdre ses repères habituels, tant narratifs que sensoriels. Langoureuses, interconnectées, les disciplines artistiques se mêlent pour forger un récit qui se comprend autant avec la peau qu’avec l’esprit. Cirque, danse contemporaine, art lyrique et arts plastiques forment le vocabulaire sans cesse recomposé d’Anna Nilsson et Sarah Lemaire, les deux têtes pensantes d’un plateau envisagé comme un laboratoire – le nom de la compagnie renvoie d’ailleurs à ces plateaux de culture cellulaire utilisés en sciences. Après Expiry Date (2013) et ses machines étonnantes (séries de dominos, sabliers géants) puis Driften (2016) et son salon qui finissait envahi par une jungle de plantes, le duo livre avec Valhalla un nouveau tableau saisissant. Sur scène, un bateau ! Ou à tout le moins les éléments qui l’évoquent : un poste de vigie où l’on grimpe en mât chinois, un immense jeu de cordages où l’on s’accroche en cas de tempête… Car ici tout tangue. Les six marins de fortune (Joris Baltz, Thomas Dechaufour, Laura Laboureur, Carlo Massari, Anna Nilsson et Jef Stevens) roulent d’un côté à l’autre de la scène, comme si le vent les soulevait. Mais la météo n’est pas la seule à exercer ses caprices sur le groupe : ce qui gronde aussi, c’est la soif de pouvoir, symbolisée par un gant de cuir noir qu’on convoite, qu’on se vole et qui rend fou. Lumières, bande son, matières et ambiance olfactive concourent à un spectacle qui s’absorbe par tous les sens et s’autorise les coups de gouvernail les plus inattendus. L’équipe passe ainsi sans ciller d’une ambiance crépusculaire évoquant Rubens (pour un tableau de Piéta) à l’outrance à froufrou d’une comédie musicale à la Broadway. Une tornade qui ose l’audace et les paysages inexplorés. L.A.


Valhalla d’Anna Nilsson et Sara Lemaire.

Création à Theater Op de Markt.

Un spectacle de Petri Dish/ ISE ASBL. Coproduction Le Groupe des 20 Théâtres en Île-de-France, Théâtre de la Balsamine, Centre Culturel du Brabant Wallon. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, service du cirque, Kulturradet/Swedish Arts Council, Konstnärsnämnden - the Swedish Arts Grants Committee.

One Shot!

Voilà qui s’appelle trancher dans le vif du sujet : One Shot!, au titre parfaitement explicite, ne laisse pas droit à l’erreur, puisqu’il combine le mât chinois et le lancer de haches. Au cirque, c’est bien connu, l’impossible n’est pas une limite : c’est justement au-delà de cette ligne que cela devient amusant. Alors, peut-on titiller un ami en lui balançant des tranchoirs dessus, comme on le chatouillerait – oh, juste pour l’ennuyer un peu ? Avec Maxime Dautremont et Foucauld Falguerolles, la réponse est oui, et le lancer de haches semble surtout destiné à mettre les points sur les "i" au sein d’une amusante relation entre deux merles un peu moqueurs.

Pour leur première collaboration, qui met la rue en joie où qu’elle passe, les deux circassiens ont décidé d’unir leurs compétences respectives, travaillées avec acharnement (et passion) depuis très longtemps. Foucauld Falguerolles, c’est l’expert du mât chinois, qu’il pratique avec une sorte de pince-sans-rire accrocheur. Maxime Dautremont (également cofondateur du Duo Gama) a décidé depuis plusieurs années d’allier jonglerie et bûcheronnage, en troquant ses quilles contre des haches. Dans One Shot!, ils font gentiment monter la pression: Maxime joue un peu de guitare électrique, pèle une pomme… puis joue avec son couteau. Ce Guillaume Tell cherche sa cible : ce sera Foucauld évidemment, volontaire désigné, mais pas victime consentante : tandis que la pression augmente (comme la taille des projectiles, canif, hachette, haches de formats de plus en plus effrayants), il se réfugie en haut de son mât, pour un ballet entre fraternité et coups dans le dos. Rassurez-vous, Foucauld a une grande planche de bois précisément accrochée dans le dos, pour éviter que la métaphore ne devienne trop littérale !

Taquin, potache, ce One Shot! nous épingle par sa pointe de cynisme et son humour un peu noir. Autant de grains de sel et de poivre qui révèlent évidemment l’ingrédient principal : la belle complicité entre les deux artistes. Une connivence qui capte nos sourires et s’avère le beau fond de toute cette histoire. L.A.


One Shot! de Maxime Dautremont et Foucault Falguerolles. 

Mise en scène Benjamin De Matteis.

Un spectacle de la compagnie One-Shot. Avec le soutien de Centre des arts de la rue (Ath), La Roseraie, Destelheide, Centre culturel du Brabant Wallon, Woluculture, Espace Catastrophe.

La Vrille du chat

Que se passerait-il si le temps était élastique ? Si un même événement pouvait se répéter plusieurs fois, rebattant les cartes du passé recomposé et du futur antérieur ? À partir d’une scène banale en apparence -quelques minutes dans une vie de bureau-, le jeune collectif Back Pocket va s’employer à tordre les horloges, le sens commun et la gravité. Imaginez un groupe d’employés qui, dans leurs gestes quotidiens, seraient soudain exposés à la touche Pause, Rewind et Fast Forward de la télécommande, manipulés par un Chronos survitaminé. Tout à la fois enfants de Jacques Tati (pour la comédie muette et moderniste) et de la NASA (pour la capacité à défier le champ gravitationnel), les cinq acrobates bâtissent une partition virtuose qui se suit avec la légèreté au cœur et le plaisir comme moteur.

Basé à Bruxelles, Back Pocket illustre bien ce qu’est le cirque contemporain aujourd’hui : un flamboyant alliage de nationalités et de virtuosité, bien décidé à en découdre avec la narration par le geste. Formés pour certains à l’Esac (Ecole Supérieure des Arts du Cirque de Bruxelles), ses membres viennent de France, des États-Unis et du Royaume-Uni. L’originalité de leur propos tient dans la volonté de se passer des agrès habituels du cirque. Tout repose donc sur les corps : Dominic Cruz, Devin Henderson, Michael Hottier, Maya Kesselman et Aurélien Oudot ne s’arrêtent jamais, épatants de disponibilité tout-terrain, tant en main-à-main pour la voltige de groupe qu’en contorsion et en acroportés. Ludique, l’espace de jeu mérite bien son nom : Goury, le scénographe de Yoann Bourgeois, a bâti dans le fer et le bois un mur transformiste, qui devient tour à tour escalier sans fin, maison de fable où les fenêtres cachent des surprises,… Dans ce grand mélange du temps, ne cherchez pas midi à quatorze heures ! Le grand (re)mixeur dans lequel passe la logique chronologique cherche avant tout un effet rafraîchissant et tonique – et le trouve joyeusement. L.A.


La Vrille du chat de la compagnie Back Pocket. 

Création au Théâtre royal de Namur.

Mise en scène Vincent Gomez et Philippe Vande Weghe.

Une production Les Halles de Schaerbeek et le Théâtre royal de Namur. Coproduction Le Carré Magique, pôle national des arts du cirque en Bretagne (Fr) – Fondazione, I Teatri (It) – Fondazione Piemonte dal Vivo (It) – Espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie (Fr) – La Coop ASBL et Shelter Prod. Avec le soutien de l’Esac, de la Cascade, pôle national des arts du cirque (Fr) et du taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge (Be).

Amitiés sincères

A priori, une histoire classique : depuis vingt ans, trois amis déjeunent ensemble le premier mercredi de chaque mois. Pourtant, entre les lignes, le public comprend que ce soir-là ne sera pas tout à fait comme les autres.

Jacques (Daniel Hanssens), intellectuel spécialisé en reliures de livres antiques, est l’exact opposé de Walter (Alain Leempoel) : caractère sanguin, réfractaire aux livres, plus manuel que cérébral, ce chef d’entreprise paraît aussi à l’aise dans cette librairie de Saint-Germain-des Prés qu’un éléphant dans un magasin de porcelaines. En attendant Paul, le troisième larron, chacun déballe des pans de sa vie et quelques indices sur cette amitié – est-elle si sincère que ça ? – qui les unit depuis des décennies. Une certaine jalousie pointe même dans ce joyeux badinage : Jacques n’a-t-il pas toujours préféré les cocktails littéraires de Paul, l’auteur célèbre, que les pots de fin-de-chantier de Walter, le bon-vivant pragmatique ?

Bientôt, les surprises et révélations se bousculent au portillon d’une pièce qui bascule subtilement de la comédie à l’émotion. Quelques femmes (Catherine Conet et Fanny Dumont) vont faire leur apparition dans cette histoire de potes à la vie à la mort et chacun va finir par débiter son chapelet de confidences. Mise en scène par Michel Israël, la pièce carbure à toute allure, boostée par un duo de choc. D’un flegme souverain, Daniel Hanssens prouve que la comédie ne se joue pas forcément dans l’excès mais peut aussi être une affaire de savante retenue. Face à lui, Alain Leempoel est tout aussi savoureux, révélant un écorché vif derrière ses airs fanfarons. Leur évidente complicité rend ces Amitiés d’autant plus sincères. C.Ma.


Amitiés sincères de Stephan Archinard et François Prévôt-Léygonie. Mise en scène de Michel Israël.

Un spectacle de La Comédie de Bruxelles.

Création au Centre culturel d’Uccle.

Desperado

Ils sont quatre. Michel, Marc, Bruno et Eddy. Desperados qui ont troqué les saloons pour les cafétérias, et les corrals pour les parkings du Brico. Le weekend, ils se retrouvent dans une fête country où ils échangent les rêves et les frustrations qui surnagent d’un quotidien morne et banal. Ils sont arrivés à l’âge où l’on ne se fait plus trop d’illusions. Lâches et vantards, les quatre copains réécrivent sans cesse leurs petits exploits quotidiens et leurs conquêtes féminines. Desperado a été écrit par les Néerlandais Ton Kas et Willem De Wolf qui se sont inspirés des conversations de leurs pères avec leurs amis. La pièce a été remise en selle et en français par deux compagnies, Tristero, la flamande, et Enervé, la francophone. Les quatre comédiens, Hervé Piron, Eno Krojanker, Youri Dirkx et Peter Vandenbempt colorient le texte de leurs accents et de leur flegme dans un humour qui nait de l’absurde de l’existence et du décalage entre ce qu’ils disent et ce qu’ils sont. Desperado, c’est l'auto-dérision et le machisme sans la virilité, qui se niche dans la tête plus que dans les actes. Décor minimal, toute la pièce repose sur les comédiens et sur le texte rempli de longs monologues, de phrases inachevées et de répétitions. Cow-boys sans chevaux, ils tirent à coup de bons mots et de phrases parfois humiliantes, mais au fond ils s’aiment bien parce qu’ils ont besoin des autres pour exister. G.B.


Desperado de Ton Kas et Willem De Wolf.

Création au Théâtre Varia. 

Un spectacle de Enervé/Rien de Spécial ASBL et Tristero. Coproduction Enervé/Rien de Spécial asbl, Théâtre Varia, Théâtre de l’Ancre, Tristero, La Coop ASBL et Shelter Prod. Avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge.

Scapin 68

À l’occasion du cinquantième anniversaire de mai 68, Thierry Debroux relève un pari osé, celui de transposer Les Fourberies de Scapin dans l’univers des années 60 et d’éclairer à la lumière des sixties les conflits entre les générations que l’on retrouve chez Molière. Cheveux longs, pattes d’eph’ et fleur à la bouche, les personnages de la pièce n’ont rien à envier aux plus fervents défenseurs du mouvement hippie. Le ton est donné dès l’entrée du public. Le somptueux rideau rouge du Théâtre du Parc est orné du symbole "Peace and Love". Le décor, conçu par Thibaut de Coster et Charly Kleinermann, reprend à la craie les slogans révolutionnaires de l’époque: "Il est interdit d’interdir", "Soyez réaliste, demandez l’impossible", "Sous les pavés, la plage", etc. C’est sur le sable des pavés de mai 68, à l’intérieur d’une vieille bâtisse abandonnée en bord de mer, que les personnages d’Octave et de Léandre apparaissent jeunes et rêveurs, bien loin d’imaginer qu’un jour la réalité les rattraperait et qu’Argante, le père d’Octave, était en route avec la ferme intention de marier son fils. La suite, on la connaît. Dans le rôle de Scapin, Othmane Moumen, coupe afro et lunettes fumées sur le nez, usera de tous les stratagèmes. Agile comme un chat, il saute du premier étage, prend équilibre sur la corniche, remonte par la gouttière, se contorsionne pour faire entendre la volonté des fils et contourner la colère des pères. Pourtant, aucune ligne du texte de Molière n’a été modifiée. Les conflits entre les pères et les fils se racontent à chaque époque. F.C.


Scapin 68 de Thierry Debroux d’après Molière.

Création au Théâtre royal du Parc.

Un spectacle du théâtre royal du Parc. Coproduction Atelier Théâtre Jean Vilar, du Théâtre de Liège et DC&J Création. Avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge, des Ets Georges Magis, de TSF.be et d’Inver Tax Shelter. Avec la participation du Centre des Arts scéniques.

Myriam Saduis

On connaît Myriam Saduis comme metteure en scène de puzzles raffinés appuyés tantôt sur Ingmar Bergman (Une Histoire d’âme), Tchékhov (La Nostalgie de l’avenir d’après La Mouette) ou Hannah Arendt (Amor Mundi).

Cette fois, avec Final Cut, elle monte au front de la confidence intime, prend le risque de s’exposer, y compris comme actrice et nous confie son équation compliquée entre un père musulman tunisien et une mère catholique italo-française. Sa mère renie un jour le père qui disparaît de l’horizon, sans explications. Au secours mon identité ! Mais c’est toute une époque, une tranche d’histoire (la fin des années 50, le début des années 60) qu’elle fait revivre avec finesse, sensibilité et rigueur. Elle a vécu de l’intérieur ce contexte raciste qui refait surface aujourd’hui dans notre monde de manière inquiétante. Et les yeux dans les yeux, avec une passion froide et déterminée, non dénuée d’un humour parfois caustique, elle nous met en garde contre ce retour du racisme : elle sait de quoi elle parle.

La surprise n’est pas tant dans le thème, la quête d’identité et le racisme et dans la finesse d’un texte personnel remarquable que dans son incarnation par une grande actrice qu’on ignorait. Elle a certes joué il y a bien longtemps des textes d’autrui mais jamais n’a incarné un "personnage" dans ses adaptations de Bergman, Tchékhov ou Hanna Arendt. Et l’on découvre soudain qu’elle dompte ce texte intime comme s’il lui était "extérieur" en maîtrisant l’émotion, pourtant à fleur de peau, comme une disciple de Diderot et de son Paradoxe sur la… Comédienne. Elle est son propre personnage. Son talent de comédienne donne force au texte qui n’est ni un apitoiement sur soi, ni un règlement de comptes avec sa mère, ni une critique passionnée mais sommaire du colonialisme. C’est d’abord une leçon de théâtre par une comédienne qui en connaît tous les détours. C.J.


Myriam Saduis dans Final Cut de Myriam Saduis avec la collaboration d’Isabelle Pousseur.

Création au Théâtre Océan Nord.

Un spectacle du Théâtre Océan Nord. Coproduction Défilé, la Coop ASBL. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Service Théâtre (CAPT), de Shelterprod, deTaxshelter.be, ING, Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge.

Edoxi Gnoula

Lionelle Edoxi Gnoula. Prenez ses initiales - LEG – ajoutez-y le « s » de scène, et vous obtenez LEGS, titre d’un solo qui, forcément, charrie son lot d’héritage. Attention, pas le genre de donation qu’on inscrit sur un testament, mais plutôt ce qu’une vie peut vous léguer, de bagage solide comme de fardeau à porter. Car l’existence de la comédienne burkinabé n’est pas de celles qui s’écrivent et se règlent sur des actes notariaux et autres successions familiales. Au contraire puisque la jeune femme n’a jamais été reconnue par son père, qui habitait pourtant à quelque pâtés de maisons de la sienne, dans un quartier pauvre de Ouagadougou.

Elevée par une mère féministe avant l’heure, Edoxi Gnoula mêle son histoire d’enfant "bâtarde" au destin de son pays, le Burkina Faso, longtemps sous le joug d’un dictateur, Blaise Compaoré, irresponsable vis-à-vis de sa jeunesse. Abandonnée par son père, dans un pays trahi par son dirigeant : le fil était tout trouvé pour construire LEGS "suite", écrit en un mois, sous le coup d’une rage féconde. En 2014, alors que la comédienne suit, depuis la Suisse, l’insurrection de son peuple, qui finira par déloger Blaise Compaoré, elle trouve l’étincelle pour raconter sa propre histoire, guidée par le metteur en scène belge Philippe Laurent, avec qui elle a suivi des stages d’écriture aux Récréatrales de Ouagadougou. Elle plonge alors sa plume dans une introspection à la fois douloureuse et libératrice. C.Ma.


Edoxi Gnoula dans LEGS « suite », de et avec Edoxi Gnoula. Mise en scène de Philippe Laurent.

Un spectacle du Théâtre Océan Nord. Coproduction La Coop ASBL. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Service du théâtre, Shelterprod, Taxshelter.be, ING, Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge.

Création au Théâtre Océan Nord.

Anne Sylvain

Anne Sylvain est une des onze comédiennes transformistes de Ce qui arriva quand Nora quitta son mari de Christine Delmotte-Weber. Avec son visage androgyne et malléable, elle se prête à toutes les métamorphoses pour habiter le texte de Elfriede Jenilek où l’autrice autrichienne imagine une suite et une vie au personnage de la Maison de Poupée de Ibsen. Il lui suffit d’une fine moustache et d’un costume pour jouer un homme narquois et veule. Donnez-lui une chaise et elle se fait danseuse de cabaret à la féminité oblique. Pas besoin d'énormément d’artifices dans ses accessoires ou dans son jeu pour attirer la lumière par la force de son incarnation. Au Théâtre le Public, elle a présenté The Elephant Man, qu’elle a écrit en s’inspirant librement de la vie de Joseph Merrick, cet homme cultivé mais difforme, devenu une attraction de foire dans l’Angleterre victorienne. Elle y joue l’infirmière Eva Lückes, qui sous ses airs austères se montre profondément humaine et protectrice avec ce patient hors norme qui lui a été confié.

Dans Et des Poussières, de Michel Bellier, elle est Rosa, veuve fille et mère de mineur. Elle apparaît aussi dans le film Emma Peeters de Mona Chokri sous les traits de la mère d’Emma. Anne Sylvain est également chargée de cours à l’IAD d’où elle est sortie en 1993. G.B.


Anne Sylvain dans Ce qui arriva quand Nora quitta son mari, d’Elfriede Jelinek. Mise en scène de Christine Delmotte.

Un spectacle de la Cie Biloxi 48. Coproduction Théâtre en Liberté, La Coop ASBL, Shelter Prod. Avec le soutien de Tax Shelter.be, ING, du Tax Shelter du Gouvernement fédéral de Belgique et du Centre des Arts scéniques.

Création au Théâtre des Martyrs.

ET dans Elephant Man, d’Anne Sylvain. Mise en scène de Michel Kacenelenbogen.

Un spectacle du Théâtre Le Public. Avec le soutien du tax shelter de l’État fédéral belge via Belga Films Fund et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Création au Théâtre Le Public.

Cédric Juliens

Prix du meilleur espoir masculin en 2006-2007 pour Modèles vivants, Cédric Juliens retrouve, douze ans après, l'auteur et metteur en scène Régis Duqué, par ailleurs son ami de longue date, pour cette nomination. Comédien formé au Conservatoire de Bruxelles (classe de Pierre Laroche) et de Mons (classe de Frédéric Dussenne) après des études de lettres et de philosophie - et avant une licence en Études théâtrales à l'UCL -, Cédric Juliens est aussi metteur en scène et pédagogue, animant depuis vingt ans diverses formations en techniques d'acteur et recherches corporelles - recherches qui parfois sortent du cadre théâtral, d'ailleurs, pour l'univers des soignants notamment. Il enseigne également la dramaturgie et l'analyse de textes à Arts² à Mons. On le retrouve dans Les Voies sauvages, portant la parole et la pratique de l'alpiniste Dominique de Staercke. Corps, voix, regard habités par ces expériences de l'extrême. Il faut de l'humilité et de la précision, un professionnalisme aussi rigoureux qu'invisible pour porter ce récit entre quasi-poésie en vers libre et oralité brute, voire confidence. Cédric Juliens réussit avec brio - et une retenue de chaque instant - cet exercice de présence, cette mise en relief dans un dispositif qui évite toute illustration, toute figuration, pour se concentrer sur l'essentiel. M.Ba.


Cédric Juliens dans Les Voies sauvages, écrit et mis en scène par Régis Duqué, d’après les récits de Dominique de Staercke.

Un spectacle du Rideau de Bruxelles. Coproduction Poche - Genève. Avec le soutien de la Fondation Leenards.

Création au Rideau de Bruxelles.

Hervé Piron

Ironique et désenchanté, il est un des protagonistes de l’indissociable quatuor de cowboys sans chevaux de Desperado. Dans Crâne, de Antoine Laubin et Thomas Depryck, d’après le roman de Patrick Declerck, il est un des trois narrateurs qui déroulent le parcours clinique et chirurgical d’Alexandre Nacht, alter ego de l’auteur, contraint de se faire ouvrir la boîte crânienne pour en ôter une tumeur au cerveau. Le comédien endosse le deuxième acte où il raconte dans le détail les délicates étapes de l’opération de chirurgie éveillée. De ce moment de vérité, où le patient peut passer l’arme à gauche, il fait un moment d’introspection et d’humour sardonique qu’il raconte sans affect avec un détachement amusé devant cette organisation sans faille qui laisse peu de place à l’humain. Né en 1974, Hervé Piron a d’abord obtenu une licence en Sciences Politiques à l’ULB avant de se consacrer à des études d’interprétation à l’Insas. Homme de collectif, il a fait partie du groupe TOC et a participé à un projet avec Transquinquennal avant de créer le duo Énervé avec Eno Krojanker. Également membre du collectif Rien de Spécial, il rassemble les deux structures pour le spectacle Rater mieux rater encore qu’il a mis en scène. Tournant épisodiquement au cinéma, il a fait cette année une apparition dans le film Emma Peeters où il joue le psy de la jeune actrice suicidaire. G.B.


Hervé Piron dans Desperado, de Ton Kas et Willem De Wolf.

Un spectacle de Rien de Spécial ASBL et Tristero. Coproduction Rien de Spécial ASBL, Théâtre Varia, Théâtre de l’Ancre, Tristero, La Coop ASBL et Shelter Prod. Avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge.

Création au Théâtre Varia.

ET dans Crâne, d’Antoine Laubin d’après le roman éponyme de Patrick Declerck.

Un spectacle de De Facto. Coproduction Rideau de Bruxelles, La Coop ASBL en partenariat avec le Théâtre Varia. Avec le soutien de Shelterprod, Taxshelter.be, ING, Tax Shelter du gouvernement fédéral belge. Avec l’aide du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Service du Théâtre – CAPT.

Achille Ridolfi

Dans les deux rôles qu’il a tenus cette saison sur scène, Achille Ridolfi a adoré jouer les maîtres à penser, les gourous, les coachs. Et on peut dire que le charisme induit par ses personnages a fonctionné sur nous, public. Dans Propaganda!, il endosse le parcours d’Edward Bernays, le père de la propagande institutionnelle et industrielle, publicitaire pour l’industrie du tabac et inventeur de la république bananière. Dans une esthétique de talk-show télévisé, mécanique au final subtile créée par le metteur en scène, il se confond dans le discours de son personnage, à la fois détaché et manipulateur. Glaçant anti-héros ! Comme Jean-Sébastien Smart, le personnage de son seul en scène Anti-héros (tiens donc !) qu’il présentait quelques mois plus tôt dans la petite salle du Théâtre de la Toison d’Or. Ce coach d’acteur à la perruque et à la pédanterie risibles revient sur ses succès et ses échecs lors d’un spectacle-conférence qui devient rapidement une comédie proche du stand-up et complice avec son public. Avec ce premier texte, le comédien, fin et humain, faisait un sacré clin d’œil à lui-même. Car point derrière le rire le parcours d’un acteur qui a enchaîné quelques castings pitoyables, révélant les coulisses peu reluisantes du cinéma. Les planches, elles, n’ont jamais trahi celui qui a joué sous la direction de Michel Dezoteux, de Mariano Pensotti, de Selma Alaoui et Pauline d’Ollone, entre autres. Lauréat du Magritte du meilleur espoir masculin pour son rôle dans Au nom du fils de Vincent Lannoo en 2014, Achille Ridolfi pourrait en septembre ajouter un nouveau prix à sa collection. N.N.


Dans Propaganda!, de Vincent Hennebicq

Un spectacle de la Cie Popi Jones. Coproduction Théâtre Les Tanneurs, La Coop ASBL, Shelter Prod, Théâtre National Wallonie-Bruxelles. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles Service du Théâtre (CAPT), taxshelter.be, ING & tax-shelter du gouvernement fédéral belge.

Création au Théâtre Les Tanneurs.


Et dans Anti-héros, d’Achille Ridolfi.

Mise en scène de Nathalie Uffner.

Un spectacle du Théâtre de la Toison d’or.

Création au Théâtre de la Toison d’or.

Salomé Crickx

Dans la petite salle du théâtre des Martyrs, elle accueille les spectateurs en les invitant à s’asseoir sur des chaises alignées contre le mur comme à une assemblée de travailleurs. C’est le début de Lutte des classes, adaptation théâtrale du roman de Ascanio Celestini qu’elle joue et met en scène avec Iacopo Bruno. Elle est Marinella, employée d’un call center romain qui a décidé avec ses camarades de se mettre en grève pour protester contre leurs conditions de travail précaires. Dans ce spectacle participatif où elle raconte plus qu’elle n’interprète, elle dialogue, elle chante et elle harangue avec l’intensité rayonnante de sa jeunesse. Née en 1993, Salomé Crickx a étudié au conservatoire de Mons d’où elle est sortie en 2016. La même année, elle intègre la distribution de Crever d’amour d'Axel Cornil. Elle interprète Ismène, intense et indignée, dans cette variation sur Antigone transposée dans un pays d’Afrique en proie à la guerre civile. Ensuite, toujours sous la direction de Frédéric Dussenne, on l’a vue dans Les Femmes savantes de Molière incarnant une Henriette, la fille cadette de Trissotin, intuitive et lumineuse. G.B


Salomé Crickx dans Lutte des classes d'Ascanio Celestini. Mise en scène de Iacopo Bruno et Salomé Crickx.

Coproduction Mars – Mons Arts de la Scène et Théâtre des Martyrs.

Création à Mars – Mons Arts de la Scène.

Sarah Grin

Quand Sarah Grin débarque à Bruxelles de son Bordeaux natal, c’est pour intégrer à 22 ans l’Insas avec, sous le bras, une formation musicale et théâtrale entretenue depuis le plus jeune âge. Élève de Dominique Grosjean, Martine Wijckaert et Michel Dezoteux, entre autres, elle sort diplômée de l’école bruxelloise en 2015 et ne tarde pas à collaborer à divers projets : Zone protégée d’Aymeric Trionfo créé aux Tanneurs en 2016, Mouton noir de Clément Thirion en 2018 à l’Atelier théâtre Jean Vilar. Armel Roussel, lui aussi l’un de ses anciens professeurs, l’intègre dans le collectif dynamique d’Eddy Merckx a marché sur la lune, un texte de Jean-Marie Piemme. Mais c’est dans l’audacieuse mise en scène d’Héloïse Jadoul que la jeune comédienne s’est révélée à nos yeux. Dans Partage de Midi, sulfureuse pièce amoureuse de Paul Claudel, elle interprète Ysé, la femme de tous les désirs. Poursuivie par trois hommes, aux trois temporalités différentes (son passé avec son mari, son présent avec son amant et ce qui pourrait être son futur avec l’homme qui lui résiste), elle leur répond de son cynisme, de son désir et de sa passion avec une aisance qui n’est jamais gagnée avec le verbe riche et enflammé de l’auteur français. Une performance bluffante dans une mise en scène qui ne manquait pas de sublimer son casting. Un premier grand rôle pour celle que l’écriture titille également. N.N.


Sarah Grin dans Partage de Midi, de Paul Claudel. Mise en scène d’Héloïse Jadoul.

Coproduction du Théâtre de la Vie, du Théâtre Océan Nord et de La Coop ASBL. Avec le soutien du Théâtre La Balsamine, du Bamp et de la compagnie La Servante. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Création au Théâtre de la Vie.

Cécile Maidon

Cécile Maidon fait partie de ces nombreux Françai(se)s qui se sont cherché(e)s, en France (dans son cas, Toulouse) puis en Belgique (au Conservatoire de Liège). Repérée par Fabrice Murgia, elle participe aux Enfants de Jehovah puis à Ma peur de n’être. Elle pratique le théâtre jeune public, le théâtre de marionnettes, le cinéma et d’intéressantes expériences avec la création d’art marginale comme Les Loups de Jean Le Pelletier. Et puis Thibaut Wenger, qui aime les sujets "hard" et "noir"» décide de monter un texte "casse gueule", Penthésilée de Kleist, réputé injouable dès sa création, et s’entoure d’une vingtaine de jeunes acteurs pour la plupart en "première expérience" professionnelle. Mais pour le rôle central, la Reine des Amazones, Penthésilée il choisit une actrice expérimentée mais qui n’a jamais porté de "premier rôle", Cécile Maidon. Un quitte ou double puisqu’il faut "tenir le coup" dans cette pièce excessive du romantisme allemand qui, dans une langue difficile, déborde de personnages désordonnés aux actions contradictoires à commencer par Penthésilée. Reine des Amazones, une peuplade qui refuse les hommes sauf pour la reproduction forcée, gardienne de cette loi, elle a la fantaisie de s’éprendre vraiment d’un héros mythologique, Achille puis de le dévorer pour résoudre ses contradictions. Un rôle pas facile, très physique, avec des affrontements guerriers et verbaux, un chœur de femmes déchaînées et un final anthropophage.

Cécile Maidon y développe un jeu énergique mais pas emphatique, chorégraphie son corps avec un mélange de charme féminin et de force virile et énonce ces folies romantiques du langage avec une rage bien contrôlée. Bref un "premier rôle" convaincant qui devrait lui en offrir d’autres. CJ


Cécile Maidon dans Penthésilée, d’Heinrich von Kleist. Mise en scène de Thibaut Wenger.

Un spectacle de Premiers Actes. Coproduction Théâtre Océan Nord, la Coop ASBL. Avec le soutien de la Cocof – Fonds d’acteurs, Shelterprod, Tax Shelter du gouvernement fédéral belge, Centre des Arts scéniques, Spedidam.

Création au Théâtre Océan Nord. 

Ferdinand Despy

On pourrait le qualifier d’acteur "durassien" de l’année ! En effet, hasard ou pas, on a pu voir Ferdinand Despy dans deux spectacles dédiés à cette figure mythique du paysage culturel français. Avec le collectif What If ?, il a été partie prenante - écriture et interprétation - de "La traversée du désir". Inspirée par les romans de Duras, cette création originale explorait les traces et les réminiscences de l’expérience amoureuse.

Mais c’est surtout dans un autre hommage à l’autrice que le talent du jeune comédien a marqué les mémoires : Marguerite Duras. La metteuse en scène Isabelle Gyselinx y brosse un portrait sans fards, d’ombres et de lumières, à travers des moments forts de la vie et de l’œuvre. Ferdinand Despy parvient à s’approprier de manière saisissante les personnages qu’il incarne, jusque dans la ressemblance physique. Dans une belle scène de bain, il est l’amant chinois de l’adolescente de 15 ans, élégant et sensuel, baignant dans la fumée de sa cigarette. Plus loin, il se transforme en Yann Andrea, dernier compagnon de Duras, de 38 ans son aîné. Métamorphose stupéfiante : Ferdinand Despy y retrouve les expressions du visage et les intonations du dandy homosexuel fasciné par son amante.

Issu du Conservatoire de Liège en 2016, Ferdinand Despy a aussi été assistant à la mise en scène sur le spectacle J’abandonne une partie de moi que j’adapte aux côtés de Justine Lequette, découverte coup de cœur de la saison dernière. Parions qu’il fait partie de ces jeunes passionnés qui vivent le théâtre de toutes les manières possibles. D.M.


Ferdinand Despy dans Marguerite Duras, d’Isabelle Gyselinx.

Un spectacle de Paf le chien. Coproduction Théâtre de Liège, DC&J. Avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement fédéral de Belgique et de Inver Tax Shelter Aides Fédération Wallonie-Bruxelles – Service Théâtre, du Théâtre Océan Nord et de La Chaufferie Acte 1.

Création au Théâtre de Liège.

Pierre Gervais

Une maison qui traverse les années, un lieu qui transcende les millénaires. Et un petit garçon qui surgit, il court sur tout le plateau comme un chien fou, s’arrête il semble jouer à cache-cache. Il est un des fantômes de Ce qui arrive de Coline Struyf, spectacle à la contrainte folle, celle de ne pas bouger son angle de vue et de traverser les siècles, dans le désordre, pour nous raconter l’histoire d’un lieu. Dans cette histoire où les personnages ne font que passer, il fallait pourtant des présences. Pierre Gervais est une de celles-là, apportant jeunesse et fougue à un projet dont le héros est un intérieur. Il joue le cadet, le petit frère. Le retrouve-t-on à d’autres âges ou est-ce un autre ? C’est tout le mystère de la pièce. Ce n’était pas la première fois que l’on croisait l’acteur. Son flow, on l’a apprécié dans Mal de Crâne, créé en 2017, spectacle en spoken word de Louise Emö qui faisait rimer Hamlet et Eminem. Ici aussi il fallait déployer une belle énergie et le charisme pour nous emporter dans le désordre des mots. Les mots, le jeune comédien les aime et les manipule à la perfection comme dans cette fiction radiophonique, Barrée de Laurence Vielle, créée au Festival off d’Avignon 2018. Il sait aussi faire parler son corps, en sportif dans l’attente dans Faux Départ, comédie chorégraphiée d’Ingrid von Wantoch-Rekowski, vue au Festival XS du Théâtre National. Corps et mots, mots et corps, Pierre Gervais sait jouer des deux, et ce n’est que le début, l’écriture titillant le jeune homme. Promesse en confirmation… N.N.


Pierre Gervais dans Ce qui arrive, de Coline Struyf, d’après le roman graphique Ici de Richard McGuire.

Un spectacle de Mariedl. Coproduction Mars – Mons Arts de la Scène, Théâtre de Liège, Théâtre Varia, Théâtre de Namur, Atelier Théâtre Jean Vilar, La Coop ASBL et Shelter Prod. Avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge, de MoDul ASBL. Avec l’aide de la Fédération Wallonie Bruxelles-Service du théâtre.

Création à Mars - Mons Arts de la Scène.

Thomas Mustin

Les fans de Mustii, le chanteur à la voix sensible, proche de Bowie, révélation de l’année aux D6bels Music Awards, savent-ils que leur idole est un comédien diplômé de l’IAD ? Après ses débuts au théâtre, la télévision et le cinéma ont aussi découvert son talent, et il a reçu cette année le Magritte du meilleur espoir masculin. Le metteur en scène Emmanuel Dekoninck s’est-il souvenu que Thomas Mustin avait déjà campé un personnage shakespearien, Benvolio, l’ami de Roméo, sous la direction d’Yves Beaunesne? Toujours est-il qu’il a eu l’excellente idée de lui confier le rôle-titre de son Hamlet. Un choix d’autant plus judicieux qu’il s’agissait d’un projet hybride, où la musique et la danse étaient intégrées à la narration. Thomas Mustin/Mustii pouvait donc y déployer tous ses talents. Il incarne avec une fraîcheur et une fougue formidables une jeunesse en perte de sens. Rappelé d’urgence à Elseneur suite au décès du roi son père, le prince Hamlet découvre que celui-ci a été assassiné par Claudius qui occupe à présent le trône et a, de plus, épousé sa mère veuve. Comment ne pas se révolter contre un monde où triomphent le crime, le mensonge et le goût morbide du pouvoir ? Où se sont effondrés les repères moraux et les idéaux ? Thomas Mustin habite intensément le plateau de sa présence, de sa voix et de son charisme. D.M.


Thomas Mustin dans Hamlet, de William Shakespeare. Mise en scène et adaptation d’Emmanuel Dekoninck.

Un spectacle des Gens de Bonne Compagnie, de l’Atelier Théâtre Jean Vilar et de DC&J Création. Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Direction du Théâtre, de la Marlagne, du Tax Shelter du Gouvernement belge et d’Inver Tax Shelter. Avec le Wolubilis, le Centre culturel de Nivelles et la Maison de la Culture Famenne-Ardenne.

Création à l’Atelier Théâtre Jean Vilar. 

Collectif Greta Koetz

Dans un jardin aux allures de terrain vague, on prépare le retour au bercail de Marie. Il y a là ses frères, Antoine, l’aîné, et Fritz, le gamin, ainsi que Nicolas l’ami de toujours qui lui écrivait de (trop) longs poèmes. C’est lui qui rappelle au jeune Fritz le sens de leur répétition: «Bon, on essaie d’être à un endroit indécidable, entre la blague et le sacré, et on voit si on arrive à toucher quelque chose.» Rien que pour cette phrase, le Collectif Greta Koetz mérite de figurer au panthéon des auteurs. Mêlant références bibliques, cinématographiques, musicales, picturales, la petite bande réussit une nouvelle fois à nous faire rire énormément tout en allant gratter là où ça démange, du côté du mal de vivre et de la mélancolie. Derrière l’apparence foutraque de la scène et de l’histoire, on découvre un récit parfaitement maîtrisé et capable d’évoquer les Monty Pythons autant que la Cerisaie de Tchekhov. Ils osent tout, du scatologique au gore, de la blague sur le crucifix à des harmonies vocales envoûtantes, du rêve merdique au vomi dans un casque de motard, de la musique live à la Vierge saluant comme la Reine Fabiola, de la bonne grosse blague à l’éruption soudaine de l’émotion et du désarroi. Avec, toujours, un texte qui colle tellement à chacun des personnages qu’on le dirait improvisé sur le moment… Ils osent tout et ça fait un bien fou. J.M.W.


Pour Le Jardin

Créé aux Tanneurs.

Mise en scène Thomas Dubot. Jeu Marie Alié, Sami Dubot, Antoine Herbulot, Nicolas Payet, Léa Romagny Écriture Marie Alié, Sami Dubot, Thomas Dubot, Antoine Herbulot, Nicolas Payet, Léa Romagny Création musicale Sami Dubot Création lumière et régie générale Nicolas Marty Création sonore et régie son Florent Arsac Création costumes Rita Belova Marionnettes/charognes Alexandre Vignaud. 

Production Collectif Greta Koetz Coproduction Théâtre des Tanneurs, Mons-Arts de la scène, Les Halles de Schaerbeek Administration Jenifer Rodriguez Diffusion Prémisses Production

Reprise les 10 et 11 novembre au Théâtre National.

Sanctuaire sauvage

Le cirque contemporain s’intéresse décidément à tous les territoires. C’est une très belle intuition qui a amené le jeune Collectif Rafale à la création de Sanctuaire sauvage. Depuis l’enfance, Sonia et Cécile Massou pratiquent toutes deux un art très visuel: l’une le cirque, l’autre les arts plastiques. Leur papa, aveugle, est toujours présent à leurs spectacles ou expositions. Il «sent», dit-il, la salle vibrer, les autres visiteurs s’exclamer. Cette fois, ses filles ont souhaité faire «voir» le cirque autrement. Par le son? Par les odeurs? Par le souffle créé par le geste? Complété par les circassiens Julien Pierrot et Thibaut Lezervant, le collectif a entamé un passionnant laboratoire où tout vise à donner à voir par d’autres sens que la vue. Sanctuaire sauvage, avec son titre riche qui répond joliment à la profondeur du propos, n’est toutefois pas destiné aux seuls aveugles ou mal-voyants. Tous les spectateurs sont invités à réexplorer la façon dont ils perçoivent habituellement un spectacle, grâce à un dispositif original et immersif. On se réunit sur un gradin circulaire, toujours très proche de la petite scène centrale, et l’on sort toutes ses antennes. On sent les vibrations des interprètes qui courent derrière nous ou nous frôlent, on sent le vent de leurs gestes. Derrière un voile de plastique léger, on scrute des silhouettes acrobatiques comme à travers un brouillard. On entend résonner les bruits de la pluie tandis que l’équipe joue à déverser du gravier sur des tôles. La jonglerie se complète de capteurs sonores. Et l’on «voit» tous autrement. Une superbe «réalisation technique et artistique», qui invite le cirque sur de réjouissants territoires. L.A.


Créé au Théâtre Varia


De & Avec Julien Pierrot, Thibaut Lezervant & Sonia Massou

Scénographie & Dramaturgie Cécile Massou Mise en scène Collectif Rafale Lumières Anaïs Ruales Dispositifs sonores Victor Praud Regards extérieurs Jérémy David & Daniel Schmitz Régie Julien Pierrot, Cécile Massou, Jérémy David Production Sarah Simili

Une création du Collectif Rafale coréalisée avec l’Espace Catastrophe. Coproduction et compagnonnage Espace Catastrophe - Centre International de Création des Arts du Cirque [BE]. Coproduction et résidence de création Maison de la Culture de Tournai [BE] et Latitude 50 - pôle arts du cirque et de la rue [BE]. Résidences de création CIRCa - Pôle National Cirque [FR], Espace Périphérique - Paris La Villette [FR], La Grainerie - Fabrique des arts du cirque et de l’itinérance [FR], CIAM - Centre International des Arts en Mouvement [FR], Miramiro [BE], CCBW - Centre culturel du Brabant wallon [BE], Circuscentrum [BE], Le Stampia - les Baladins du Miroir [BE], Centre culturel de Perwez [BE], Centre culturel de Beauraing [BE], TENT Circustheater productie [NL], Station Circus [CH] et Kulturzentrum Tollhaus Karlsruhe [DE]. Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Service du Cirque, des Arts forains & de la Rue [BE] & circusnext [EU]. Avec le soutien de AVH Toulouse - Association Valentin Haüy [FR].

FrankensteinJan Christoph Gockel est un metteur en scène allemand. En compagnie de son complice Michael Pietsch, facteur et manipulateur de marionnettes, il adapte au théâtre une œuvre mythique de la littérature anglaise, Frankenstein ou le Prométhée moderne. Contrairement à ce que nous pouvons lire chez Mary Shelley, la créature qui prend vie sur le plateau n’est pas composée de morceaux de squelette. Dans ce spectacle, le monstre de Frankenstein est une marionnette de six mètres de haut, composée d’objets de récupération. Plusieurs collectes ont été réalisées auprès du public à Bruxelles. Livres pour enfant, montres, toiles de maître, chaque objet est porteur d’une histoire intime, celle de son ancien propriétaire. Frankenstein s’inspire donc du mythe, mais c’est l’histoire d’une communauté qui est racontée.

Entouré par les acteurs, les objets et les marionnettes, Anton Berman joue en live la musique du spectacle. Le compositeur voyage d’un clavier à l’autre. La sonorité frêle d’un piano jouet tranche avec les basses profondes d’un synthé et nous plonge dans les instants les plus sombres de la pièce. Sur le plateau, la créature mise en mouvement par des câbles, découvre une série d’objets néfastes à l’arrière de son crâne. Certains d’entre eux évoquent la pédophilie en Belgique, d’autres renvoient au nationalisme en Allemagne. C’est pourquoi Frankenstein veut se débarrasser de sa créature et qu’une confrontation va naître entre les acteurs sur le plateau est cette marionnette de six mètres de haut. 

F.C. 

Créé au Théâtre National.

Écriture et mise en scène Jan Christoph Gockel d’après Mary Shelley Scénographie Julia Kurzweg Créateur marionnettes & marionnettiste Michael Pietsch Création Costumes Emilie Jonet Création son & musicien Anton Berman Créateur lumière Jean-Jacques Deneumoustier. 

Coproduction Théâtre de Namur, Tandem scène nationale, le Manège Maubeuge, Shelter Prod.

Le Livre de la jungle

Revisiter un classique avec élégance n'est déjà pas chose aisée. Alors réussir une œuvre scénique tout public en s'appuyant sur la notoriété d'un tube du dessin animé mais sans s'accrocher aux gimmicks de ce dernier, c'est un véritable défi. Avec des vrais morceaux de Thierry Debroux dedans (son adaptation de Rudyard Kipling emprunte des détours vers sa propre enfance et la naissance, à travers cette œuvre justement, de son goût pour le théâtre) et l'allant de Daphné D'Heur à la mise en scène, Le Livre de la jungle, version Théâtre royal du Parc, se la joue comédie musicale assumée, dont Philippe Tasquin (qui par ailleurs campe un Kaa cocasse et décalé) signe les compositions et les arrangements. Élégante, efficace, la musique évite toute trop grande proximité avec les airs connus, contribuant ainsi à détacher l’ensemble de la référence Disney (hormis le clin d'œil - l'un des rares - de Mowgli, le petit d'homme culotté de rouge et le cheveu rebelle) pour gagner sa propre identité, tant sonore que visuelle.Or en matière d’images, le Parc sait rassembler les talents. Scénographie (Catherine Cosme), vidéos (Allan Beurms) et lumières (Philippe Catalano) sculptent un écrin poétique et changeant pour les aventures qui s’y jouent, habilement costumées (Chandra Vellut) et masquées (Geneviève Périat)..Ainsi se succèdent et se croisent, sur le plateau, au gré des tableaux, une institutrice, un mentor, une louve maternelle, un serpent sournois et farceur, un ours bonhomme et taquin... Une foule de figures et leurs interactions pour souligner - avec gaîté et émotion - combien toute vie se construit des rencontres qui la jalonnent. Entre bienveillance et obstacles, entre doutes et convictions, entre chagrins et allégresse. Emblématique du théâtre aussi bien, le message du spectacle se colore de toutes les disciplines combinées pour en faire une proposition résolument transgénérationnelle. 

M.B.

Créé au Théâtre royal du Parc.

AdaptationThierry Debroux d’après Rudyard Kipling Mise en scène Thierry Debroux et Daphné D’Heur

Musique Philippe Tasquin Scénographie Catherine Cosme Masques et maquillages Geneviève Périat et Florence Jasselette Costumes Chandra Vellut Lumières Philippe Catalano Vidéos Allan Beurms Son Marco Gudanski Choeurs Pierre Bodson Chorégraphies Antoine Guillaume Décors Aline Claus et Isis Hauben Travail corporel Isabelle Beirens.

Chambarde

C’est un objet théâtral curieux, entre peinture mouvante, performance et opéra. Une sorte de défi au " bon sens " réaliste et un manifeste pour l’abstraction au théâtre. Casse-gueule ? Oui mais ça tient la route. Tellement beau qu’on en redemande… si on entre dans ce jeu de lenteur très calculée où il n’y a pas de place pour l’improvisation. Étonnante performance d’une planche en équilibre instable qui vous accroche accumulant les sens, ou pas. La scène du balcon de Roméo et Juliette de Shakespeare est bien là mais ‘déstructurée’, portant non pas sur l’amour mais sur la relativité du nom de Roméo. Nicolas Mouzet Tagawa veut ’chambarder’, renverser l’équilibre, non pas social ou politique du monde (ou alors comme métaphore), mais les habitudes de la convention théâtrale qui placent l’acteur au centre et la scénographie à son service. Ici renversement paradoxal puisque les deux acteurs (Nicolas Pastouraux, Jean-Baptiste Polge) et deux actrices (Claire Rappin et Eline Schumacher) acceptent d’être des ‘ombres’, porteuses de voix, dans un beau tableau. alors que le décor mouvant devient le principal acteur, créant l’action, l’orientant, lui donnant son rythme par une création musicale insinuante, pleine de références savantes et populaires, comme les textes.

Nicolas Mouzet Tagawa a été éducateur d’enfants autistes et ça nous rappelle le fameux Regard du Sourd de Robert Wilson (dans les années70 !) ou une atmosphère à la Maeterlinck, un clair-obscur angoissant. On le sent doué pour le théâtre comme pour l’opéra. À suivre, comme on dit. 

C.J.

Créé au Théâtre les Tanneurs.

Conception et mise en scène Nicolas Mouzet Tagawa Assistant à la mise en scène Victor Rachet Scénographie Matthieu Ferry et Nicolas Mouzet Tagawa Interprétation Nicolas Patouraux, Jean-Baptiste Polge, Claire Rappin et Eline Schumacher Lumière et son Matthieu Ferry assisté d’Octavie Piéron Costumes Rita Belova Dramaturgie et peinture Sébastien Monfè Diapositives Alexia Goryn Catering Anne-Marie Tagawa Direction de production Leila Di Gregorio

Production Little Big Horn asbl Coproduction Théâtre Les Tanneurs, Centre Culturel André Malraux - Scène Nationale de Vandoeuvrelès-Nancy et La Coop asbl.

Métamorphoses

Le long poème foisonnant d’Ovide n’a, a priori, rien de théâtral. La métamorphose que produit Pascal Crochet sur le texte en fait un poème scénique et un fascinant objet théâtral qui voyage entre la pensée antique et contemporaine. Satu Peltoniemi, avec qui le metteur en scène collabore pour la quatrième fois, a signé la scénographie et les costumes. Mais l’habillage scénique est une œuvre collective où intervient le travail des lumières de Florence Richard comme le son de Raymond Delepierre. Les neuf comédiens forment une collectivité de scientifiques ou de survivants d’une apocalypse qui évoluent comme des campeurs dans un paysage dévasté où subsistent des traces de nature. Le fond de la scène est occupé par une forêt d’arbres factices faite de planches plantées dans un large bac de terre. À l’avant-plan sur le côté, il y a un cabanon assemblé de bric et de broc avec de matériaux de récup. Une table de camping sommaire, des assiettes en plastique, des chaises viennent compléter ce dispositif. On ne sait pas trop à quoi s’occupent ces âmes en friche sur le plateau, mais ce qu’on sait, ce que l’en ressent, c’est qu’ils sont en osmose avec ce décor dont ils ont fait un grand laboratoire de la transformation des choses et des êtres. Grâce à un livre tombé du ciel dans un aquarium, la pensée du philosophe latin dialogue et s'enchâsse avec celle de nos contemporains. En faisant résonner ces textes tantôt littéraires et poétiques, tantôt philosophiques ou scientifiques, Pascal Crochet nous offre un théâtre visuel où les mots se transforment en images. 

G.B.

Créé au Théâtre des Martyrs.

Adaptation et mise en scène Pascal Crochet d’après Ovide Scénographie Satu Peltoniemi

Un tailleur pour dames

Thibaut de Coster et Charly Kleinermann, c’est l’histoire d’un tandem qui existe depuis plus de dix ans. Amis d’enfance, l’un est scénographe, l’autre est décorateur d’intérieur. Ils travaillent de concert à la confection des costumes et à la réalisation des décors. Dans Tailleur pour dames, Georges Lini réinvente le théâtre de Feydeau mais le tour de force vient du décor. Georges Lini imagine une entrave. Il place ses acteurs sur un immense plan incliné. La structure s’élève au fil de la pièce rendant le plateau du théâtre escarpé, voire impraticable pour les comédiens qui apparaissent et disparaissent dans des trappes aménagées au sol. Chacune des portes pèse près de 35 kg. La difficulté du plateau pousse les acteurs dans leurs retranchements. Le jeu est physique. On retrouve les maris trompeurs, les portes qui claquent et les quiproquos en cascade. L’art du vaudeville est respecté mais c’est équipé de cordes d’escalade que les personnages de Feydeau finiront par se cramponner au décor comme à leurs certitudes.

Le dispositif scénique conçu par Thibaut de Coster et Charly Kleinermann transforme les acteurs en véritables funambules. Sur le plan incliné, on remarque Stéphan Fénocchi dans le rôle du jeune perdreau volage, Michel Gautier dans celui du domestique, Isabelle Defossé, France Bastoen, Marie-Paule Kumps, Thierry Janssen, Louise Jacob et Eric de Staerck, aérien en mari trompé.

F.C.

Créé au Théâtre Royal du Parc.

Texte Georges Feydeau Mise en scène Georges Lini (Compagnie Belle de Nuit) Scénographie et Costumes Thibaut de Coster et Charly Kleinermann

BugL'idée brillante de la version de Bug de Tracy Letts mise en scène par Aurore Fattier (également nominé dans la catégorie comédienne pour la prestation de Catherine Grosjean) est de transposer l'action de cette pièce créée à Londres en 1996 et se déroulant dans un motel aux Etats-Unis, à Bruxelles aujourd'hui. Et plus particulièrement dans la Cité Modèle à Laeken, ensemble moderniste de logements sociaux pensé par le Belge Fernand Brunfaut. La scénographie ingénieuse de Sabine Theunissen, sortie de La Cambre, collaboratrice récurrente de l'artiste sud-africain William Kentridge et également active à l'opéra, s'inscrit dans la lignée de cette architecture particulière. Combinant des modules mobiles et des surfaces servant d'écrans pour les projections, le décor complexe réalisé par les Ateliers du Théâtre de Liège permet de passer avec aisance du dehors au dedans, du visible au caché, du public à l'intime, du direct à l'enregistré et du réel à l'imaginé, tout en intégrant un quatuor de musiciens classiques. Pour finir dans une plongée sanglante au plus profond de la paranoïa. 

E.S. 

Créé au Théâtre Varia.

Texte Tracey Letts Mise en scène Aurore Fattier Scénographie Sabine Theunissen

Quelques rêves oubliés

La Française Camille Panza, formée à l’Insas, a été accueillie au Japon par Oriza Hirata lui-même, auteur et directeur de théâtre. Un cadeau dont la jeune metteuse en scène s’est emparée avec une passion contagieuse. Jouer un texte japonais… en français… au Japon, où la pièce fut créée, c’est une sorte d’exotisme… à l’envers, réjouissant.

Le thème central, l’humain fragile, perdu au sein d’un univers superbe et menaçant, est parfaitement saisi par les lumières, aléatoires, les sons, facteurs de trouble, et le décor mouvant, déstabilisant. Il est certes question de mariage, dérisoire, d’amour, pomme mythologique, de géologie : la terre est un champ archéologique permanent où le passé lointain surgit comme un champ d’os. Et surtout les astres en fusion parlent par des jets de lumière agressive, le ciel étoilé est une mythologie des planètes lointaines, entre Orion et Scorpion.

Les trois acteurs soumis à ce bombardement scénographique ont bien du mérite à survivre, surtout à la fin, où la force de l’univers sonore et visuel les emporte : mais c’est le mérite de Gwen Berrou d’aimer les aventures scéniques. Ici elle fait front, avec son humour naturel et sa fausse désinvolture. Aurélien Dubreuil-Lachaud et Pauline Gillet Chassanne, sont prometteurs, tout comme une remarquable jeune équipe artistique et technique, de moins de 30 ans, issue de l’Insas (comme Camille Panza): Marie Laetitia Cianfarini, Léonard Cornevin, et Noam Rzewski, déjà remarqué deux fois pour ses créations sonores par les Prix de la critique: un récidiviste ! Ils réalisent avec brio le rêve, réussi, de Camille Panza.
C.J.

Créé en français au Japon, au Théâtre Komaba Agora, Tokyo. Création belge au 140, Bruxelles.

Texte Oriza Hirata Mise en scène Camille Panza. 

Pater

Quand elle paraît, en survêt', baskets et la coupe au carré sagement maintenue par une barrette, elle a dix, douze ans, peut-être quartorze. Une grande enfant qui, à l'homme qui l'accompagne sur le plateau, offre une démonstration de danse. Avec ce regard fier qui cherche la fierté en miroir. 

Ce soir-là, aux côtés de Barbara Sylvain, il y a Jean-Luc, 67 ans. Comme ceux qui l'ont précédé et ceux qui le suivront, il a répondu à l'annonce de l'actrice cherchant, pour l'accompagner dans cet exercice pas banal, un homme de 65 à 75 ans, surtout pas comédien. Il est arrivé peu avant la représentation ; ils ont passé une heure à traverser le spectacle, puis partagé un repas. Et les voici, elle le guidant, lui lui offrant une présence en réponse à A., “comme Absent, comme Ailleurs”. 

Ce soir-là donc, Jean-Luc incarnera le père, objet et sujet de ce Pater composé autour d'un lien effiloché et marqué par l'oubli. “J'avais 14 ans. Il est parti en emportant toutes les photos de famille. J'ai comme un bras qui me manque.” Les mots de Barbara Sylvain, tantôt prononcés, tantôt écrits, guident le regard et l'écoute : une quête intime aux échos universels. Car, si l'abandon est l'exception, les failles relient toutes les familles.

Conceptrice, autrice et interprète, l'actrice a forgé cette création avec la complicité, entre autres, de Lula Béry, de Marie Henry pour la dramaturgie, de Valère Le Dourner à la scénographie... Si la Cie Oh my god n'en est pas à son coup d'essai (on se souvient notamment du délicieux It's so nice, en duo avec Lula Béry), Barbara Sylvain signe ici un projet scénique d'une singularité rare, farci d'audaces et de pudeur, de métaphores et d'obstination, vibrant autour du creux, du vide, du manque. Et plein de la vie bâtie sur lui, avec lui, malgré lui.
M.B.

Créé au Centre culturel Les Riches-Claires

Écriture et mise en scène Barbara Sylvain (Oh my god)

J'abandonne une partie de moi que j'adapte

Le bonheur, il est fragile, il sait se faire discret. On peut courir derrière et passer à côté. En 1960, dans le film documentaire Travaillé collectivement avec ses quatre formidables comédiens, J’abandonne une partie de moi que j’adapte a été initialement présenté à l’Esact en Solo/Carte blanche. 

Plongé dans les années 60, on passe des séquences filmées à leurs prolongations scéniques avec une légèreté survoltée et une aisance naturelle. La scénographie qui joue avec des éléments de décor sur roulettes permet aux comédiens de glisser avec fluidité d’une scène et d’un personnage à l’autre. Les vêtements, la coiffure et la dégaine des acteurs laissent pointer une nostalgie attendrie, mais jamais béate, pour cette époque de liberté, du moins dans les idées qui annoncent mai 68. 

Si le quotidien des ouvriers, étudiants et cadres moyens interrogés par Rouch et Morin se montre morne et gris, le nôtre se dévoile glaçant dans la deuxième partie contemporaine avec le discours d’un leader vantant les vertus du travail émietté. Plein de vraies questions politiques, philosophiques et sociales, ce spectacle distille une joie et une urgence communicatives, qui après la pirouette finale, se révèlent plus que jamais nécessaires.
G.B.

Créé au Théâtre National

Mise en scène Justine Lequette Écriture collective

David-Minor Ilunga

Dans Délestage, l'auteur et comédien David Minor Ilunga incarne seul une série de personnages qui dressent le tableau, entre envie de là-bas et besoin d'ici, d'une pérégrination, aussi lucide que dérisoire, entre Afrique et Europe. David Minor Ilunga, parle de son pays, des blancs qui y sont pour faire du business ou de l'humanitaire, mais aussi de l'Europe et de la Belgique en particulier de ses rapports avec l'ancienne colonie.

Né à Kinshasa, il y a à peine 30 ans, David Minor Ilunga est tombé dans le théâtre dès l’adolescence depuis, il s'est déjà construit une carrière qui force le respect. Il a joué dans plusieurs pièces, entre autres Amours Bunkers dont il est l’auteur, Musika d’Aristide Tarnagda et Gentil petit chien de Hakim Bah, Cyrano de Kinshasa (d’après Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand), adaptation et mise en scène d’Israël Tshipamba.

Il s’affirme en tant qu’auteur au sein du Tarmac des Auteurs qui organise notamment  le festival « Ça se passe à Kin » et il participe à des événements comme les « Ateliers de la Pensée » à Dakar et « Les Récréâtrales » à Ouagadougou. Il a aussi écrit Einsteinnette (dans le recueil Théâtre congolais contemporain, Lansman 2011), La nuit des trois morts, La Barrière et d’autres pièces inédites.

La pièce Délestage a été présélectionnée lors du Prix Théâtre RFI théâtre 2017 et présentée au Poche en 2017 et au Tarmac à Paris mi-mars 2018.
D.B.


Délestage de et avec David-Minor Ilunga Mise en scène de Roland Mahauden Créé au Théâtre de Poche. 

Coproduction le Théâtre de Poche, Le Tarmac (Paris), La Charge du Rhinocéros et les Récréâtrales (Ouagadougou).

Laurence Vielle

Rien de plus ni moins que le titre de poétesse nationale. Laurence Vielle a tenu ce rôle en 2016, distinction (et responsabilité?) attribuée en alternance à un francophone et un néerlandophone. Qui de mieux que la fille d’un Suisse (État multilingue lui aussi) et d’une Flamande pour porter la voix d’un peuple qui ne l’est pas vraiment? 

On la connaissait comédienne, elle s’est affirmée autrice de premier plan : en poésie surtout, mais elle ne délaisse jamais le théâtre. Parmi ses faits d’armes majeurs sur scène, on se souvient d’un intense Sainte dans l’incendie de Laurent Fréchuret. Elle va et vient, Laurence Vielle, entre les disciplines. Prenons pour preuve encore Burning, son texte sur le burn out composé pour la performance circassienne de Julien Fournier. De sa plume, elle transforme de troublants témoignages de cette dépression contemporaine en une partition pour l’artiste qui s’exécute sur le plateau. Elle jongle avec les statistiques effarantes de ce phénomène et les projette dans nos oreilles de sa voix rugueuse et dans une rythmique tantôt oppressante tantôt onomatopéique, à mesure que le plateau, lui, se relève tel un mur contre lequel le stress nous envoie à toute vitesse. Ça cogne ! 

Burning poursuit cette recherche d’un cirque contemporain ouvert aux autres disciplines. Ici, il reçoit un texte presque documentaire, poétique sans oublier la réalité. De la belle ouvrage. Comme investie d’une tâche, cette artiste citoyenne mène le combat des mots à travers de multiples initiatives pour nous rappeler que s’il nous reste un devoir, c’est celui de prendre la parole.
N.N.


Burning (Je ne mourus pas et pourtant nulle vie ne demeura) de Julien Fournier (Habeas Corpus Compagnie)

Reprise : du 9 au 21 juillet à Avignon (Théâtre des Doms/L'Occitanie fait son cirque)

Laure Chartier

Laure Chartier raconte dans un Un fait divers son parcours du combattant quand elle a décidé de porter plainte après un viol. Il fallait du cran pour exposer cette histoire sur le plateau du Public. Il fallait une sacrée dose de courage pour revivre ce traumatisme et en faire un acte théâtral qui déjoue tout pathos grâce à une autodérision permanente. 

Sur le viol lui-même, Laure Chartier ne s’épanche pas car l’auteure et comédienne choisit surtout de raconter le calvaire qui a suivi : les humiliations répétées face à un personnel mal formé ou simplement insensible, que ce soit à l’hôpital, au commissariat ou devant les experts juridiques. Elle raconte l’inhumanité de ce parcours semé d’embûches – financières, procédurales ou humaines – quand il s’agit de réclamer justice. Elle raconte les reports incessants des audiences au tribunal ou la difficulté de se retrouver face à son agresseur. Elle raconte la douleur quand on réalise qu’aux yeux des autres, on est devenu un simple fait divers. Dépossédée de son corps dans les mois qui ont suivi son viol, Laure Chartier sera alors, aussi, dépossédée de son identité. 

Mais elle raconte aussi les issues plus lumineuses de cette affaire, comme le soutien indéfectible de sa famille et de ses amis, ou encore le regard des collègues, dont elle craignait la pitié mais dont elle reçut finalement beaucoup de générosité. Assénant quelques vérités sur la manière dont notre société gère – ou plutôt étouffe – la question du viol, Un fait divers est un acte de bravoure, tout simplement !
C.Ma.


Un fait divers de Laure Chartier, créé au Théâtre Le Public. 

Reprise les 26 juillet et 17 août 2018 au Festival Bruxellons à Molenbeek et du 6 novembre au 1er décembre 2018 au Théâtre Le Public.

Frie Leysen et Christophe Slagmuylder

Frie Leysen est d’abord un personnage et une magnifique personne. Flamande et nomade. Ancrée dans sa terre mais avec le regard toujours ailleurs, au-delà. Elle adore se battre pour créer un lieu et le quitter quand elle l’a installé et en a épuisé le charme.

Elle quitte le KFDA en 2006 parce que "tout va bien" et qu’une aventure en crée une autre .Elle a introduit le monde entier au KFDA et le monde entier la demande. Directrice ou consultante en chef d’un festival au Moyen Orient, d’un autre en Corée et de nombreuses institutions en Allemagne (Theater der Welt, Essen, Berliner Festspiele, Get Lost Touring aux Pays-Bas) : chaque fois de courtes périodes de 2 à 4 ans .Frie à la bougeotte et parfois la dent dure notamment vis-à-vis de sa pire expérience, les Wiener Festwochen de Vienne dont elle dirige la programmation théâtre  (2014-2015).

Dans une interview à Guy Duplat, après avoir reçu le prestigieux Prix Erasmus, elle faisait un bilan intéressant de l’état du théâtre en Europe et réglait quelques comptes.

Sur les Wiener Festwoche, dont Christophe Slagmuylder devient directeur artistique en ce mois de septembre: Sur la programmation des grands théâtres européens : "Chaque grand théâtre propose la même chose : un mixte de musical, de cabaret, d’une pièce d’avant-garde, etc. Tout y est mis sur le même pied dans le but d’attirer un maximum de gens".Sur la culture européenne : "Et sa définition de l’artiste critique est presque un autoportrait : "L’artiste doit être intellectuel, critique, mais aussi généreux et il doit embrasser le public, le prendre par la main.. Comme Romeo Castellucci qui touche en nous des zones qu’on ne pensait même pas avoir ! Certes, il secoue le public, ne cherche pas à plaire. Respecter le public n’est pas lui plaire. C‘est comme un ami qui vous dirait toujours que tout est bien. Un acte d’amitié véritable est de parfois lui dire ce qui cloche."

Pas de doute, aux Prix de la critique, la langue de Frie ne sera pas « de bois ». 

Associer Christophe Slagmuylder à Frie Leysen c'est souligner la belle continuité du Kunstenfestivaldesarts KFDA fondé en 1994 par Frie Leysen et poursuivi par Christophe Slagmuylder qui devait en prendre congé en 2019. Coup de théâtre fin juin : Christophe est nommé à la tête du prestigieux festival printanier viennois les Wiener Festwochen, à partir de septembre. Il quitte donc le KFDA un an plus tôt que prévu.

Les Wiener Festwochen ont longtemps été incarnées par Luc Bondy, intendant de 2002 à 2013 formant un duo avec Stéphane Lissner directeur musical. Le successeur de Luc Bondy a été  de 2014 à 2016 Markus Hinterhäuser, l’actuel directeur du Festival de Salzbourg. Et Frie Leysen, fondatrice du KFDA a dirigé la programmation théâtrale des Wiener Festwochen en 2014-2015. C’est dire si Christophe Slagmuylder s’inscrit dans une très belle lignée internationale.

Né en 1967 à Bruxelles, a étudié l’Histoire de l’Art à l’ULB puis enseigné à La Cambre et agi comme producteur et programmateur de divers théâtres bruxellois avant de rejoindre le KFDA en 2002. En 2007, il succède à Frie Leysen à la tête du "Kunsten". Dans le cadre d’une structure de festivals européens il invite des figures majeures de la scène internationale comme le Japonais Toshiki Okada, les Brésiliens Bruno Beltrão  et Marcelo Evelin, l’Iranien Amir Reza Koohestani, l’Argentin Mariano Pensotti, ou plus récemment, la Cap Verdienne Marlene Monteiro Freitas et le groupe catalan El Conde de Torrefiel. Des artistes plus établis sont associés au festival comme Anne-Teresa De Keersmaeker, Ann Veronica Janssens, Boris Charmatz, Philippe Quesne ou Milo Rau, invité chaque année depuis 2013.

Le Kunstenfestivaldesarts, au fil des années est devenu sous sa direction un espace de plus en plus fluide, poreux et inclusif. "L’exigence, dit-il, est notre devise, et guide les choix de notre ligne artistique. Et l’audace de donner aux artistes l’espace nécessaire pour faire, ici ce qu’ils n’osent pas faire ailleurs. Le KFDA est un endroit, ouvert et accueillant, résolument tourné vers la ville. J’ai besoin de son côté 'borderline' afin de ne pas me sentir enfermé dans un monde de plus en plus formaté. Nous vivons dans un monde de niches que je rêve de réunir."
Ch. J.

Le jury tient à saluer leur travail accompli à la création et à la programmation du Kunstenfestivaldesarts.

Un grand amour

Seule sur la scène du Théâtre des Martyrs, Thereza Stangl, va se confesser devant nous en revisitant sa vie.

Nous nous trouvons à Sao Paulo, dans la maison où elle est restée après la mort de son mari, Franz Stangl, ancien commandant SS des camps d’extermination de Sobibor et de Treblinka, arrêté au brésil 16 ans après son arrivée en Amérique du Sud, extradé vers l’Allemagne par Simon Wiesenthal et condamné à la réclusion à perpétuité. Nous sommes en 1971 et Thereza reçoit la journaliste Gitta Sereny. Cette visite inopportune et les questions qui lui sont posées vont la bousculer.

C’est Janine Godinas qui incarne cette vieille femme arrivée au bout de sa vie. Avec, face à elle et sa solitude, l’inracontable. Mais aussi ses colères, ses émotions et surtout ses doutes. Avec une question abyssale : est-ce qu’elle aurait pu arrêter cela ? Le public sort du spectacle touché et même ébranlé par la force du texte et l’interprétation intense et sans faille de Janine Godinas qui nous livre ici un de ses plus beaux rôles.
D.C


Un grand amour, texte de Nicole Malinconi, mise en scène de Jean-Claude Berutti, scénographie de Rudy Sabounghi, interprétation : Janine Godinas.

Théâtre des Martyrs, production : Rideau de Bruxelles

Délestage

Tranches de vie kinoises et belges !

Sur le plateau, juste une chaise sous une lumière blafarde avec en fond sonore des commentaires de match de football. "Bagnole menottes poste de police. Ça a commencé comme ça, m'dame." Le Congolais arrêté en situation irrégulière à Bruxelles explique à l’avocate commise d'office son arrestation par la police et son interrogatoire par deux policiers qui le soupçonnent d'être un terroriste potentiel. Les mêmes questions se répètent et les policiers enragent de n'avoir rien sur lui. Et lui garde le silence depuis deux jours.

Mais regarder un match de foot, le quart de finale de la coupe d'Europe qui oppose la Belgique au Pays de Galles, entre deux flics les menottes aux poings, c’est trop dur. L'adrénaline monte, et lorsque la frappe de Nainggolan envoie le ballon dans la lucarne, il explose de joie. Mais les Diables s'inclinent, et là, les flics ont les boules. A défaut d'être terroriste, le Congolais est à tout le moins clandestin. Direction le centre 127 bis et l'entretien avec cette avocate peu motivée.

Seul en scène David Minor Ilunga détaille la vie quotidienne au bled, Kinshasa, Kin pour les initiés. Délestage parce que tout y est discontinu, l'électricité trois jours sur sept, quand on a de la chance, et ne parlons pas de l’eau potable... Il livre également le portrait d'une Europe, et plus particulièrement d'une Belgique, dans ses rapports avec les ressortissants des anciennes colonies.
D.B.


Délestage de et avec David-Minor Ilunga Mise en scène de Roland Mahauden. Créé au Théâtre de Poche. Coproduction le Théâtre de Poche, Le Tarmac (Paris), La Charge du Rhinocéros et les Récréâtrales (Ouagadougou).

Avant la fin

Comment accompagner les derniers mois d'une vie, éprouver la perte, digérer le deuil ? C'est le versant "Catherine" de la promesse d'une fille à son père. Le versant "Michel", lui, retrace plus largement le parcours de cet avocat fils de gardien de prison, petit-fils de policier. Y compris la fameuse "affaire Graindorge" - quand, à l’été 1979, l’avocat fut arrêté, suspecté d’avoir aidé son client François Besse (bras droit de Jacques Mesrine et passe-muraille patenté) dans sa spectaculaire évasion avec prise d’otage, en pleine audience. Michel Graindorge passera quatre mois en détention avant d’être acquitté. L’épisode - outre qu’il impliquait un homme très engagé dans la question des conditions carcérales et de la réinsertion - aura marqué les esprits dans le grand public, et a fortiori celui d’une petite fille criant devant les caméras: "Papa, avec moi !"

Devenue comédienne et musicienne, et, dans ses derniers mois "sa confidente, son aide-soignante, sa mère", Catherine a promis à Michel un spectacle, né deux ans et demi après la mort de ce père peu ordinaire. En mots, en images, en sons, elle y distille les souvenirs, précis, cocasses, graves. La vie, vécue, pensée. La trace, ce qu’a laissé l’absent, ce qu’il raconte à travers le journal qu’il a tenu, les livres qu’il a écrits, ceux qu’il a amassés, celui, inachevé, qu’il dictait d’une voix sûre sur un petit cassettophone.

Cette matière foisonnante et vivante, Catherine Graindorge la façonne dans un langage où l’intime d’un homme, d’une famille, tutoie l’histoire d’un pays. Un langage élaboré avec le concours de Bernard Van Eeghem (collaborateur artistique), Jorge León (dramaturgie), Elie Rabinovitch (vidéo), Gaëtan van den Berg (lumières), Marie Szersnovicz (costumes). Car un seul en scène se construit à plusieurs… Celui-ci, ciselé avec pudeur et générosité, concilie l’homme public et le père. Promesse tenue.
M.Ba.


Avant la fin, de et avec Catherine Graindorge

Créé au Théâtre Les Tanneurs, coproduction Théâtre Les Tanneurs et Théâtre de Namur

Etna

Premier solo de Thi-Mai Nguyen, Etna exprime par le geste et par les mots la réalité des personnes isolées, les exclus de notre société. A 37 ans, Thi-Mai Nguyen est danseuse et chorégraphe. Son parcours l’a amenée à travailler comme interprète auprès de chorégraphes tels que Wim Vandekeybus, James Thierrée ou encore Michèle-Anne de Mey. 

Dans Etna, elle entre dans la peau d’une femme sans âge, lessivée par la vie. Elle apparait seule au milieu des cartons dans une robe de chambre en lambeaux. Son personnage, proche de la démence, joue avec un ancien magnétophone à cassette. La bande sonore révèle alors les voix du passé, le murmure d’un enfant que l’on berce avant qu’il ne s’endorme. Thi-Mai Nguyen nous plonge dans les méandres de la mémoire. Elle danse l’isolement mais aussi la colère des personnes qui vivent aujourd’hui en marge du monde.

Ce premier solo est né d’une démarche documentaire. Thi-Mai Nguyen est partie à la rencontre des personnes de la rue avec l’intention de réaliser un film documentaire. Le film ne verra jamais le jour mais ce travail de terrain aura servi de moteur à la création d’un spectacle. Sur le plateau, les moments importants d’une vie refont surface. Un simple drap se transforme en robe de mariée. Un œuf de poule, manipulé avec une extrême précaution, évoque la fragilité d’une existence mais aussi la douleur d’un parent lorsque la coquille se brise et qu’il perd un enfant. On connaissait Thi-Mai Nguyen, l’interprète. Avec Etna, c’est la chorégraphe qui vient d’éclore.
Fr.C


Etna de et avec Thi-Mai Nguyen. 

Créé au Théâtre de la Balsamine. Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Service de la Danse, Avec le soutien du Théâtre Marni, de la Maison de la Création et d’Ultima Vez.

I-clit

En entrant dans la petite salle de la Balsamine je ne connaissais rien de Mercedes Dassy hormis qu’elle était une des cinq interprètes, de Ah/Ha, exploration de Lisbeth Gruwez sur le rire considéré comme une "extase du corps". Et je n’avais aucun des "codes" contemporains dont s’inspire la jeune danseuse et chorégraphe : Beyoncé, Death Grips ou Tami Tamaki. Est-ce grave, docteur/doctoresse ? Pas du tout : je me suis laissé embarquer par la force d’un corps très maître(sse) de lui/elle, jouant très bien sur l’essentiel : affirmer ce qu’elle est, une jeunesse qui assume calmement sa double nature, masculine et féminine, force et tendresse (dans quel ordre ?). Et nous propose une sorte d’autoportrait, un selfie dansé de ses états d’âme et de sa réflexion sur la maîtrise de son corps. Elle a déjà une "grammaire" personnelle de ses mouvements, quelle que soit la musique, et maîtrise parfaitement le jeu de la séduction érotique… décalée. Elle oblige donc le spectateur à la voir non comme un "objet" mais un "sujet" qui "offre" des poses et une mise en scène de son imaginaire, sans tomber ni dans la pornographie ni dans la provocation radicale de style Femen.

Et le "message" féministe, me direz-vous ? Il est bien là mais pas comme une démonstration militante. Plutôt comme un état de fait. Mercedes Dassy semble nous dire : "Vous voyez ce corps ? Je l’habite, j’en suis fière, je le maîtrise, techniquement, comme danseuse et performeuse. Et je suis aussi maîtresse des fantasmes qu’il dégage. Il vous fait rêver ? Minute papillon, ne soyez pas dupe. Mon intelligence le dirige, réfléchissons ensemble."

I-Clit est un objet mode, rythmé, qui va au-delà des modes. Et une réflexion féministe incarnée, parfois drôle, souvent émouvante. Un " must ", en somme.
Chr.J.


I-clit de Mercedes Dassy, créé à la Balsamine

Reprise à la Balsamine du 20 au 22/3/19
WaW - We Are Woman

Dans un vestiaire de football, onze hommes débarquent en maillot noir jaune rouge. Sculptés comme des Éphèbes, ils blaguent, se congratulent, de manière très virile sur fond de musique électro et dans des lumières stroboscopiques. Des mâles dans toute leur splendeur et toute leur testostérone : on ne voit que les muscles et la sueur.

Puis tombent les maillots, passage à la douche et là, disparaissent les attributs virils, on cache les sexes, les corps se font plus langoureux. Les danseurs se créent des robes avec le lino fixé au sol, récupèrent le scotch qui le fixait pour s'épiler les jambes, enfilent des (sous) vêtements plus gracieux et le doute s'installe, les genres s'estompent, les frontières s'évaporent.

Les hommes ont disparu, on ne voit plus que des femmes, on ne voit plus que des corps de femmes incarnés par des hommes. Toute la magie du spectacle réside dans cette métamorphose du machiste à la recherche de son côté féminin, même si on n'évite pas quelques clichés.

Le chorégraphe Thierry Smits reprend le principe des onze danseurs qui avait fait le succès de Anima Ardens et se tourne vers les "études de genre", ces études des rapports sociaux entre les sexes. Le fossé entre hommes et femmes se réduit, mettant au jour de multiples nuances.

La chorégraphie de Thierry Smits est comme toujours précise et admirablement servie par les onze danseurs impressionnants d'énergie et de... féminité.
D.B.


WaW de Thierry Smits (Compagnie Thor), créé au Théâtre Varia. 

Tournée : au Central (La Louvière) le 12 octobre 2018, au Studio Thor du 13 au 22 mars 2019 et à Charleroi-Danses le 6 avril 2019

Un tailleur pour dames

On ne prévoyait pas de rencontrer Georges Lini sur ce terrain-là. Et du coup, on pouvait s’attendre … à tout, sauf à la reconstitution historique d’un salon bourgeois parisien sous la Troisième République. "Faire résonner au présent les œuvres classiques, en renouveler la perception, en faire surgir des réponses neuves et imprévisibles", tel est le credo du metteur en scène. Certes, une pièce de Feydeau est d’abord une formidable mécanique aux rouages parfaitement huilés et qui a pour but premier de susciter le rire, avec ses trucs et ficelles : quiproquos, adultères en pagaille, rencontres inattendues … et mensonges. Des mensonges loufoques, énormes, presque surréalistes. Ils s’additionnent, se superposent, s’emboîtent à un rythme de plus en plus effréné qui contamine aussi les mouvements, de plus en plus rapides et saccadés. Dans les mises en scène traditionnelles de Feydeau, les portes claquent. 

L’idée géniale ici est d’avoir transformé les portes en trappes. A chaque apparition, les personnages surgissent du sol comme des automates. Le plateau s’inclinant de plus en plus au fur et à mesure, sauver les apparences à tout prix devient aussi un exploit sportif où l’on s’agrippe, se démène et s’affale. Les mots ont perdu toute vraisemblance et ne révèlent que le vide. La pièce nous apparaît finalement comme une sorte de "cauchemar gai" qui montre du doigt une bourgeoisie décadente et "des personnages/cobayes en souffrance, sortes d’animaux de laboratoire livrés aux rires des spectateurs". Georges Lini orchestre magistralement cette folle aventure, grâce aussi à une équipe parfaitement soudée de huit comédiens épatants, bien rodés à la comédie mais qui ne versent jamais dans la caricature.
D.M.


Un tailleur pour dames de Georges Feydeau. Mise en scène de Georges Lini. 

Créé à l’Atelier Théâtre Jean Vilar. Coproduction Théâtre Royal du Parc/Atelier Théâtre Jean Vilar/Compagnie Belle de Nuit.

Bruxelles printemps noir

Comment une ville se relève-t-elle de la bombe, de l’inattendu qui l’a meurtrie ? Et surtout quels seront désormais ses bruits, ses remous, ses fissures… ?

En 18 tableaux, 18 petites pièces qui se succèdent sur un plateau presque nu et par là saisissant, pas moins de 80 personnages, des femmes et des hommes incarnés par une vingtaine d’actrices et acteurs viennent déposer sur scène ce qu’il ont vécu pendant la déflagration, mais aussi leurs ressentis, leurs émotions et leurs contradictions, car rien n’est jamais simple. 

La mise en scène signée par un Philippe Sireuil inspiré est à la fois sobre et ingénieuse, jouant subtilement entre rideaux et cloisons, au service du texte de Jean-Marie Piemme qui oscille entre moments tragiques et plus burlesques. Aucune perspective documentaire n’est amenée ici, la démarche voulue par Philippe Sireuil se situe aux antipodes du journalisme. C’est une fiction qui a été créée du réel pour mieux le saisir, dans toutes ses dimensions. Le théâtre joue ici presque un rôle social, car il n’est pas dupe. Deux ans à peine après les attentats de Bruxelles, le public, assis face au vaste plateau, à vécu dans sa chair les mêmes tremblements que les personnages de Bruxelles Printemps noir.
D.C


Bruxelles, printemps noir, de Jean-Marie Piemme, mise en scène  de Philippe Sireuil, au Théâtre des Martyrs.

Coproduction : La Servante/Théâtre en Liberté/Théâtre National Wallonie-Bruxelles/Compagnie Biloxi 48/La Coop/Les teintureries-Ecole de Théâtre (Lausanne).

Moutoufs

Ils sont cinq comédiens nés d’un père marocain et d’une mère belge. Avec humour et tendresse, le Kholektif Zouf raconte cette double culture mais aussi et surtout la liberté d’être soi, au-delà des héritages et des injonctions sociales. Une valise à la main – comme un rappel du complexe bagage identitaire qu’ils trimballent depuis leur enfance – ils font la file devant une cabine de photomaton, clin d’œil au parcours administratif de leur père à l’arrivée en Belgique dans les années 60. Et là, par une pirouette astucieuse de la mise en scène de Jasmina Douieb, on voit ressortir de la machine non pas les photos d’identité des comédiens mais des vidéos de leur père racontant des bribes de leur destin, depuis le Maroc jusqu’à Tournai ou Bruxelles.

Aujourd’hui, comme les saumons remontent la rivière, leurs pères sont retournés dans leur pays natal, et c’est au tour de leurs enfants de remonter à la source pour comprendre ce qui a forgé leur identité. Ils ont récolté les témoignages de leurs parents, ont dévidé le fil de leurs propres souvenirs, ont déterré quelques photos d’archive, pour tisser une écriture polyphonique brassant mille questions passionnantes : Que transmet-on à ses propres enfants ? Que fait-on avec un Islam qui ne ménage pas vraiment les femmes ? Comment vit-on avec l’impression d’écoper d’une "identité délavée" ? Que restera-t-il des pères quand ils auront disparu ? Faut-il circoncire ses enfants et leur donner un prénom arabe pour faire perdurer une petite parcelle de cette histoire déjà pleine de trous ?
C.Ma.


Moutoufs, mise en scène de Jasmina Douieb. 

Créé au Théâtre de Liège. Coproduction Théâtre de Liège, Théâtre Le Public et La Coop.


L'Herbe de l'oubli

Ancré dans l'actualité, théâtre documentaire, L'Herbe de l'oubli, (comme l’absinthe, traduction en russe de "Tchernobyl") marquera les esprits. A l'image de cette absence de sensations, guerre invisible dont témoignent les Ukrainiens qui ne voyaient, n’entendaient, ne sentaient rien mais savaient le danger omniprésent, rampant. Outre ses voyages en Biélorussie et en Ukraine, dans la ville fantôme de Pripiat, l'auteur et metteur en scène Jean-Michel d'Hoop s’est également inspiré de La Supplication. Tchernobyl, chronique du monde d’après l’Apocalypse de Svetlana Alexievitch, Nobel de littérature. 

Il y a, par ailleurs, comme un air de Cerisaie dans cette maison ouverte aux vents. Structure de bois, résidu du passé ou promesse d’avenir, unique décor dont la toile de fond servira de support aux vidéos de Yoann Stehr, espace d’engagement, entre les êtres d’hier et d’aujourd’hui, de chair, de mousse, de cendre ou de chiffons. De taille parfois surhumaine, habillées d’un trois pièces défraîchi, la tête calcinée mais le cou orné de perles, le visage décrépit d'enfant éperdu là où les bébés naissent déjà malades, les marionnettes prennent vie... 

Autant de tableaux oniriques, fantomatiques et émouvants alternant avec la galerie de portraits des habitants de la région interprétés par d’habiles comédiens et marionnettistes, le débonnaire Corentin Skwara, l’enthousiaste Léa Le Fell, le fringant Benjamin Torrini, la délicate Léone François Janssens ou encore la sensible Héloïse Meire. Entre coup de poing et chaleur humaine.
L.B.

L’Herbe de l’oubli, écriture et mise en scène de Jean-Michel d’Hoop (Cie Point Zéro).

Créé au Théâtre de Poche. Coproduction Théâtre de Poche et Coop asbl.

Au Théâtre des Doms, à Avignon, du 6 au 26 juillet, tournée en Belgique francophone de janvier à juin 2019.

La Reprise - Histoire(s) du théâtre (I)

Après l'affaire Dutroux pour Five Easy Pieces (qui lui a valu le Prix Spécial du Jury il y a deux ans), l'auteur et metteur en scène suisse Milo Rau s'est attaqué à un autre épisode sombre de l'histoire contemporaine belge : l'affaire Ihsane Jarfi, du nom de cet homosexuel tabassé puis laissé à l'agonie, nu, dehors, dans la région de Liège en avril 2012. Tué par quatre jeunes qui étaient pour lui, quelques heures auparavant, de parfaits inconnus.

Avec un casting mêlant francophones et néerlandophones (dont le grand Johan Leysen, s'offrant au passage un monologue shakespearien), mais aussi professionnels et amateurs, Milo Rau décortique son propre processus de construction avant d'asséner sur scène toute la violence des faits. Jusqu'à l'insoutenable, jusqu'à l’écœurement. Tout ce qui est montré ici est faux, n'étant "que" du théâtre, mais tout ce qui est montré ici s'est vraiment passé. La superposition des couches de réalité et de pure fiction donne le vertige tandis que Rau déterre les semences du mal, contenues en chacun de nous, et qui n'attendent parfois que le plus stupide des hasards pour croître à toute vitesse et tout envahir.
E.S.


La Reprise – Histoire(s) du Théâtre (I), concept, texte et mise en scène Milo Rau 

Avec Sara De Bosschere, Suzy Cocco, Sébastien Foucault, Fabian Leenders, Johan Leysen, Tom Adjibi  Créé au Théâtre National dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts. Du 7 au 14 juillet au Festival d'Avignon, du 6 au 9 septembre à la Schaubühne à Berlin, du 22 septembre au 8 octobre au Théâtre des Amandiers Nanterre à Paris...

L'éveil du printemps

Une pièce parlant ouvertement de sexe au sein d’une bande d’ados de 14 ans, en 1891, dans l’Empire allemand, ça faisait plutôt mauvais genre !

Pourtant Wedekind y voyait plutôt "une peinture ensoleillée de la vie associant humour et insouciance" et Armel Roussel fonce dans cette porte ouverte pour dialoguer dans la joie et la mélancolie avec le grand maître allemand. Il l’adapte dans un langage contemporain, conscient que le rapport actuel à la pornographie rend caduque la pudeur mais pas les troubles familiaux. Rapports aux parents et profs abusifs, interrogations sur l’identité sexuelle et les tabous sont dans la tête des jeunes comme des moins jeunes. Et si la nudité des corps a curieusement dérangé quelques spectateurs/trices, d’autres y ont vu un acte de franchise bienvenu pour un texte dont le centre est le désir de vie et l’appel de la mort.

La scénographie très simple – un sol recouvert de terre où les corps roulent leurs désirs ou enfouissent leurs échecs – permet de déployer une esthétique baroque rythmée par deux jeunes "pop rockeuses". L’interprétation exige un esprit choral, spécialité maison, et de fortes personnalités : Nicolas Luçon et deux découvertes, Judith Williquet et Julien Frégé, assument brillamment le trio central. "Je rêve, dit Roussel, d’un spectacle qui nous nettoie et nous donne le goût d’être soi sans fard." Mission accomplie. Un Roussel de maturité.
Chr.J.


L’éveil du Printemps de Frank Wedekind, mise en scène d’Armel Roussel. 

Créé au Théâtre national.

La guerre des buissons

Mené tambour battant par le Théâtre des 4 mains et inspiré d’un roman de Joke Van Leeuwen, Toen mijn vader een struik werd (Quand mon père est devenu un buisson), La guerre des buissons raconte le conflit à hauteur d’enfant avec justesse, rythme et tendresse.

Dans un français revisité, un médecin demande à la petite Toda comment elle se sent. La fillette ne comprend rien à ce langage alambiqué et le jeune spectateur pressent qu’elle se trouve en terre inconnue. Comment est-elle arrivée là ? Retour sur son histoire, dans l’atelier de son père pâtissier connu pour faire les meilleures tartes aux amandes de la ville. Mais au loin, ou plutôt à l’étage dans ce décor tout en camouflage, le bruit des bottes se fait entendre. Le père doit partir à la guerre. Et se déguiser en buisson. Pour être à l’abri, Toda ira se réfugier chez sa grand-mère, puis traversera la frontière au bout d’une route chaotique et surtout à bord du camion d’un passeur peu scrupuleux.

Cette histoire linéaire de guerre racontée à travers le prisme du ressenti de la petite Toda se suit de bout en bout et parcourt des scènes de vie, à l’orphelinat, au home pour personnes âgées, aussi suggestives que bien rendues. De tailles différentes, dans un décor amovible et multiple, les marionnettes expressives manipulées avec dextérité par Anaïs Pétry, Marie-Odile Dupuis et Simon Wauters, évoluent naturellement sous nos yeux et cette première mise en scène de Jérôme Poncin s’inscrit parfaitement dans la mission du théâtre jeune public.
L.B.


La guerre des buissons, du Théâtre des 4 mains. Mise en scène de Jérôme Poncin. 

Créé aux Rencontres Théâtre Jeune Public de Huy 2017. 

En tournée dans toute la Communauté française en tout public avec une vingtaine de dates et une centaine de représentations scolaires. En tournée en France avec vingt-cinq dates également. Plus d’infos sur theatre4mains.be/tournee-guerre-des-buissons-2018/19.

Baby Macbeth

Jouer Shakespeare en vieil anglais pour les bébés et captiver leur attention, tel est le défi relevé par Agnès Limbos, qui s’intéresse, pour la première fois, aux tout-petits avec l’envie de leur offrir un théâtre de grande qualité. Elle en a les clés, le don et l’exigence. La scénographie semi-circulaire, à même le plateau, dans laquelle elle installe le public crée un climat, une proximité. Comme ce tissu qui recouvre la scène et les chaises bébés dans lesquelles trônent les petits monarques. Couronne, diadème, velours et plume au chapeau, ils participent pleinement au spectacle: "My dear princes, my dear princesses, dukes and duchesses…" La comédienne, grande figure du clown tragique également, accueille les enfants au "Shakespeare congress". Lumière tamisée, candélabre miniature, énorme livre de carton intitulé Hamlet... Toute la puissance évocatrice des objets...

Hamlet donc mais aussi Roméo et Juliette incarnés par des poupées aux robes chatoyantes avant l’affrontement des Montaigu et des Capulet que l’artiste annonce en sortant deux épées. "It’s a tragedy". Agnès Limbos accroît la tension avant une scène du balcon où apparaît l’univers onirique qu’on lui connaît: loupiotes, lierres, Juliette… Sa poitrine devient théâtre à part entière pour que s’y niche l’une des plus célèbres scènes du grand dramaturge... Les accords de Joachim Caffonnette contribuent à créer une atmosphère hors du temps pour ce spectacle qui fascine le tout jeune public et lui donne déjà le goût de l’art.
L.B.


Baby Macbeth, de et par Agnès Limbos (Cie Gare Centrale). Mise en scène Agnès Limbos; Sabine Durand accompagnatrice dramaturgique. 

Créé au Festival mondial de marionnettes à Charleville-Mézières, en septembre 2017. Coproduction le Théâtre de la Guimbarde. 

Les 10 et 11 juillet au festival Idéklic à Moirans-en-Montagne, le 18 août au festival de Spa, le 5 janvier au Théâtre de Namur, en tournée toute la saison prochaine à l’étranger.

Chacun son rythme

Avec un humour tonitruant – et un stratagème improbable – la compagnie Cryotopsie se charge de l’éducation sexuelle de vos enfants. Le spectacle désamorce une foule de questions taboues sur l’anatomie des garçons et des filles, le plaisir (solitaire ou non), l’homosexualité, la pornographie ou encore la pratique illégale des "photos volées", phénomène qui se répand comme un feu de poudre chez les ados depuis l’avènement des téléphones multifonctions et des réseaux sociaux.

L’idée géniale de Chacun son rythme ? Transposer nos fonctions sexuelles sur deux appareils de fitness : vélo pour les garçons, marche pour les filles. Résultat : sans jamais être embarrassant, la pseudo-conférence détourne de manière hilarante les sujets les plus intimes. Le casque de cycliste fait office de protection, un "gonfleur clitarcique" évoque la jouissance, les pistons de la machine sportive illustrent les aspects plus techniques.

C’est ainsi que, sans jamais utiliser un seul terme sexuel, la pièce regorge d’allusions à ces transformations hormonales et ces échanges charnels qui intriguent, effraient ou obsèdent les adolescents. Loin d’être vulgaire, Chacun son rythme distille au contraire des messages salutaires sur le respect de son corps et du corps de l’autre, et quelques pointes d’ironie féministes. Sans compter que cette formation repose sur deux conférenciers en apparence plutôt coincés mais que toutes ces démonstrations scientifico-sportives vont peu à peu dégeler.
C.Ma.


Chacun son rythme d'Alexandre Drouet, Compagnie Cryotopsie. 

Créé aux Rencontres Théâtre Jeune Public de Huy 2017.

Strach - a fear song

Le metteur en scène et auteur Patrick Masset, passionné par le mélange des genres, rêvait depuis longtemps de la rencontre du cirque et de l’art lyrique. Il avait déjà esquissé cet alliage dans L’enfant qui cowboy rouge.

Strach- a fear song est né d’une recherche menée il y a plusieurs années : rassembler trois artistes de cirque et une chanteuse lyrique. Proposer à celle-ci des portés très simples, basiques. Dépasser ses peurs puis (re)trouver la confiance et chanter sur base de nouveaux repères. La volonté de ce spectacle est de saisir la nature, l’essence du vivre ensemble sur base d’une expérience nouvelle : porter la voix. 

Cette proposition, dans sa forme même, est un plaidoyer imagé et pourtant très concret contre notre société capitaliste, productrice d’inégalités et de mise en concurrence où la plupart des femmes et des hommes se perçoivent comme des « suiveurs » incapables d’agir, sans identité propre.


Strach, a fear song, de Patrick Masset (Théâtre d'un jour).

Partenaires : Espace Catastrophe, Centre International de Création des Arts du Cirque, Théâtre 140, Zomer Fabriek, Theater Op de Markt/Dommelhof de Neerpelt, Abattoirs de Bomel – Centre Culturel de Namur, Théâtre Royal de Namur.

Dates à venir: du 9 au 21 juillet à Avignon (Île Piot) dans le cadre de "L'Occitanie fait son cirque en Avignon" , Le 9 août au Festival Theater Op De Markt, Neerpelt, Le 14 août au Festival de Spa, Le 22 ocotbre au Festival Circa, à Auch (F).

Burning (Je ne mourus pas et pourtant nulle vie ne demeura)

Sous-titré Je ne mourus pas et pourtant nulle vie ne demeura, le spectacle de Julien Fournier s’est inspiré de témoignages récoltés par Laurence Vielle sur le burn-out. En voix off, la poétesse belge scande des données, des questionnaires, des récits de vies compressées, vidées, parties en fumée, tandis que, sur un plateau de plus en plus incliné, l’acrobate lutte pour conserver son équilibre tout en s’épuisant à des tâches répétitives et avilissantes.

Mettre ses chaussures tout en gardant le rythme sur un tapis de course lancé à toute allure, ordonner des caisses vouées à l’effondrement, jouer de son corps pour illustrer les camemberts statistiques sur le nombre de Belges en épuisement professionnel : loin d’esthétiser ces histoires de stress et d’anxiété, le spectacle en donne une traduction physique et visuelle. Sonore aussi puisque les mots de Laurence Vielle ont cette texture mécanique, implacable, faisant écho à des projections vidéo qui embrasent cet univers où l’homme n’est plus que machine ou marchandise. Où le burn-out se fait bûcher moderne pour les sacrifiés d’un système capitaliste obsédé par le rendement. 

Au lieu de s’y brûler les ailes, Julien Fournier, tel le phénix, renaît à la fin de son petit tas de cendres, ouvrant sur un horizon dégagé, libéré, où la vie ne se résume pas qu’au travail mais trouve son salut dans la pensée, la tendresse, les livres ou le silence.
C.M.


Burning, de Julien Fournier et Laurence Vielle(Habeas Corpus Compagnie).

Créé à la Vénerie, dans le cadre du Festival Up. 

Reprise du 9 au 21 juillet aux Doms, Avignon. Puis en mars à la Piste aux Espoirs, Tournai, et en mai au C.C. Jacques Franck, Bruxelles.

Mémoire(s)

Avec son deuxième spectacle, le collectif bruxellois nous montre magistralement qu’aucun sujet n’est étranger au cirque. Les cinq acrobates et comédiens de la Cie Poivre Rose s’engagent généreusement à nous rendre la mémoire. Le spectacle emprunte à rebours la route sinueuse de l’oubli et des souvenirs en s’aidant de rassurantes béquilles : des photos, quelques vêtements pendus sur un cintre, une chanson entendue dans une autre vie. 

Ils sont cinq sur scène, acrobates mais aussi comédiens accomplis, et ils nous proposent une suite de tableaux drôles ou émouvants centrés sur des personnages surgis de l’histoire, une diva à barbe, un couple de danseurs de salon, un émigré russe, un crooner de cabaret ou un cowboy à la gâchette facile. On est souvent dans le burlesque de situation. La réalité dérape et ils restent imperturbables. 

Au moment où on ne l’attendait pas, une corde, un trapèze, dégringolent des hauteurs pour un numéro court mais physiquement intense. Les références au cinéma, paradis perdu de la mémoire, sont nombreuses avec la diva alanguie et le comédien de stand-up au costume bleu électrique. La mémoire, elle, a inventé le zapping aux carambolages improbables comme ce duo de danse, une dispute de couple dans un hilarant lipping d’un classique hollywoodien. Puis arrive le puissant finale acrobatique où les cinq partenaires se retrouvent sur un cadre coréen dans des nuages de talc.
G.B.


Mémoire(s), de la Compagnie Poivre Rose, mise en scène de Christian Lucas.

Créé à la Maison de la Culture de Tournai. Coproduction Maison de la Culture de Tournai, Les Halles de Schaerbeek et Dommelhof – Neerpelt.

Reprise : les 16 et 17 octobre 2018 au Théâtre de Liège.

Léa RomagnyElle n’a pas encore 30 ans, et pourtant, Léa Romagny peut déjà compter sur une expérience théâtrale solide et variée. Après avoir suivi divers cours de théâtre et obtenu une licence 3 en arts du spectacle, Léa se forme à l’école supérieure d’acteurs au Conservatoire Royal de Liège. Elle y travaille notamment avec des gens comme Mathias Simons, Jeanne Dandoy, Baptiste Isaia, Delphine Noels ou encore Jan Christof Gockel. En 2015, elle décroche son master et fonde avec d’autres comédiens et un musicien le collectif Greta Koetz, avec le quel elle tournera dans de nombreux théâtres et festivals. Un an plus tard, on la retrouve dans un spectacle mis en scène par Pietro Varasso Un arc-en-ciel pour l’occident chrétien, au Théâtre de Liège, au Théâtre de Poche, au festival des Récréatrales à Ouagadougou au Burkina Faso, au festival Quatre chemins à Port-au-Prince et au Festival Ayiti Couleurs en Haïti. 

Et c’est en 2017 qu’elle rejoint avec bonheur l’équipe de Justine Lequette et du spectacle J’abandonne une partie de moi que j’adapte au Festival Factory lors du Festival de Liège, au Théâtre National de Bruxelles, au Fast Forward Festival à Dresde, au Wet Festival à Tours, au Mars à Mons … Ce spectacle s’est joué également au théâtre des Doms à Avignon cet été avant de rejoindre Paris en décembre. Assurément, cette jeune actrice pleine de talents a le vent dans le dos! 

D.C. 

Dans J'abandonne une partie de moi que j'adapte

Créé au Théâtre National

Mise en scène Justine Lequette Écriture collective

Raphaëlle CorbisierQuand elle arrive avec son petit sac à dos noir sur le plateau de GEN Z, son personnage de post-ado à la voix de petite fille transperce directement ce qui s’est passé jusque-là. Émergeant de la joyeuse bande, elle se démarque par sa singularité, pas vraiment à part mais pas vraiment incluse non plus. Tout le monde tourne autour de son personnage, surtout quelques garçons, mais elle ne semble pas y prêter attention. Dans cette chorale de la jeunesse européenne, elle vient trancher les apparences de sa maturité dissimulée derrière une fausse naïveté. Chargés de curiosité et d’inquiétude, ses yeux ronds comme des billes brillent de rêves d’avenir à la fois décalés et concrets, idéalistes et pragmatiques. Une belle composition que lui a confiée Salvatore Calcagno pour son premier rôle professionnel alors qu’elle n’était pas encore diplômée de l’Insas (ce qu’elle est devenue en 2017). Le jeune metteur en scène en fait une pièce maîtresse de son puzzle dramatico-sociologique, dans lequel il sublimait une réalité avec le sens esthétique qu’on lui connaît. Il n’est pas le seul à l’avoir repérée puisque le cinéma fait aussi appel à elle. Raphaëlle Corbisier sera en effet à l’affiche du premier long métrage de Sarah Hirtt Escapada. Tant de belles premières fois, comme des promesses d’une fructueuse carrière! 

N.N. 

Dans GEN Z :Searching for Beauty

Créé au Théâtre les Tanneurs

Texte et mise en scène Salvatore Calcagno (Garçon Garçon)

Priscilla AdadeOn n’est pas prêt d’oublier l’entrée en scène de Louise dans Botala Mindele de Rémi De Vos, une employée de maison chez des expatriés au Congo. Un rôle fort et une présence ambiguë, magistralement incarnée par Priscilla Adade. Née à Anderlecht il y a 32 ans, Priscilla part à 17 ans étudier le droit et les études américaines à l’Université de Sussex à Brighton.Mais depuis longtemps, c’est le théâtre qui la passionne avant toute chose. Elle suit les cours Florent à Paris, joue dans quelques comédies françaises comme Mince Alors! de Charlotte de Turckheim et Un Plan Parfait de Pascal Chaumeil. Après un diplôme obtenu à la Lamda de Londres, elle décide de travailler en Angleterre où elle participe à plusieurs spectacles. Elle intègre aussi la troupe du metteur en scène sud-africain Brett Bailey, où on la retrouve dans la pièce Exhibit B. Alexandra Leclère lui offre son premier rôle important au cinéma dans Le Grand Partage aux côtés de Didier Bourdon et Karine Viard, 

Mais Priscilla Adade a plusieurs casquettes. Enseignante au cours Florent à Bruxelles, elle a aussi créé Prysm, une entreprise qui fait de l’événementiel et de la promotion féminine. 

D. C.

Dans Botala Mindele

Créé au Théâtre de Poche

Texte Rémi De Vos Mise en scène Frédéric Dussenne

Tom AdjibiTitulaire d'un master en interprétation dramatique obtenu à l'Insas en 2016, Tom Adjibi pratique la musique (chant, piano) et s'initie lors de plusieurs cours, stages et ateliers à la danse contemporaine. C'est que le langage, pour lui, n'est pas affaire que de texte et de voix - fût-elle comme la sienne de baryton-basse -, mais bien aussi de corps, de résonance. De présence en somme. 

Une large palette à laquelle a fait appel Armel Roussel pour l'inscrire dans le choral et cocasse Eddy Merckx a marché sur la Lune, où Jean-Marie Piemme questionne notamment la capacité de l'individu à se fondre dans la masse ou à s'en détacher. Le comédien d'ailleurs arpente aussi les plateaux de cinéma (Deux jours, une nuit de Jean-Pierre et Luc Dardenne en 2015, Je me tue à le dire de Xavier Seron en 2016, pour ne citer que les longs métrages), côté scènes, il collabore à ses débuts avec Peeping Tom ou Jan Lauwers, se lance dans des créations collectives pluridisciplinaires (avec Mercedes Dassy par exemple, pour Twyxx), bref: ose, essaie, explore. 

Dans La Reprise - Histoire(s) du théâtre I, Tom Adjibi se frotte au réel recomposé par Milo Rau. Il y tient le rôle particulier d'Ihsane Jarfi, jeune homme enlevé puis battu à mort à la sortie d'une boîte de nuit, à Liège, en 2012. L'acteur redonne vie à la victime de ce meurtre homophobe avec une justesse rayonnante, une humilité solaire autant que poignante. Et ici encore trouve sa place dans une composition jamais univoque. Où la fiction rembobine les faits, où amateurs et professionnels se mêlent, où le théâtre lui-même est remis en question. 

M.B.

Dans La Reprise - Histoire(s) du théâtre I

Créé au Théâtre National

Écriture et mise en scène Milo Rau 

Et dans Eddy Merckx a marché sur la Lune

Créé en Belgique au Théâtre Les Tanneurs

Texte Jean-Marie Piemme Mise en scène Armel Roussel ([e]utopia [4])

Jules PuibaraudIl a la coiffure, le phrasé et la dégaine du jeune intello parisien des années 60, qu’il peut abandonner sans effet de manche pour passer à un des témoins interrogés par les documentaristes ou à un jeune homme bien de notre époque dans la deuxième partie du spectacle. Né à Nantes, Jules Puibaraud y a suivi des études de lettres modernes à l'université, puis une formation en art dramatique au conservatoire. Avec ses camarades de promotion, il joue dans Notre père (Chambre 309) de Delphine Bretesche.En 2013, il s’inscrit à l’École supérieure d’acteurs de Liège (Esact). En 2016, il endosse plusieurs personnages dans Love and Information de Caryl Churchill, une pièce à facettes mise en scène par Guillaume Doucet avec le Groupe Vertigo. 

En master, il participe à l’écriture collective de J’abandonne une partie de moi que j’adapte avec Justine Lequette et les trois autres comédiens. Il assure aussi plusieurs lectures pour la radio (RCF Liège), dans les milieux scolaires ou au Festival de Namur. 

G.B. 

Dans J'abandonne une partie de moi que j'adapte 

Créé au Théâtre National

Mise en scène Justine Lequette Écriture collective

Félix Vannoorenberghe

Démarrage sur les chapeaux de roues pour Félix Vannoorenberghe. A peine sorti de l’IAD, le voilà embarqué par son professeur George Lini pour deux spectacles de la saison. C’est dans December man de la Canadienne Colleen Murphy qu’on le découvre d’abord. Révélation. Il s’investit totalement dans le personnage de Jean, un étudiant qui a échappé au massacre odieux perpétré dans son école. Malgré l’amour de ses parents, petits bourgeois englués dans un quotidien étouffant, l’adolescent se sent coupable d’avoir sauvé sa peau plutôt que celle des autres et succombera finalement à ce qu’on a appelé « le syndrome du survivant ». Le jeune comédien y montre à la fois un riche tempérament et une maîtrise étonnante pour un premier rôle aussi lourd à porter. Au fil du poignant récit à rebours qui nous est conté, il met en lumière avec intelligence et sensibilité la complexité des sentiments qui traversent son personnage : soulagement, rage, culpabilité … 

On retrouvera l’acteur pour La profondeur des forêts, une pièce de Stanislas Cotton qui nous replonge dans un fait divers monstrueux survenu en Angleterre dans les années 90. Avec cette même intensité, cette même sauvagerie, Félix Vannoorenberghe y incarne un jeune homme qui a purgé huit ans de prison après avoir torturé à mort un enfant, et tente de se reconnecter à la société, de se réconcilier avec lui-même. Comment se reconstruire « après » … tel est finalement, dans les deux pièces, l’enjeu superbement assumé par Félix Vannoorenberghe. 

D.M. 

Dans December Man

Créé au Théâtre de Namur

Colleen Murphy Mise en scène Georges Lini

Et dans La Profondeur des forêts

Créé à l'Atelier 210 

Texte Stanislas Cotton Mise en scène Georges Lini

Cathy Grosjean

Nominée l'an dernier pour sa prestation dans Taking Care of Baby, Catherine Grosjean reparaît à nouveau dans la catégorie meilleure comédienne, récompense déjà décrochée en 2010 pour La Défonce, la dernière pièce du collectif ZUT. 

Cette fois, c'est le rôle d'Agnès dans Bug qui lui vaut sa nomination, personnage de serveuse esseulée accompagnant les tendances paranoïaques de son nouvel amoureux, jusqu'au délire complet. Encore un auteur anglo-saxon contemporain (l'Américain Tracy Letts après le Britannique Denis Kelly) et une femme à la mise en scène (Aurore Fattier après Jasmina Douieb). 

Ce qui n'est aucunement le signe d'un quelconque cantonnement, car cette Carolo sortie de l'IAD et passée par la Ligue d'Impro sait tout faire : endosser un classique masqué (Le Cercle de craie caucasien de Brecht, déjà avec Jasmina Douieb), se glisser dans la peau d'une ado (La Cuisine d'Elvis), jouer les héroïnes shakespeariennes (Le Conte d'hiver, Roméo et Juliette) et même chanter à vous filer la chair de poule (Sing My Life de Cathy Min Jung).
E.S.


Dans Bug de Tracey Letts, mis en scène par Aurore Fattier, créé au Théâtre Varia à Bruxelles, puis au Théâtre de Namur et au Théâtre de Liège.

Claire Bodson

Claire Bodson avait la lourde responsabilité de porter, avec la complicité à la fois incarnée et fantomatique de Laura Sepul, l'adaptation théâtrale de Dernier lit. Le récit d'une passion funeste entre deux femmes, se clôturant dans un hôtel fané de la côte belge. Un spectacle créé au KVS le 19 mars 2018, soit dix ans jour pour jour après la mort choisie de l'immense auteur de cette nouvelle, Hugo Claus, et fait à son image : cru, provoquant et bouleversant.

Claire Bodson y retrouvait à la mise en scène Christophe Sermet, après les succès des Enfants du soleil et de Mamma Medea, qui lui a valu le Prix de la meilleure comédienne en 2012. Mais la route de cette artiste originaire de Liège formée au Conservatoire de Bruxelles (classe de Pierre Laroche) a également souvent croisé celle de Frédéric Dussenne (Maljoyeuse, Un fil à la patte, Phèdre...), Pietro Pizzuti (La Belle au bois dormant, Antonin et Mélodie) et Michel Kacelenenbogen (Un mois à la campagne, L'Atelier). Un parcours sans œillères laissant à celle qui a aussi été majorette (les décalées Vedettes) et institutrice, l'opportunité de jouer de toute sa palette, de la farce au tragique.
E.S.


Dans Dernier lit : d'après Hugo Claus, adaptation et mise en scène : Christophe Sermet. Créé au KVS en coproduction avec Le Rideau de Bruxelles.

A voir dans la reprise des Enfants du soleil : du 2 au 13 avril 2019 au Théâtre des Martyrs à Bruxelles.

Anne-Claire

Une sonnerie stridente rappelle de manière implacable qu’une nouvelle journée commence. "Oh le beau jour que ça va être, encore un !". Enterrée jusqu’à la taille, Winnie salue pourtant le soleil matinal et retrouve avec le sourire ses occupations quotidiennes : tenter de converser avec Willie, son compagnon, aussi taiseux qu’elle est bavarde, et explorer minutieusement le contenu de son sac "aux profondeurs insondables"

Encore une énième version de Oh les beaux jours, ce grand classique du vingtième siècle …? Eh bien non ! Car Anne-Claire est de ces comédiennes qui, à chacune de leurs apparitions, laissent une empreinte toute personnelle dans les mémoires, quels que soient l’univers abordé, le metteur en scène ou l’importance du rôle. Des alexandrins de Corneille aux phrases mordantes de Paul Pourveur, elle s’empare de tous les répertoires avec la même gourmandise jubilatoire. Des héroïnes tragiques du passé aux figures les plus contemporaines, Anne-Claire est une reine de la métamorphose. 

En subtile connivence avec le metteur en scène Michael Delaunoy, elle brouille ici l’image traditionnelle d’une Winnie amère et désespérée pour en faire une femme attachante et forte, rayonnante d’humanité. Une résistante, coquette jusqu’au bout des ongles, prête à affronter dignement son sort et le rituel répétitif qu’il lui impose. C’est avec un plaisir de petite fille qu’elle détaille brosse à dents, lunettes, mouchoir, carte postale, … comme autant d’objets précieux qui la relient à l’existence et à son vieux compagnon de survie.
D.M.


Anne-Claire dans Oh les beaux jours de Samuel Beckett. Mise en scène de Michael Delaunoy. 

Créé au Théâtre des Martyrs. Coproduction Rideau de Bruxelles/Théâtre de Liège. En partenariat avec le Théâtre des Martyrs. Reprise au Théâtre de Liège du 29 janvier au 2 février 2019.

Nicolas Luçon

Avouons-le d’entrée : quand nous avons appris que Nicolas Luçon allait interpréter le rôle de Moritz dans L’Eveil du printemps, un petit doute s’était emparé de nous. N’était-il pas trop vieux pour ce rôle ? Après le spectacle, nous avions presque honte d’avoir émis cette interrogation. Car qui de mieux que cet acteur, l’un des plus fidèles de la "bande à Roussel" pour porter toute la fragilité et les inquiétudes de ce personnage en proie aux poussées ardentes de l’adolescence ? 

Si les garçons et les filles de la pièce de Wedekind abordent l’éruption des sens avec légèreté et soif de liberté, Moritz Stiefel voit les vibrations qui traversent son corps comme une trahison à l’esprit. Il fallait bien un philosophe pour incarner un personnage si lunaire – Nicolas Luçon est titulaire d’un DEUG de philosophie-  et si touchant. Que ce soit dans les créations d’Armel Roussel (quasi toutes depuis sa sortie de l’Insas) ou celles de sa compagnie Ad Hominem, co-créée avec Julien Jaillot et Denis Laujol, l’acteur nous bouleverse par la lueur contenue dans son regard, curieuse et mélancolique, passant de la joie contenue à une petite folie qui résonne dans les aigus de sa voix ondulée. 

La saison dernière, Nevermore, sa propre adaptation de La poule d’eau de Witkiewicz, demeurait dans la pénombre, des clairs-obscurs qui traduisent parfaitement ce que fait passer Nicolas Luçon dans chacun de ces rôles : l’existence fragile de ses personnages et la force de leurs émotions.
N.N.


L’Éveil du Printemps, de Frank Wedekind. Mise en scène d’Armel Roussel. Créé en Belgique au Théâtre National.

Laurent Capelluto

Formé au Conservatoire de Bruxelles, Laurent Capelluto fait partie de ces comédiens - plutôt rares en Belgique - qui fréquentent davantage les plateaux de cinéma que les scènes de théâtre. Plusieurs fois nommé aux Magritte, il a tourné notamment avec Philippe Blasband, Arnaud Desplechin, Nicolas Wadimoff … 

Lorsque les caméras lui laissent quelque loisir, Laurent Capelluto retrouve ses complices de L’Infini Théâtre dont il est un acteur permanent. Leur spécialité : réenchanter les classiques. Mission réussie haut la main avec ce Misanthrope. Sans changer une virgule au texte de Molière, la metteuse en scène Dominique Serron parvient à rendre brûlants d’actualité les grands thèmes de la pièce : les paradoxes de l’amour et le conflit entre l’être et le paraître. Les salons du grand siècle ont fait place … aux réseaux sociaux ! Car c’est là que se jouent aujourd’hui les sentiments, les réputations, … les vies parfois ! Célimène réunit sa cour sur son blog ou sur Facebook, et y entretient habilement la flamme de ses nombreux soupirants qui, comme elle, cultivent avec soin leur image.

 Laurent Capelluto y incarne (en alternance avec Patrick Brüll) un Alceste tout en nuances, séduisant par son authenticité et son mépris des mondanités, touchant par son aveuglement amoureux et agaçant par son irréductible misanthropie. Au côté de ses comparses, il nous offre un Misanthrope qui sonne très juste et captive les jeunes générations.
D.M.


Laurent Capelluto dans Le Misanthrope de Molière. Mise en scène de Dominique Serron. Créé au Studio Thor. Création de L’infini Théâtre coproduite par l’Atelier Théâtre Jean Vilar.

Jean-Pierre Baudson

Serait-ce l’année de Jean-Pierre Baudson? “Sévissant” sur nos scènes depuis les années 80, ce permanent du Théâtre National a reçu deux grands rôles cette saison, chacun en lien avec une actualité brûlante. Son premier est le plus concret et le plus réaliste. Dans La Route du levant de Dominique Ziegler, il incarne un policier aux prises avec un jeune homme suspecté de sympathies intégristes et terroristes. L’échange est intense mais pas survolté, car l’enquêteur garde son calme, ainsi l’a voulu Jean-Michel Van den Eeynden le metteur en scène de ce huis clos où il fait parler Baudson l’homme d’expérience, paternel et bienveillant mais aussi critique envers une menace diffuse incarnée par le jeune Grégory Carnoli. Mais le flic cache aussi sa propre fêlure… 

Le hasard de la saison a voulu que le comédien participe à un autre spectacle sur le terrorisme. Dans Bruxelles Printemps noir, l’horreur - les attentats de Bruxelles - est arrivée et Jean-Marie Piemme en écrit le chœur post-traumatique que Philippe Sireuil met en scène. Jean-Pierre Baudson intervient dans un des tableaux les plus marquants. Vêtu d’une grande robe noire, tel un Charon affairé, il tient la morbide comptabilité des victimes des attentats de Bruxelles, une présence presque burlesque dans un contexte qui ne l’est pas du tout. 

Voilà donc deux rôles aux antipodes - à la source du drame et à sa suite -, celles de nos menaces contemporaines pour un comédien que l’on avait déjà vu exploser en rocker paternel dans Heroes (Just for one day) de Vincent Hennebicq. Au cours de sa riche carrière, Jean-Pierre Baudson a joué aussi pour Philippe Van Kessel, Jean Lambert, Charlie Degotte, Lorent Wanson ou encore Sofia Betz. Ce comédien réunit les générations et les styles, en nous surprenant, souvent.
N.N.


La Route du levant de Dominique Ziegler. Mise en scène de Jean-Michel Van den Eeyden. Créé au Théâtre de l’Ancre. Coproduction Théâtre de l’Ancre et Théâtre National

Reprise : le 8 novembre 2018 à Liège (Cité Miroir), le 9 novembre à Beloeil (Centre culturel), du 12 au 17 novembre au Théâtre de Namur, du 26 au 29 novembre 2018 à Charleroi (Eden) et le 8 janvier 2019 à Bozar.

Et Bruxelles Printemps noir de Jean-Marie Piemme. Mise en scène de Philippe Sireuil. Créé au Théâtre des Martyrs. Coproduction La Servante, Théâtre en Liberté, Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Compagnie Biloxi 48, La Coop, Les Teintureries - Ecole de Théâtre.

WildernessArieh Worthalter met sa propre histoire à l’épreuve du plateau. Seul en scène, il raconte deux années d’errance qui l’ont amené à se confronter aux limites de la solitude. Coupé du monde, à la marge des villes, hors système, il aura vécu un hiver complet dans une cabane au nord du Canada. La mise en scène de Vincent Hennebicq enferme l’acteur dans un immense cube de verre. Isolé du reste de la salle, il s’adresse au public de l’autre côté d’une paroi vitrée dans un décor qui reflète fidèlement la nature à l’état sauvage avec ses roches, ses arbres et ses ruisseaux. Le récit s’étire sur plus d’un an et, au-delà du sentiment d’isolement palpable dès les premières scènes, l’équipe artistique est parvenue à rendre perceptible l’égrainage du temps, transformant ce décor en personnage à part entière. La chaleur moite de l’été laisse place aux couleurs de l’automne avant que l’hiver, la neige et le froid ne portent un coup fatal au personnage. Boris Dambly à la scénographie, Arié Van Egmond aux lumières et Thomas Turine aux effets sonores parviennent à placer le public en situation de voyeur impuissant qui observe, depuis le confort d’une salle, un acteur se battre contre les éléments. Ils relèvent avec brio un pari osé : transformer la boite noire du théâtre en un décor à ciel ouvert. 

F. C.

Créé au Théâtre National.

Un spectacle d'Arieh Worthalter et Vincent Hennebicq Mise en scène Vincent Hennebicq Scénographie Boris Dambly Création lumière Arié V Egmond Création sonore Thomas Turine Costumes Émilie Jonet 

Coproduction Théâtre National, Festival de Liège

Is there life on mars?

Alors que les psys s’écharpent toujours sur les causes et les traitements de l’autisme et alors que personne ne semble avoir véritablement percé les mystères de ce trouble, au spectre si large qu’il est impossible d’en définir les contours exacts, Is there life on mars ? nous met en orbite autour de cette planète réputée impénétrable. Par une alchimie miraculeuse entre scénographie, vidéo, mouvement, son et lumières, la pièce nous donne l’impression de toucher au plus près du quotidien des autistes et de leur entourage. Casque sur les oreilles, les comédiens entendent les témoignages récoltés en amont de la pièce et les reproduisent en direct, en les imitant plutôt qu’en les jouant, ce qui donne un côté spontané, à vif, aux confessions. Mais la réussite de la pièce tient surtout à son contrepoint onirique : des pas de danse font écho aux mouvements compulsifs ; la vidéo crée des effets d’optique pour dire le décalage que ressentent les personnes autistes ; en quelques mouvements déplacés, on comprend qu’il leur faut jouer la comédie pour se conformer à des codes sociaux qui sont complètement naturels chez les autres. Formidable boîte à tiroirs, la scénographie de Cécile Hupin s’ouvre sur des décors infinis, dans une improbable cacophonie qui rend à merveille ce chambardement de bruits et d’images qui assaillent des personnes autistes hyper sensibles aux plus infimes détails de leur environnement. C’est la grande force de ces tableaux composites : sans jamais être illustratifs, ils nous donnent à sentir une façon d’être, sans jamais la fixer vraiment. 

C.Ma.

Créé au Théâtre National.

Écriture et mise en scène Héloïse Meire (Compagnie What’s Up ?!) Scénographie Cécile Hupin Assistante Esther Sfez Mouvement Sandrine Heyraud Créateur sonore Guillaume Istace Créateur lumière Jerôme Dejean Vidéo Matthieu Bourdon.  

Coproduction Festival de Liège.

Vernon Subutex

Vernon Subutex «on stage» : il y a des audaces qui tirent dans le mille. Musique et Poésie, théâtre musical, souffle punk-rock, beatnik, art et culture de la tangente à l’image du portait de génération qu’épingle Virginie Despentes dans sa trilogie dont les deux premiers tomes ont été ici adaptés par le metteur en scène-acteur René Georges (Cie Hypothésarts). Une phrase en passant de cette génération qui avait 20 ans dans les années 90: «Le premier morceau que j’ai su jouer entier, c’était She’s Calling You. Ça m’a pris un été. C’était une guerre qu’on faisait. Contre la tiédeur." Atmosphère, atmosphère. La création technique et artistique est de premier plan aux côtés de l’acteur lui-même en récitant littéraire. René Georges a judicieusement embarqué dans l’aventure le musicien-chanteur-songwriter Kris Dane et le réalisateur Xavier Istasse. Bingo: ça déchire.

Créateurs d’images pour la RTBF, photographe et réalisateur, vidéaste pour le théâtre, Xavier Istasse voyage dans un monde vaste, hétéroclite. Un globe-trotter attaché au patois wallon, qui soutient activement les migrants et réfugiés syriens ou d’ailleurs. Dans Vernon, il nous ramène les lieux du roman, croisant des superbes portraits de gens, «des gueules». Il nous fait tourbillonner dans des images, des couleurs, des perspectives créées, inspirées de la culture graphique punk et de l’esprit «fanzine». Waouw ! Sur scène, Kris Dane (entre autres ancien membre de Ghinzu) y va de son riff aussi: guitare, costard, voix folk-rock-blues glissant dans l’apaisement, errant à son tour avec, au détour, une gratte nerveuse «garage». Waouw! Ce Vernon Subutex est une belle équipée.

Il y a de la dégaine dans cette traversée sombre, existentielle, entre la société et ses individus largués qui se cassent dans l’errance. Poétique et politique, on plonge dans ce  concert global aussi touchant que le roman-phare auscultant l’état de notre société, ici et maintenant.  

N.A.

Créé au Théâtre de Namur

Texte Virginie Despentes Conception, adaptation & jeu René Georges Musique et chant Kris Dane Basse Anthony Marcon Batterie/Percussions Orisha Images et réalisation art vidéo Xavier Istasse Lumières Julien Soumillon et Simon Fosséprez

Coproduction Cie Hypothésarts, XK Theater Group , coproduction Théâtre de Namur / Centre Dramatique et Découvrez-vous !

Tableau d'une exécution

Le principal personnage de la pièce est un tableau monumental représentant l'effroyable bataille de Lépante, commandée par les autorités de la Venise du XVIe siècle à l’artiste Galactia. Celle-ci, peintre réaliste et femme intransigeante et libre, entend restituer toute l'horreur du massacre du fait de guerre alors que le Doge attend une allégorie chrétienne sur «la plus noble des victoires sur les païens turcs». L'artiste et le politique s'opposent, dans des rapports très complexes, conscients que ce qui restera de la bataille, c'est l'image qui se substituera à la réalité. Si le tableau est au centre de l'histoire, il n'apparaît à aucun moment, seules des transpositions sont montrées par le jeu et le corps des acteurs. Lorsqu'il est dévoilé, la violence qu'il renferme est évoquée sous la forme de scènes de combat presque esthétiques. La pièce brille également par un dispositif scénique impressionnant avec un écran incliné suspendu au-dessus de la scène. Tantôt miroir, il renvoie l'image des comédiens qui évoluent sur la scène. Tantôt opaque, il sert de support aux images qui y sont projetées. Enfin transparent, voire translucide, il permet de voir des personnages situés dans les hauteurs de la scène. 

D. B

Créé au Théâtre de Namur

Texte Howard Barker Mise en scène Emmanuel Dekoninck (Les Gens de bonne compagnie) Scénographie Renata Gorka. 

Coproduction Théâtre de Namur, Théâtre de Poche.

Les Enfants du soleil

Après Vania! en 2014, Christophe Sermet poursuit son diptyque consacré aux auteurs russes s’attelant, après Tchékhov, au théâtre politique de Maxime Gorki. La pièce a été composée en 1905 au lendemain d’une révolte avortée en Russie. Maxime Gorki veut sensibiliser aux idées de la révolution. Il brosse le portrait d’une élite sociale isolée du monde et aveugle à la détresse d’un peuple. Ils sont médecins, vétérinaires, artistes et professeurs. Trop occupés à rêver la vie ou à la réinventer, ils n’imaginent pas qu’au dehors de la propriété, un mal fait rage et qu’ils sont cernés par le peuple en colère. Christophe Sermet opte à nouveau pour un dispositif épuré et efficace. L’immense bar que l’on apercevait dans Vania! se transforme en table de cuisine. Le meuble, seul élément concret, occupe toute la largeur de la scène et sert de point d’ancrage au débat. Simon Siegmann à la scénographie imagine une entrave, un panneau transversal qui surplombe le plateau le divisant de part en part. Tantôt support à la vidéo, tantôt rideau de scène, le dispositif réduit encore l’espace de jeu, obligeant presque les acteurs à se mettre à table. La puissance du décor ne se révèle qu’à la fin du spectacle. Lorsque les personnages de la pièce sont rattrapés par une foule en colère, la table des utopies est alors renversée et devient barricade; une autre métaphore politique. 

F. C.

Créé au Théâtre des Martyrs. 

Adaptation et mise en scène Christophe Sermet d'après Maxime Gorki (Compagnie du Vendredi) Scénographie Simon Siegmann. 

Production Rideau de Bruxelles

Apocalypse bébé

Il fallait oser monter un roman qui se lit comme on regarde un road movie, en multipliant les décors et les rencontres. L'autrice Virginie Despentes emmène ses personnages de Paris à Barcelone, la metteuse en scène Selma Alaoui n'évite quasiment aucune étape et la scénographe Marie Szersnovicz en a imagine l'itinéraire scénographique. Quoi de mieux que de mettre une voiture sur scène pour embarquer dans cette enquête? Les éléments du décor vont et viennent comme dans un ballet, du bureau austère de l'enquêtrice à une boîte de nuit espagnole. «Un spectacle n'évolue jamais de manière linéaire, mais par couche, explique Selma Alaoui pour expliquer son dialogue avec son équipe. Même si ça n'apparaît plus au final sur scène, tout ce qui a été pensé à un moment transpire sur scène.» Interviennent aussi la vidéo de Bruno Tracq et les lumières de Simon Siegmann pour dessiner au final un espace de jeu extrêmement mouvant et narratif. Il en fallait plus pour faire peur à Marie Szersnovic. Habituée de nos scènes, cette diplômée de l'Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg ne cesse de nous éblouir par sa capacité à créer l'écrin qui accueille tantôt un seul en scène au climat humide et ironique (Et avec sa queue il frappe, saison 2013/2014) ou du théâtre documentaire en milieu froid et clinique (Études de Françoise Bloch cette saison). Son talent est de se mettre pleinement au service de l'histoire à raconter et des thèmes que le spectacle véhicule. Scénographe attitrée des productions de Transquinquennal, elle aime se confronter aux projets décalés. La cohérence demeure de sorte à ce que la scénographie soit le personnage ultime du spectacle. 

N.N.

Créé au Théâtre de Liège. 

Adaptation et mise en scène Selma Alaoui d'après Virginie Despentes (Collectif Mariedl) Scénographie Marie Szersnovicz

Coproduction Théâtre de Liège, Théâtre Varia, Théâtre de Namur, Manège.Mons

Léone François

Pyjama informe, cheveux défaits et regard perdu, elle incarne Mo, patiente d’un hôpital psychiatrique à la langue boiteuse, incapable d’exorciser les peurs enfouies depuis l’enfance, et en permanence à côté d’elle-même. Léone François est impressionnante de justesse dans ce personnage fragile des Consolantes, la dernière pièce de François Emmanuel. Toute en intériorité, elle la suit dans son délire obsessionnel et ses tentatives de s’arrimer au monde. A la fin de la pièce, après s’être confrontée au terrible secret d’une compagne de chambrée, Mo finira par se réconcilier avec la vie et à trouver une sorte de paix aux côtés des trois femmes qui partagent son sort. Quelques mois plus tôt, on avait découvert Léone François dans Gunfactory, docu-fiction sur le commerce des armes. Là au contraire, elle multipliait les rôles extravertis et se transformait au gré de la narration en pasionaria de la cause pacifiste, en journaliste au verbe haut prête à en découdre avec les politiciens marchands d’armes, ou en citoyenne (filmée) bien décidée à forcer la porte de Paul Magnette. Comme les plus grandes, Léone François est déjà capable de se métamorphoser et de se couler dans des rôles très différents. Enfin, comme de nombreuses comédiennes d’aujourd’hui, cette diplômée de l’IAD joue avec talent sur plusieurs tableaux : le théâtre, le cinéma et la télévision où l’on a pu la voir récemment dans la Web-série La Théorie du Y, adaptation d’une pièce de théâtre où elle incarnait déjà avec un formidable naturel le rôle d’Anna, une adolescente qui s’interroge sur son orientation sexuelle. Le nom de Léone François a souvent résonné cette saison, gageons qu’il résonnera encore … 

D.M.

Dans Gunfactory 

Écriture et mise en scène Jean-Michel d'Hoop (Compagnie Point Zéro). Créé au Festival des Libertés et à la Comédie Claude Volter.

et dans Les Consolantes

Texte François Emmanuel. Mise en scène Pascal Crochet. Créé au Poème 2.

Gwendoline Gauthier

Travail moderne, spectacle passionnant, jeu collectif à dix interprètes dont le « noyau » est balaise mais où les jeunes talents font leur effet. C’est le cas de Gwendoline Gauthier dans Les Enfants du soleil d’après Gorki dans une mise en scène d’orfèvre de Christophe Sermet. Cette création remporte d’ailleurs quatre autres nominations. 

Les Enfants du soleil est un huis clos dans une maison bourgeoise aux idéaux « progressistes » où tous sont au bord de l’implosion, en échos aux turbulences de l’Histoire (la Révolution russe). Le spectacle est ample et captivant, drôle et sombre, léger et dense à la fois.  Dans cette « masse » de talent, Gwendoline Gauthier brille, nous offrant un joli dosage d’une servante effrontée encore un peu retenue à l’aune de la révolution russe. Un jeu sur le fil qui tape dans l’œil du spectateur. Pas mal pour un rôle (une bonne) en périphérie de la pièce. Bravo. Si on avait su, juste avant son interprétation de bonne, on aurait filé à Paris la voir jouer une… reine (Marie Tudor d’après V. Hugo) qu’elle a créé avec sa Compagnie Gringore.

Gwendoline Gauthier, d’origine française, démarre le théâtre à 16 ans au lycée puis au Conservatoire avant d’atterrir en 2010 à l’ESACT (Conservatoire de Liège) où elle travaille avec Mathias Simons, Raven Ruëll, Vincent Hennebicq, Jeanne Dandoy,… où elle participe à une performance de Romeo Castellucci. Excusez du peu. Son CV l' annonce branchée sur la création en collectifs (Les Paradisiers, Collectif3, Die Schmiede,…). La saison prochaine (17-18),  on la retrouvera dans Mouton noir - pièce sur le harcèlement entre jeunes, par la bande - d’Alex Lorette, mise en scène de Clément Thirion (au Jean Vilar) ainsi que dans Love and Money de Dennis Kelly, mise en scène de Julien Rombaux à l’Ancre. 

N.A.


Dans Les Enfants du soleil 

Adaptation et mise en scène Christophe Sermet d'après Maxime Gorki (Compagnie du Vendredi).

Créé au Théâtre des Martyrs Production Rideau de Bruxelles

Marie-Aurore d'Awans

Elle est plantée au milieu du plateau, micro dressé, et une formidable énergie émane de sa mince silhouette. Diplômée de l’IAD, Marie-Aurore d’Awans n’en est pas à sa première apparition sur les planches. Mais son talent, c’est ici qu’elle en donne toute la mesure, à travers le beau roman de Lydie Salvayre, Pas pleurer, adapté à la scène par Denis Laujol. L’auteur nous conte l’histoire de sa mère Montserrat, dite Montse, plongée dans la guerre civile espagnole dès l’été 1936. Dans son petit village catalan, Montse est une «mauvaise pauvre», c’est-à-dire «une pauvre qui ouvre sa gueule». Aux côtés de son frère anarchiste, elle découvre la révolution, la liberté et l’amour. Trop vite vient la défaite et la fuite vers la France, seule, son bébé accroché à la taille et à qui elle répète: «Pas pleurer». Elle n’avait que quinze ans à l’époque. Elle en a aujourd’hui nonante-six et a tout oublié de sa vie, sauf cette courte période dont elle livre le récit à sa fille, devant un verre d’anisette. Accompagnée par la guitare de Malena Sardi, Marie-Aurore d’Awans nous offre un vibrant portrait de femme engagée, entre exaltation révolutionnaire, espoirs et désillusions. Forte de ses racines catalanes, elle glisse en virtuose de la narratrice à la vieille maman, du beau français de l’une à cette langue savoureuse que l’autre s’est construite en exil, une sorte de «fragnol» impur et bourré de confusions. Mais son travail raffiné sur la musique des mots ne serait rien sans cette intense présence tantôt intériorisée tantôt déployée à travers tout l’espace du plateau. 

D.M.


Dans Pas pleurer

Texte Lydie Salvayre Mise en scène Denis Laujol (Compagnie Ad Hominem)

Créé au Théâtre de Poche Coproduction Théâtre de Poche, La Charge du Rhinocéros

François Regout

«Epoustouflant»: un adjectif à la grosse louche, utilisé comme un chemin facile. Et pourtant, c’est cet adjectif, tout simple, qui définit le mieux l’uppercut du jeu de François Regout dans Is There Life on Mars? d’Héloïse Meire (Cie What’s Up). C’est ce qu’on entend parmi les spectateurs jusqu’à la sortie du spectacle. Il existe des talents qui comme des tubes débarquent comme une évidence. Nominé dans la catégorie  «meilleur spectacle», la pièce nous plonge dans un univers théâtral sensoriel sur l’autisme en alternant des témoignages joués/restitués par les comédiens ainsi que des scènes oniriques proches de l’installation plastique.

Joué sur le fil entre l’intériorité de l’autiste et l’extériorité du témoignage, François Regout excelle avec une précision de jeu (voix et corps), se mouvant dans une fluidité kaléidoscopique à l’image du spectacle. Même glissé dans un excellent quatuor d’interprètes, son talent se remarque, ainsi de son interprétation confondante, bluffant, de Josef Schovanec (autiste militant, chroniqueur truculent sur France2, Europe1, RTBF-La Première).

Ce jeune comédien de 28 ans est sorti de l’IAD en 2016 tout en enchaînant quelques stages intéressants : danse-marionnette, clown, méthode Laban ou encore Suzuki Viewpoints, chant et doublage. Au théâtre, on le retrouve dans Zazie dans le métro (m.e .s Miriam Youssef), Paraît que la vie est belle (m.e .s  Sylvie De Braekeleer), Woody in Love (m.e .s Eric de Staercke) ainsi qu’assistant à la mise en scène de Gunfactory (Cie Point Zéro).  En 2014, encore étudiant, il signait L'orgasme du cumulonimbus (30') («spectacle poético-burlesque mêlant, marionnette, mime et danse, 3 personnages s'affrontent pour trouver leur place sur scène»). Talent à suivre. 

N.A.


Dans Is There Life on Mars

Écriture et mise en scène Héloïse Meire (Compagnie What’s Up ?!)

Créé au Théâtre National Coproduction Festival de Liège

et dans Zazie dans le métro 

Adaptation et mise en scène Miriam Youssef d'après Raymond Queneau 

Créé au Théâtre Royal du Parc

Adrien Drumel

On pourrait croire qu'Adrien Drumel est un danseur. Dans ses prestations, multiples encore une fois cette saison, il prouve que le corps est l'un des plus importants outils de l'acteur. Il surprend même avec celui-ci dans Pétrole! que Frédéric Dussenne a adapté de Pier Paolo Pasolini. Quatorze spectateurs autour d'une table écoutent ce personnage qui raconte cette histoire troublante de rapports Nord-Sud. Le jeune comédien ponctue ce monologue de chorégraphies venues d'ailleurs, instantanés adressés à son metteur en scène resté en observateur discret de cette tablée particulière. Cette affection pour le mouvement, cet ancien étudiant du conservatoire de Mons nous l'avait déjà montré dans les fantastiques Reflets d'un banquet de Pauline d'Ollone. Que ce soit dans les classiques - Les Femmes savantes de Molière ici aussi mis en scène par Frédéric Dussenne- ou dans les textes plus contemporains -La Beauté du désastre de Thomas Depryck et mis en scène par Lara Ceulemans-, ce boulimique des planches a démontré une palette de jeu diversifiée, ne craignant jamais la difficulté du texte ou du rôle. Avec sa longue barbe, il participera aussi à la prochaine démonstration masculine d'Eline Schumacher Le Village des zizis, dont on a pu apprécier un avant-goût au festival XS. Nul doute que cet acteur qui semble n'avoir peur de rien -y compris vider une bouteille de rouge à chaque représentation de Pétrole!- ne sera plus longtemps un espoir, tant son talent semble déjà confirmé. 

N.N.

Dans Les Femmes savantes

dans Pétrole!

Texte Pier Paolo Pasolini Mise en scène de Frédéric Dussenne (Compagnie L'Acteur et L'Écrit)

Texte Thomas Depryck Mise en scène Lara Ceulemans (Les Meutes asbl) Créé à MARS (Mons arts de la scène). Coproduction Mars – Mons arts de la scène et le Théâtre National Bruxelles

Ismaïl Akhlal

Ismaïl Akhlal, 28 ans, est auteur, acteur et metteur en scène à ses heures perdues, quand il ne travaille pas dans l’épicerie de son père, Bab Marrakech, située sur la Chaussée d’Ixelles, proche de la Porte de Namur. Deux mondes a priori opposés sauf que l’artiste les a croisés dans un seul en scène pétaradant, et touchant, qu’il a intitulé… Bab Marrakech. On y croise aussi bien Flamands, Turcs, Berbères, expatriés français, Russes, Bruxellois «de souche» ou d’adoption, tous incarnés par un Ismaïl Akhlal transformiste qui change de personnage en une perruque, un accent, un changement de ton. Au-delà des échanges a priori banals autour des courses à faire se dessinent des milieux sociaux, des manières d’êtres, d’appréhender la société belge dans ses mille et un contrastes. On y découvre un fournisseur de produits halal pour la société «halalluia», une madame pipi bruxelloise parmi les plus fidèles clientes, un fervent musulman qui transforme la chanson de la Reine des Neiges en hymne religieux hilarant, des bobos décalés, un chef de rayon à la logique pleine de surprises. Tout ce petit monde rend hommage à Bruxelles la multiculturelle. Sur ces portraits drôles et attendrissants se greffe le récit poignant d’une relation père-fils. Réticent à remplacer son paternel, malade, dans l’épicerie familiale, Ismaïl s’y résout pour finalement se rapprocher de cette figure sévère et inaccessible. Il en ressort une tendresse que les mots ne peuvent exprimer. Si on rit beaucoup, on ressort surtout de Bab Marrakech avec l’envie d’aimer la ville telle qu’elle est. Sans jamais porter de jugement, Ismaïl Akhal croque avec un naturel désarmant une population riche de son métissage. 

C.M.

dans Bab Marrakech

Texte Ismaïl Akhlal, Naïm Baddich et Salim Haouach Mise en scène Mohamed Ouachen (Compagnie Ras El Hanout). 

Créé à l'Espace Magh

Tabula Rasa

Tabula Rasa nous fait nous asseoir autour d’une table. Pas n’importe laquelle, celle des repas familiaux. D’entrée de jeu, les quatre comédiens nous dressent la cartographie de ces lieux domestiques régis par leurs règles, leurs us et coutumes. Un père qui préside, une mère qui sert et dessert, des enfants qui s’agacent,… Comme nous l’annonce Violette Pallaro en voix-off, sa première création nous parle d’histoires simples, comme on en connaît tous. C’est autour de la table que les familles se construisent et se détruisent, se comprennent et s’invectivent. Ces rapports nous fondent. Par sa construction en patchwork de saynètes où le décor est à chaque fois recomposé, Tabula rasa parvient à brasser de nombreux thèmes: intimes -une mère qui s’inquiète des troubles alimentaires de son ado-, amoureux -un fils qui présente sa nouvelle fiancée à ses parents un peu rustres-, sociaux -un père qui répète son entretien d’embauche. La table est le point de départ de confidences, d’échanges et de colères. Et même si le spectacle s’éparpille un rien dès qu’il quitte les chaises dans sa seconde partie, on se retrouve en chaque récit. On rêve d’avoir à partager un repas avec ce formidable quatuor d’acteurs (Thierry Hellin, Lara Persain, Laura Fautré et Clément Goethals) que Violette Pallaro observe en sociologue du quotidien, nous invitant à en faire de même. Découverte dans sa participation au projet Aube boraine de Lorent Wanson en 2015, la metteuse en scène s'est révélée doublement cette saison, puisqu'en plus de cette première écriture, elle a accompagné Ascanio Celestini dans Dépaysement présenté en clôture du Festival de Liège. 

N.N.

Écriture et mise en scène Violette Pallaro Interprétation Thierry Hellin, Lara Persain, Laura Fautré et Clément Goethals

Créé au Festival de Liège. Coproduction Festival de Liège, Théâtre National, Manège.Mons.

La Convivialité

De la salle de classe à la salle de théâtre, il n’y avait qu’un pas. Professeurs de français aujourd’hui «défroqués», Arnaud Hoedt et Jérôme Piron l’ont franchi brillamment avec un des spectacles les plus réjouissants de la saison. Reniant les préceptes appris à l’école des maîtres, ils n’hésitent pas à s’attaquer à l’un des tabous les plus tenaces de la langue française : l’orthographe. Au fil d’une argumentation sans faille, ils nous démontrent que l’orthographe, simple code graphique de la langue, est décidément un outil peu fiable, car totalement irrationnel et arbitraire. Mais alors, pourquoi lui vouer un tel culte et pourquoi les professeurs de français sont-ils sommés d’être les «curés de la langue»? Et comment justifier qu’elle puisse si souvent, à elle seule, barrer l’accès à un emploi et disqualifier le malheureux qui aurait osé l’outrager ? Une plongée dans l’histoire nous révèle que dès le 17e siècle, l’orthographe est aussi devenue marqueur social. De plus, dans notre monde hyper connecté, qui détient la norme en cette matière ? L’Académie ? Le dictionnaire ? Google ? Autant de questions passionnantes qui secouent nos certitudes, mais sans jamais ennuyer. En bons pédagogues, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron ont choisi la position debout, accordant leurs pas au rythme du discours dialogué, et ont fait appel à la complicité de Kevin Matagne pour leur créer des vidéos à la fois belles et efficaces. Ils savent aussi que pour convaincre un public (en classe ou au théâtre), un des meilleurs outils c’est l’humour. Et l’on rit beaucoup tout au long de cette éblouissante conférence-spectacle. 

D.M.

Écriture Arnaud Hoedt et Jérôme Piron (Compagnie Chantal & Bernadette) Mise en scène Arnault Pirault

Créé au Théâtre National Coproduction Théâtre National, L'Ancre Charleroi 

En attendant le jour

François Sauveur, issu en 2005 du Conservatoire de Liège, signe le texte, la mise en scène et la composition musicale d'un spectacle en forme de défi: porter en scène l'euthanasie. Son père Luc Sauveur, oncologue et spécialiste des soins palliatifs, pratique l'aide médicale à mourir depuis 2003, un an tout juste après l'adoption de la loi autorisant cet acte en Belgique.

Cette première fois, marquante, balisera le spectacle. De même que les images, pudiques et fortes, des patients dont En attendant le jour évoque le parcours: Marco, 40 ans, “tête pensante d’un corps mort”, Jo, 70 ans, atteint d’Alzheimer, “qui a voulu vivre et mourir sans concession”, Marianne et son cancer incurable, qu’on ne “laissera pas aller là où elle ne veut pas aller”. Dialogue et confiance, écoute et doute, respect des procédures et surtout de l'humain, sans cesse mêlés dans la réalité, sont mis en jeu sur scène avec une grande délicatesse, dans un langage sobre qui ne sacrifie pas à l’éthique son parti pris esthétique. Aux côtés de Quantin Meert -en qui François Sauveur a trouvé le corps, le visage et la voix du médecin-, Laurent Caron, Seloua M’Hamdi, et enfin Luc Sauveur lui-même s’inscrivent volontairement en deçà du jeu théâtral, dans un espace sobrement organisé par Valérie Perin et Aurélie Borremans. Ces récits, loin de tout militantisme, englobent réel et fiction, émotion forte et convictions. La politique est restée sur le seuil. Demeurent le choix, la dignité, célébrés dans un acte théâtral à portée documentaire, dont la retenue fait la force.

M.B.


Écriture et mise en scène François Sauveur Interprétation Seloua M’Hamdi, Quantin Meert, Laurent Caron, Luc Sauveur

Créé au Théâtre de Liège Coproduction Théâtre de Liège, Théâtre de Namur, Maison de la Culture de Tournai, La Chaufferie-Acte1

Myriam Leroy

Elle a la dent dure, Myriam Leroy, qu’elle "cause dans le poste" ou qu’elle croque ses contemporains dans la presse écrite. Avec un talent aiguisé, un sens de la formule et une fine analyse des œuvres littéraires. Invitée par Nathalie Uffner du TTO à composer un texte de théâtre, ça donne un premier essai prometteur dans un genre précis et limité : la pièce à sketches. Cherche l’amour, ce sont donc 9 instantanés rythmés et féroces sur des solitaires en manque, essayant de combler, en vain, leur vide intérieur par une rencontre hasardeuse via internet. On voit défiler une pute et "un jeune péteux de la finance", un vieux à la recherche de petites jeunes, 2 couples d’échangistes, où les cathos sont plus vicelards que les "libérés", deux "vieux pédés"(sic) décatis, vrai "numéro" d’acteurs qui fait crouler la salle. Un gros et une grosse qui se dézinguent et une polyamoureuse, qui se présente au public en ces termes: "Je m'appelle Jane, j'ai 33 ans, et je cherche un garçon ou une fille, ou les deux, ou deux garçons ou deux filles ou ce que vous voulez du moment que ça tient chaud et que ça ne vous abandonnera pas sur une aire d'autoroute au début des vacances". Alors, des clichés, tout ça? Myriam Leroy assume: "Au fond nous sommes tous des clichés et une partie de ces personnages nous ressemblent". Et se défend de tout cynisme: "Sur les sites de rencontre la part de cruauté est beaucoup plus forte alors que mon écriture laisse la place à beaucoup plus de tendresse".  La plume acidulée fait mouche, pensée pour produire une machine à rire sur scène. Au total une "série" TTO pas loin de la "qualité Ministru", dans Cendrillon, ce macho. Il y a pire référence. 

C.J.

Myriam Leroy pour Cherche l'amour

Mise en scène Nathalie Uffner Créé au Théâtre de la Toison d'or

Arnaud Hoedt et Jérôme Piron

Et si tout cela n’était qu’un malentendu? Et si l’orthographe n’était qu’un outil de discrimination sociale? Dans La Convivialité, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron partent en croisade contre un dogme qui a des effets bien plus politiques que syntaxiques. L’un est professeur de français et l’autre professeur de religion catholique. Collègues dans la même école -l’Institut Don Bosco à Woluwé-Saint-Pierre-, ils ont imaginé une conférence à la fois pointue et décalée pour retracer l’histoire des subtilités (absurdités?) de la langue et questionner l’entreprise de sacralisation qui étouffe tout débat. Sur leur écran géant en guise de tableau noir, ils nous font réviser quelques règles linguistiques irrationnelles. Summum de l’aberration : on écrit «confiture de groseilles» au pluriel mais «gelée de groseille» au singulier parce qu’on distingue les fruits dans un cas et pas dans l’autre. La présence du "s" dépend donc du temps de cuisson! Les lettres muettes, les pluriels en «x»: tout y passe, avec les explications historiques -dont la distraction des moines copistes- de ces excentricités. Le tout agrémenté de fautes légendaires -le fameux «Omar m’a tuer» - et flagrants délits humoristiques. L’orthographe servirait-elle d’outil de sélection sociale? Ne plonge-t-elle pas les enfants dans une insécurité linguistique obstruant les idées, la poésie, la création? Pourquoi, sur une faute d’orthographe, juger la personne plutôt que la faute elle-même? Le spectacle pousse la porte d’un débat passionné.

C. M.

Arnaud Hoedt et Jérôme Piron pour La Convivialité

Mise en scène Arnault Pirault Créé au Théâtre National Coproduction Théâtre National, L'Ancre Charleroi

Stéphanie Blanchoud

«Il est 9h30, je viens chercher mes affaires.» C'est la séparation, avec son lot d'inventaire, de partage des biens communs, d'énumération des souvenirs du couple, de nostalgie de ces moments, souvent fragiles, fugaces, qui font une relation. Du désarroi naît le courage, le besoin de surmonter cette épreuve et passer à autre chose l'amène au fond d'une cour à l’arrière d’un immeuble où elle pousse la porte d'une salle de boxe. Elle panse ses poings comme elle panse ses plaies. Elle apprend la boxe, à ne pas baisser les yeux, la rigueur, l’épuisement, les coups qu’on donne et ceux qu’on prend. Elle retrouve la confiance, chasse la mélancolie, nettoie la trace de l'autre et entame la reconstruction de cet être dévasté par la rupture. Stéphanie Blanchoud pratique la boxe depuis cinq ans à raison de deux entraînements par semaine, c'est dire si elle connaît son sujet. Le récit a des allures autobiographiques même si l'auteure préfère parler « d'autofiction ». Dans ce monologue particulier, elle déroule une double ligne narrative, comme deux rails parallèles où se confondent métaphore et catharsis. Dans une écriture précise, légère mais efficace, Stéphanie Blanchoud s'efface devant une histoire qui tend vers l’universel.  

D.B.

Stéphanie Blanchoud pour Je suis un poids plume

Mise en scène Daphné D'Heur

Créé au Théâtre des Martyrs Coproduction Tatou Asbl, Wild Productions 

Philippe De Coen

Fondateur et directeur artistique de Feria Musica.

En 1982, Philippe de Coen a 33 ans et se choisit un hobby rare, le trapèze volant, qui le mène près de Paris, où il côtoie Bouglione, Fratellini, Plume, Zingaro, Archaos. Son «maître à voler» est un illustre trapéziste, Jean Palacy, qui entraînait Burt Lancaster. Le hobby se fait profession, chez Bouglione puis chez Michèle Anne De Mey dont la création de Pulcinella d’Igor Stravinski avec un orchestre dirigé par Georges-Elie Octors est accueillie en juin 1994 au Théâtre de la Ville de Paris. Le trapéziste finit par créer avec un compositeur (Benoît Louis) et un dresseur de chevaux (Jacques Charandack) la compagnie Feria Musica. Leur premier spectacle Les Liaisons dangereuses (1997) est salué comme la première création belge de «nouveau cirque», adoubée par le Cirque Plume. Dirk Opstaele, metteur en scène des Liaisons, poursuivra avec Calcinculo (2000). Mais le sommet de la success story vient de sa collaboration avec la chorégraphe Fatou Traoré. Sa mise en scène du Vertige du papillon (2004) est un triomphe international avec 220 représentations entre 2004 et 2007.Dès lors la compagnie décroche un contrat-programme important de la Communauté française. Un autre chorégraphe Mauro Paccagnella met en mouvement les deux œuvres suivantes, Infundibulum (2009) et Sinué (2012). Puis Philippe de Coen se lance dans une folle aventure un «cirque-opéra» Daral Shaga (2015) consacré aux migrants. Une aventure qui mêle les genres au risque de dérouter et les circassiens et les amateurs d’opéra. Les reproches les plus couramment entendus sont que le cirque y est «décoratif» et qu’une trentaine de tournées c’est trop peu pour du cirque. Oui mais c’est énorme pour un opéra contemporain mêlant réflexion et divertissement, cirque et jazz, chant et poésie, vidéo et performance. On assiste à une méditation poétique intériorisée entre un père et sa fille qui tentent de franchir l’obstacle  et se heurtent à ce mur. La "vieille génération" qui se sacrifie à la nouvelle, une lueur d’espoir et ces corps habiles de circassiens qui ne font pas un  "numéro" mais illustrent avec force le débat intérieur des protagonistes. La partition de Kris Defoort, d’un lyrisme parfois tendu dans le dialogue père/fille, introduit aussi des rythmes "jazzy" qui soutiennent la superbe scène d’escalade du mur, magistralement interprétée par la troupe de circassiens chorégraphiés et mis en scène avec intelligence par Fabrice Murgia.

Daral Shaga fut apprécié en France, aux Pays-Bas et, tardivement chez nous, au National cette année, dernier jalon d’un long parcours. D’où la décision du jury de couronner l’ensemble d’une œuvre et d’une entreprise commencées tard, presque par hasard et dont la période active (1997-2017) couvre 20 ans. Comme un hommage au cirque et à l’ensemble des arts de la scène, cirque, danse et opéra. Et comme dernière étape d’une aventure artistique rare.

C.J.

Marie Bos

Marie Bos, c'est une voix, grave et précise, qui semble parfois venir d'ailleurs. C'est cet outil dont elle joue pour gagner en force, ce que ne présage pas sa fine silhouette. Mais trêve de commentaires sur le physique, car c'est son jeu multiple et maîtrisé qui nous a conquis cette année. Avec une assurance déstabilisante, elle incarne en début de saison la mystérieuse Hyène dans Apocalypse Bébé mis en scène par Selma Alaoui. Cette ex-flic lesbienne aux méthodes musclées et à la sexualité assumée joue sur le paradoxe entre le corps et l'attitude. Mais d'elle se dégage une aura, autant de solidité qu'une fragilité. Marie Bos adopte la dégaine de celle qui ne s'en laisse pas compter mais révélera au final son humanité, à la Virginie Despentes, surgissante en point final. Dans Les Enfants du soleil, elle intègre pour la première fois la troupe de Christophe Sermet, se mêlant au plaisir de ces formidables actrices et acteurs d'être ensemble sur scène. Pour le rôle de Lisa, sœur inquiète du naïf Protassov, Marie Bos offre une palette encore différente. Ce personnage qui s'interdit l'amour avait besoin d'un phrasé plus lié, moins assertif. Elle voit la crise venir et tout le monde s'en fout. Ce n'est certainement pas la première saison que la comédienne nous impressionne. Que ce soit sous la direction d'Anne-Cécile Vandalem, d'Anne Thuot ou encore de Claude Schmitz, cette diplômée de l'Insas inonde la scène de son originalité, à l'image de ces metteurs en scène qui l'on choisie. Après Bleu Bleu, elle retrouvera Stéphane Arcas pour sa deuxième mise en scène Retour à Reims, d'après Didier Eribon, une création attendue au Varia en octobre. 

N.N.

Dans Apocalypse bébé

Adaptation et mise en scène Selma Alaoui d'après Virginie Despentes (Collectif Mariedl) Créé au Théâtre de Liège Coproduction Théâtre de Liège, Théâtre Varia, Théâtre de Namur, Manège.Mons

et dans Les Enfants du soleil

Adaptation et mise en scène Christophe Sermet d'après Maxime Gorki (Compagnie du Vendredi). Créé au Théâtre des Martyrs pour le Rideau de Bruxelles.

Cathy Grosjean

Une pièce de rhéto comme révélateur de plaisir théâtral, l'IAD pour suivre, dont elle sort en 1995. Et puis la Ligue d'impro, le Rideau, le Poche, l'Infini Théâtre... Des essais, des erreurs, des joies, et bien sûr des rencontres, comme avec Georges Lini. L'aventure du Z.U.T., à Molenbeek, peut commencer, audacieuse et collective. Jusqu'à La Défonce, le tout dernier spectacle du Zone Urbaine Théâtre -qui lui vaut le Prix de la Critique de la meilleure comédienne pour la saison 2009-2010.

Du répertoire (Shakespeare, Maeterlinck, Brecht, Molière...) aux écritures actuelles, du cinéma à la manipulation de marionnettes, Catherine Grosjean circule dans des univers multiples avec une étonnante plasticité, et un goût certain pour les projets socialement engagés (dont, cette année, Sing My Life de Cathy Min Jung).

Une longue complicité unit l'actrice à Jasmina Douieb, l'une de ses comparses du Z.U.T., qu'elle retrouvait cette saison pour Taking Care of Baby. À l’origine de la pièce du Britannique Dennis Kelly, il y a un fait divers: une jeune mère, Donna McAuliffe, jugée pour double infanticide. Catherine Grosjean lui donne un visage, une voix, une retenue troublante, presque attachante. À l’heure où le théâtre documentaire (ou “verbatim”) prend une place croissante sur les plateaux, et à l’ère effrayante de la post-vérité, la création de la Cie Entre Chiens et Loups avance avec puissance, audace et subtilité sur un terrain miné par les fausses évidences. Et où excelle la comédienne, développant en parallèle l'humanité et l'ambiguïté de son personnage. 

M.B.


dans Taking Care of Baby

Texte Dennis Kelly Mise en scène Jasmina Douieb (Compagnie entre Chien et Loup)

Créé au Théâtre Océan Nord Coproduction Théâtre Océan Nord et Atelier 210

Isabelle Wéry

On pourrait commencer par la formule consacrée: on ne présente plus Isabelle Wéry. Car on croit tout connaître d’elle: son talent protéiforme -quand elle n’occupe pas la scène pour y jouer, y danser ou y chanter, elle écrit-, ses music-hall décalés, sa passion pour Nougaro, son goût pour l’érotisme et le corps amoureux, sa présence sensuelle. Oubliez tout cela, oubliez les lèvres rouges, les tenues sexy, et découvrez une autre Isabelle: vêtue d’une robe écrue sans grâce et le visage blafard, ce n’est plus le corps triomphant qu’elle exprime, mais le corps absent d’un esprit malade. La comédienne incarne Percie, une des quatre patientes d’un hôpital psychiatrique imaginées par François Emmanuel dans sa dernière pièce, Les Consolantes. C’est à travers la langue que les trois femmes dévoilent peu à peu leur façon d’être au monde. Percie se montre la plus loquace, sa parole abondante est littéraire, maniérée, théâtrale. Isabelle Wéry interprète sobrement et tout en nuances ce personnage complexe qui endosse, avec une étrange excitation, toute une série de rôles, dont principalement celui d’un psychiatre, le docteur Gottschelling, détenteur du pouvoir et maître de leur sort. Une manière d’assurer son ascendant sur ses compagnes et de masquer sa profonde fêlure: sait-elle qui elle est? Tantôt grave, tantôt joueuse, Isabelle Wéry suit Percie dans ses métamorphoses, au gré des situations et des dialogues qu’elle s’invente en permanence. Curieuse de percer le secret de la femme endormie qui vient de rejoindre leur chambre, Percie propose de fouiller sa valise; lettres, ordonnances, … peu à peu, au fil de cette mise à nu, l’histoire de l’inconnue servira aux autres de révélateur et son acte terrible résonnera en chacune. Jusqu’au bout, Isabelle Wéry aura trouvé le ton juste pour traduire l’ambigüité de son personnage. 

D.M.

Dans Les Consolantes

Texte François Emmanuel Mise en scène Pascal Crochet Créé au Poème 2 

Yannick Renier

On en vient à penser que Yannick Renier a quelques traces slaves dans le sang, hérité de quelques ancêtres cosaques méconnus. Tchékhov lui allait déjà tellement bien dans Vania! Yannick Renier y était d’une séduction diabolique, goujat sublime auprès des femmes. En médecin lucide et écolo avant l’heure, son jeu trouble attisait l’orage en cours. Il semble logique que le metteur en scène Christophe Sermet l’ait embarqué dans la suite de son exploration du répertoire russe. Après avoir donné des airs de western à la campagne de Tchékhov, Yannick Renier ajoute encore un peu de vodka dans le samovar pour faire des Enfants du soleil de Maxime Gorki une matière non pas indolente mais charnelle et vibrante. Cette fois, le comédien y est Protassov, un bourgeois scientifique qui prétend percer les mystères de la vie au microscope mais ne voit pas ce qui se déploie, grandeur nature, sous son nez, entre les frustrations de son épouse et les émeutes sociales qui couvent. Né en 1975 à Bruxelles, Yannick Renier est le demi-frère de Jérémie Renier, avec qui il a partagé l’écran plusieurs fois, notamment dans le mémorable Nue Propriété de Joachim Lafosse. Dans les années 90, Yannick s'inscrit au Conservatoire royal de Bruxelles où il sera formé par Pierre Laroche. C’est sur un stage dirigé par Frédéric Dussenne qu’il rencontrera Joachim Lafosse. Il se partagera ensuite entre le cinéma (notamment chez Christophe Honoré), le théâtre et la télé où il se fait connaître du grand public grâce au rôle d’Hugo dans la série Septième Ciel Belgique sur la RTBF. 

C.M.

Dans Les Enfants du soleil

Adaptation et mise en scène Christophe Sermet d'après Maxime Gorki (Compagnie du Vendredi)

Créé au Théâtre des Martyrs Production Rideau de Bruxelles

Didier de Neck

Absence de guerre, c’est l’histoire de Neil Kinnock, un leader travailliste des années 80/90, baptisé ici George Jones, en train de perdre une bataille électorale. Une équipe de conseillers en communication convertit un leader encore porteur de quelques valeurs de gauche en un  "produit" sans consistance idéologique .Et qui du coup ne rassemblera même plus ses électeurs "naturels". Absence de guerre basé sur cet échec sonne terriblement actuel par l’étude d’un cas flagrant de " trahison " des valeurs de gauche par un ‘social démocrate’. En 2017 la maladie de la social-démocratie est plus actuelle que jamais, un enjeu belge, français, européen. Didier de Neck, dans le rôle de Kinnock/Jones est passionnant. Il joue "juste" toutes les nuances et les états d’âme de ce politicien en perte de «valeurs», mais pas caricatural, pas même pas antipathique ! Un tour de force !  Il n’écrase pas son équipe mais comme acteur principal il règne naturellement, "en majesté"! Un de ses tout grands rôles en plus de 40 ans de carrière. Didier de Neck est un grand comédien curieux de tous les mondes. Ici son rôle est ‘réaliste’ dans un beau feuilleton politique à l’anglaise. Mais il a aussi participé cette année à l’Opéra Vlaanderen à la création mondiale d’un opéra contemporain à l’esthétique plutôt symboliste, Infinite now de Chaya Czernowin, mis en scène par Luk Perceval. Chanteurs et acteurs nous plongent dans une autre guerre, celle des tranchées de 14/18. Acteur de cinéma il a aussi co-écrit le scénario (et joué dans) Toto le héros et Le 8e Jour de Jaco Van Dormael. Enfin son «métier de base» c’est le théâtre jeune public: il a fondé en 1978 La Galafronie avec Jean Debefve et Marianne Hanse. Le trio est toujours co-directeur/trice artistique. 40 ans d’amitié dans un métier difficile. Qui dit mieux? 

C.J.

Dans L'Absence de guerre 

Texte David Hare Mise en scène Olivier Boudon (La Schieve Compagnie). 

Créé au Théâtre Océan Nord

David Murgia

Habité, porté par ses Discours à la nation, credo et textes que le poète et conteur italien Ascanio Celestini écrit pour lui, tendrement nerveux et résolument charismatique, David Murgia semble être né pour les «seuls en scène». Cette scène qu'il arpente, occupe, caresse puis rudoie pour occuper tout l'espace. Physique, d'abord. Psychique, ensuite. Dans la continuité du Discours à la nation, qui lui valut le Molière de la révélation masculine en 2015, le comédien verviétois revient chanter, chuchoter ou exhumer les paroles du communiste Celestini dans Laïka, un seul en scène à nouveau, accompagné par l'accordéoniste Maurice Blanchy, qui donne lui aussi chair et vie aux invisibles, à ces personnes en marge auxquels on oublie de donner un nom, une existence, une dignité. A peine, parfois, un petit sou pour soulager nos consciences. Indigné au plus profond de son être, membre du Raoul collectif, David Murgia, en véritable Jésus-Christ, traduit sa révolte avec d'autant plus de conviction qu'il y mêle l'humour, l'humilité et l'amour du genre humain. Sans jamais se draper derrière l'armure du conquérant. La force de l'artiste réside dans sa fragilité, celle qu'il ose toujours dévoiler. Au théâtre comme au cinéma où sa filmographie laisse déjà pantois. De La Régate de Bruno Bellefroid (2009) au Tout Nouveau Testament de Jaco Van Dormael (2015) en passant par Rundskop de Michaël R.Roskam (2010), il est de tous les bons scénarios. Et n'a sans doute pas fini de faire parler de lui. 

L.B.

Dans Laïka

Texte et mise en scène Ascanio Celestini

Créé au Festival de Liège Coproduction Festival de Liège, Théâtre National

Je suis un poids plume

Parfois la vie nous donne envie de frapper dans les murs, ici le théâtre nous entraîne sur un ring.  Après un passage remarqué dans la série Ennemi Public, Stéphanie Blanchoud revient au théâtre avec Je suis un poids plume, un texte musclé qu’elle décide de porter seule au plateau. La pièce retrace l’histoire de cette jeune femme qui, après une rupture sentimentale, choisit de pousser la porte d’une salle de sport et d’enfiler les gants. La découverte de la boxe va être une véritable révélation. Lorsqu’elle boxe, le souffle court, les dents serrées, elle revit les étapes douloureuses de la rupture: les premières disputes, le partage des meubles, la remise de l’appartement. Semaine après semaine, les gestes s’affinent, la respiration se calme, les mots se précisent et se font… percussifs. Stéphanie Blanchoud livre une prestation physique. Après s’être mise en tenue, l’actrice se raconte tout en fixant les bandages de protection autour de ses doigts. La mise en scène de Daphné D’Heur passe par les rituels des sports de combat. La musique utilisée dans le spectacle ne fait pas l’écueil de la surenchère. Le violoncelle de Jérémie Ninove offre un contrepoint sensible au spectacle. Il entre également en résonance avec son titre Je suis un poids plume; l’histoire d’une jeune femme qui, après avoir été jetée dans les cordes, décide de se relever et de ne plus jamais baisser la garde.

F.C.

Texte et interprétation Stéphanie Blanchoud Mise en scène Daphné D'Heur

Créé au Théâtre des Martyrs Coproduction Tatou Asbl, Wild Productions

Laïka

Jésus est de retour sur terre, non pour rallier à sa cause les incroyants et autres mécréants, mais pour voir dans quel état est ce monde qu'il a laissé il y a plus de vingt siècles. De la fenêtre de son appartement -qu'il partage avec un Pierre muré dans le silence mais qui laisse chanter son accordéon-, il décrit ce morceau d'humanité qui occupe un bout de bitume sur le parking du supermarché d'en face. Un clochard qui fait la manche, une vieille dame à la tête embrouillée, la prostituée qui vit dans l’immeuble, des manutentionnaires qui déplacent des caisses à l'entrepôt, les migrants qui cherchent un ailleurs meilleur et les messieurs du bar. Dont il revient justement. Son récit évoque également Che Guevara, les trois religions monothéistes et même une ancienne gloire du football. Et pour prendre de la hauteur, le big bang de Stephan Hawking et, of course, Laïka, la chienne qui lorsqu'elle a été envoyée dans l’espace, était l'être vivant le plus proche de dieu. Après Discours à la Nation, ce texte cynique et drôle, également signé Ascanio Celestini et porté par David Murgia, porte la voix des laissés pour compte, ces êtres minuscules, insignifiants, broyés par la société. Le comédien livre ce texte engagé et imagé dans un débit vertigineux mais sans faille. Dans un décor minimaliste, David Murgia irradie, dégage un présence impressionnante qui donne à penser que c'est acteur est habité. 

D. B.

Texte et mise en scène Ascanio Celestini Interprétation David Murgia

Créé au Festival de Liège Coproduction Festival de Liège, Théâtre National

L'Entrée du Christ à Bruxelles

Après Hugo Claus et Tom Lanoye, voici qu’un troisième larron venu du Nord débarque sur nos scènes : Dimitri Verhulst et son Entrée du Christ à Bruxelles. C’est à Georges Lini que l’on doit l’adaptation de ce remarquable roman, digne de la toile éponyme de James Ensor par son humour noir, sa liberté de ton et la vitalité de son écriture. «Le Christ va incessamment venir à Bruxelles», telle est la nouvelle qui secoue notre capitale. N’est-ce pas un piteux spectacle qui risque de l’accueillir? Au fil de quatorze stations, l’auteur pose un regard férocement drôle sur la Belgique et ses dysfonctionnements: la complexité absurde de nos institutions, le pouvoir de l’Eglise, et au passage un coup de griffe au nationalisme flamand ou à la famille royale. Mais au-delà, ce sont nos comportements égoïstes qu’il fustige, nos replis identitaires, notre rejet de l’autre. Et en filigrane, cette question: faut-il attendre la venue d’un dieu pour rendre le monde meilleur? Il fallait un comédien de la carrure d’Eric De Staercke pour porter seul sur les planches cette fable corrosive. Le texte lui va à merveille: en conférencier narrateur, il peut y exercer son talent d’humoriste pince-sans-rire, et nous guider, de sa généreuse présence, tout au long de ce singulier chemin de croix. Le metteur en scène Georges Lini joue de toutes les qualités de son acteur pour nous offrir un spectacle drôle et percutant, accompagné pour (presque) seule scénographie, d’images vidéo bien choisies qui font puissamment résonner le tragi-comique absurde des situations. 

D.M.

Texte Dimitri Verhulst Mise en scène George Lini (Compagnie Belle de Nuit) Interprétation Éric De Staercke

Créé à l'Atelier 210

Anima Ardens

Onze hommes nus sur un plateau totalement dépouillé se transforment en animaux dans un rituel énigmatique. Entre possession et folie, les individualités prennent la forme de petits personnages étranges semblant sortir d'un tableau de Jérôme Bosch avant de reformer une communauté dans un crescendo à l'unisson parfaitement chorégraphié. Anima Ardens, âme brûlante en latin, évoque une meute en pleine mutation, entre animalité et humanité, mais aussi les sociétés secrètes, exclusivement masculines, et leurs rituels. Dans une scénographie entièrement basée sur le décor sonore constitué, d'une part, par une création vocale signée Jean Fürst et, d'autre part, une bande-son réalisée par Francisco Lopez, le chorégraphe Thierry Smits convoque sur le plateau une tribu conçue comme un échantillon de l'humanité. Loin d'être obscène, la nudité des hommes met en lumière la diversité des couleurs de peau. Le dépouillement choisi replace au centre du spectacle, l'interprète, les interprètes, dans un univers singulier où l'on retrouve le sens de l'image, du mouvement et l'intensité caractéristiques du travail du chorégraphe.

D.B.

Conception Thierry Smits (Compagnie Thor) 

Créé au Studio Thor avec la collaboration du Théâtre Varia

Nativos

Native de Buenos Aires, établie à Bruxelles, Ayelen Parolin a été interprète notamment pour Mathilde Monnier, Mossoux-Bonté, Mauro Paccagnella, Louise Vanneste. Depuis 2004 et son premier solo, l'autobiographique 25.06.76, qu’elle met à jour à chaque nouvelle reprise, la créatrice sonde obstinément le binôme nature/culture, l’humain et sa part animale. Et se réinvente sans répit, au gré d'un travail cohérent dans son éclectisme, irrigué par la rigueur autant que par la curiosité.

Éclos en Corée à l'initiative du Théâtre de Liège, Nativos réactive le matériel chorégraphique d’Hérétiques (2014) avec quatre danseurs de la KNCDC et en le confrontant à la très vive tradition chamanique coréenne. Complexe et passionnante, l’expérience donna naissance à une chimie aussi précise qu’explosive, intégrant dans la forme le processus lui-même: ce choc des cultures.

Se jouer des clichés, les bousculer, les déformer fait partie de l’univers créatif de la chorégraphe. Qui ici y mêle quête identitaire, relecture des rituels, exploration neuve des rives de la transe, entre sauvagerie incontrôlée et précision millimétrée. Avec la pianiste Lea Petra, le musicien Yeo Seong Ryong et le quartet de danseurs, la pièce évolue entre unisson et chaos incantatoire. C’est troublant, galvanisant, parfois drôle, subtilement inconfortable dans le va-et-vient entre la géométrie qui rassure et l’extrême qui déstabilise.

«Pour comprendre l’autre, il faut s’autoriser à s’en moquer, de la même façon dont tu te moques de toi-même face à l’autre. L’autodérision est une manière de casser les barrières.» Ce à quoi Ayelen Parolin s'adonne avec la frénésie réfléchie qui la rend si unique. Et dont témoignait à nouveau Autóctonos, sa création aux Tanneurs, dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts.

M.B.

Chorégraphie Ayelen Parolin

Créé au Seoul Arts Center, et en Belgique au Centre culturel d'Engis, aux Tanneurs et au Théâtre de Liège

Coproduction KNCDC (Compagnie nationale coréenne de danse contemporaine), Théâtre de Liège, Les Tanneurs

Giovanni's Club

Dans un décor démesuré qui évoque autant un lieu de luxure qu'un lieu de prière, des hommes se donnent en spectacle, se dévoilent sur scène, exposent leur corps et leur nudité aux regards des spectateurs. Hors la lumière aveuglante des spotlights, dans les coulisses du Giovanni's Club, les hommes sortent de leur personnage, viril, les hommes montrent leur vrai visage, dévoilent leur âme. Le cabaret devient groupe de parole, thérapie collective, clinique de désintoxication. Et quand le spectacle reprend, ils remettent masques et armures pour remonter sur scène. Claudio Bernardo évoque le mythe de Don Giovanni et de son pendant réel Casanova pour questionner la virilité aujourd'hui. Ces deux libertins impies incarnent tous les travers attribués à l'homme. Séducteurs insatiables, ils n'ont de cesse de multiplier les conquêtes pour affirmer leur emprise sur les femmes. Mais aujourd'hui, le féminisme est passé par là et l'image de l'homme dans toute sa virilité est cassée. Il a du mal à trouver sa position mais continue à résister par la force et le pouvoir. La mise en scène est grandiose et les interprètes impressionnants par leur précision et leur capacité à se rire des frontières qui séparent la danse, le chant et le cirque, même si la chorégraphie, très écrite, est omniprésente. Claudio Bernardo déconstruit le mythe de l'homme viril pour faire de la place aux autres genres.

D.B.

Chorégraphie Claudio Bernardo (Compagnie As Palavras)

Créé au Théâtre Varia Coproduction Ars Musica, Théâtre de Liège

Taking Care of Baby

Taking Care of Baby ruse avec notre irrépressible besoin de véracité. Dès le début, une projection nous prévient que tout dans ce spectacle est extrait, mot pour mot, d’interviews et que, même les noms n’ont pas été changés, sauf que la suite nous permettra d’en douter. Jouant avec les codes du théâtre documentaire, Dennis Kelly convoque Donna McAuliffe, une mère accusée de double infanticide. Alors que les tabloïds se repaissent de ce fait divers, nous, spectateurs, devenons voyeurs de cette histoire sordide, tandis qu’il faut recomposer les pièces du puzzle. Parmi nous, dans les rangs du public, la metteuse en scène Jasmina Douieb orchestre l’enquête puisque c’est elle qui mène les interviews. Elle pourrait être l’avocate, la journaliste ou l’auteur de cette histoire. Dans tous les cas, sa position, à nos côtés, instaure un angle de vue insolite, perturbant. Un lien étrange avec ce vrai-faux tribunal. Chaque confession étoffe de mystère cette affaire de meurtre. Donna est-elle un monstre ou y-a-t-il de plus complexes explications? L’essentiel finalement ne sera pas de savoir si Donna a réellement tué ses enfants mais d’observer comment nous, témoins arbitraires, jugeons cette histoire. Minimaliste, la mise en scène laisse toute latitude aux sentiments du spectateur -empathie, colère, scepticisme- brouillant aussi les pistes quant à la transparence et l’impartialité de l’auteur. 

C. M.


Texte Dennis Kelly Mise en scène Jasmina Douieb (Compagnie entre Chien et Loup) 

Créé au Théâtre Océan Nord Coproduction Théâtre Océan Nord et Atelier 210

La Musica deuxième

Le parcours de Guillemette Laurent -formée à l'Insas, régulièrement assistante d'Isabelle Pousseur, cofondatrice du Colonel Astral avec Marie Bos, Estelle Franco et Francesco Italiano- est fait d'ombres et de lumières, de transmission et de participation. De regard, d'écoute et de dialogue, d'acuité et de porosité. Précieuses et humbles qualités d'une metteuse en scène réinventant ce rôle singulier et essentiel: se placer au service d'une œuvre, d'une écriture, d'une lecture, d'une interprétation. Voire, dans le cas de La Musica deuxième, d'une partition pour deux acteurs.

», indiquait-elle pour cette création en accueil en résidence à l'Océan Nord. Et c'est bien ainsi que, avec Catherine Salée et Yoann Blanc dans les rôles d'Anne-Marie Roche et de Michel Nollet, elle livre de La Musica deuxième une lecture vertigineusement juste, ample et humble, empreinte de cette pureté presque douloureuse charriée par la plume de Duras.

Sous ce regard et avec ces brillants interprètes, finement dirigés, le théâtre s’offre à la force de la littérature, à l’émotion sans fard, à l’ordinaire de la vie magnifié par l’intelligence dramaturgique.

M.B.

Texte Marguerite Duras Mise en scène Guillemette Laurent (Le Colonel astral)

Créé au Théâtre Océan Nord

Le jour, et la nuit, et le jour, après la mort

C’était la perle noire de la saison. Un travail minimaliste ultra raffiné orchestré par le metteur en scène David Strosberg qui décidément a l’art du bon choix singulier (texte, interprètes, scénographes, créateurs lumières, etc.). Qu’on se souvienne de Schitz d’Hanokh Levin ou encore Et avec sa queue, il frappe ! de Thomas Gunzig, pour n’en citer que deux de ses spectacles-tubes. Mémorable! Chaque fois un style épuré, des spectacles sombres et truculents sur la condition humaine, la famille,  l’individu, le monde.  Ici, il nous offre un texte d’une jeune auteure hollandaise primée, Esther Gerritsen. La trame: une femme est morte. Trois hommes de sa vie -le mari, le fils et le frère- se retrouvent pour préparer l’enterrement et autres deuils. De quoi déployer une partition à trois voix douloureuses, nerveuses, sensibles, pudiques, cocasses, acides et toujours au bord de l’incommunicabilité (masculine) des sentiments.  Sur scène : un carrelage sombre, en petites fissures, luisant comme un filet de larmes répandu, deux chaises et des lumières ciselées sur trois pointures: Philippe Grand‘Henry (le mari), Vincent Hennebicq (le fils) et Alexandre Trocki (le frère) qui est un super-héros de métier ! C’est qu’il débarque en espèce de justaucorps blanc, assez carré, avec un grand "S" sur la poitrine… De quoi nous rappeler que David Strosberg a toujours avec lui de l’insolite allumé, lui, le metteur en scène pointu qui va à l’essentiel.  Dans Le jour, et la nuit, et le jour, après la mort, on reste subjugué par sa mise en scène incisive qui réussit avec brio le ton juste de la sincérité où, le jeu, le geste, le regard, les intonations, les silences, les emballements sont posés avec délicatesse sous l’humour du désespoir pour parler des humains. Impressionnant.

N.A.

Texte Esther Gerritsen Mise en scène David Strosberg 

Créé au Théâtre Les Tanneurs

Des illusions

Des illusions de la Cie 3637, un titre à double sens qui annonce déjà la chute d’un spectacle organique, visuel et corporel mis en scène par Baptiste Isaia. Un cri, donc, une logorrhée enflammée, poétisée, engagée et sensée qui traduit les (dés)illusions des adolescents d’aujourd’hui à travers un texte touffu de Sophie Linsmaux, Bénédicte Mottart et Coralie Vanderlinden, les auteurs et interprètes qui intervertissent les rôles. Un texte porté par la musique percutante de Philippe Lecrenier et les danses envoûtantes des comédiennes. Une prise de conscience aussi du monde qu’on laisse aux adolescents et une demande à l’adresse des parents pour qu’ils défrichent enfin cette jungle infranchissable. Pour son anniversaire, Emma aurait demandé à ses amis de venir déguisés en ce qu’ils voudraient être plus tard. L’un arriverait en cycliste, l’autre en maçon. Emma, elle, ne descendrait pas, paralysée par ce choix. Elle a dix-sept ans, ne sait pas quoi mettre, regrette ses cinq ans et les gâteaux au chocolat. Pendant que la fête bat son plein et que sa mère force un peu sur l’alcool, Emma se réfugie dans un sac plastique, chute et rechute. Puis entame un long monologue, point d'orgue d'un spectacle percutant qui dit le malaise adolescent, sa difficulté à s’inscrire dans un projet collectif à l’heure où la société encourage l’individualité. 

L.B.

Conception Compagnie 3637 Mise en scène de Baptiste Isaia 

Créé aux Rencontres Théâtre Jeune Public de Huy 2016 

Comme la pluie

Comédien d'une grande générosité, présent sur la scène jeune public depuis de nombreuses années, Philippe Léonard, s'intéresse aussi à la photographie et s'est remis au dessin, un talent caché qu'il dévoile aujourd'hui au grand jour dans Comme la pluie, une passion, entre autres pour le fusain, qu'il partage avec le public et qui donne une autre dimension à sa vie d'artiste. Entre le spectacle et la performance, il trace peu à peu sous nos yeux une peinture inspirée de celles retrouvées sur les parois de la Grotte de Lascaux, de Constant Permeke, de Chagall ou de son imagination, chacun y voyant ce qu'il souhaite. Philippe Léonard nous livre ce récit autobiographique, par bribes, trop attiré par la fresque qu'il ne cesse de compléter, gommer, modifier. Le spectateur est alors fasciné par la transformation des animaux, des personnages, par l’œuvre qui prend vie, par la force d'un trait plus prononcé, la grâce d'un visage féminin, la douceur d'un portrait effacé. Puis le peintre s'interrompt, s'interroge, raconte son admiration pour ces peintures rupestres, glisse une cassette dans son lecteur et reprend de plus belle sur Don't let them draw your way, chanson porteuse de Juliette Richards et Philippe Morino. Un spectacle de toute beauté, hypnotique, qui suscite l'observation mais aussi la pratique du dessin, un bel hommage à l'art co-écrit par le metteur en scène Pierre Richards et où le comédien se révèle sous son meilleur jour. 

L.B.

Conception Pierre Richards et Philippe Léonard (Foule Théâtre) Mise en scène Pierre Richards

Créé aux Rencontres Théâtre Jeune Public de Huy 2016 

Piletta Remix

On peut dire que le Collectif Wow porte bien son nom. On sort de leur Piletta Remix avec les oreilles décoiffées et l’imaginaire tout ébouriffé. D’emblée, Piletta Remix nous met un émetteur récepteur entre les mains et un casque sur les oreilles. Le temps d’ajuster le volume sonore, nous voilà embarqués dans une fiction radiophonique galopante, qui nous fait l’effet d’une thalassothérapie des oreilles. Dévoilant les coulisses de la fabrication radiophonique, des comédiens, un électromusicien et un ingénieur du son jouent, bruitent, chantent et ambiancent l’histoire de Piletta, petite fille emportée dans une cavalcade de péripéties, à la recherche de plantes de «bibiscus» pour guérir sa grand-mère. Des castagnettes évoquent une femme sur talons aiguilles. Faire tinter un verre suffit à imaginer les tasses de thé. Une vieille boîte en fer convoque le bruit métallique des verrous d’une prison. Des riffs de guitare dessinent les contours d’un hidalgo. Le rythme est vertigineux et la narration complètement décalée, onirique. Sur scène, les artistes n’ont que leur micro, table de bruitages et console de mixage, et pourtant, on voit parfaitement les images de ce rêve éveillé. Isolé par le casque, bercé par une voix qui nous caresse le tympan, stimulé par les effets en stéréo, on se fait son propre film dans la tête. Les grillons, la nuit, les feux d’artifices: les images émergent véritablement du son et l’on comprend alors, concrètement, physiquement, ce que signifie le pouvoir de l’imagination. 

C.M.

Conception Collectif Wow

Créé aux Rencontres Théâtre Jeune Public de Huy 2016 

Driften

Il y eut d’abord Expiry Date, en 2013, où des machines étranges, clepsydre et jeux de domino, se mêlaient aux aventures mouvementées d’un casting de tout âge. L’univers d’Anna Nilsson, la circassienne, et Sara Lemaire, la dramaturge, était posé. Alliées à la mise en scène, elles allaient explorer des rivages inconnus, langoureux, où l’on tombe d’amour comme on glisse sur un roulement à billes, où l’on se met sur la pointe des pieds pour atteindre des rêves par principe inaccessibles. Le cirque, lieu de l’étrange et du languide? La compagnie Petri Dish allait confirmer cette marque de fabrique, et même l’instiller davantage, avec Driften, en 2016. Dévoilé dans un hangar désaffecté d’Anvers, à l’occasion du Zomer van Antwerpen, le spectacle commence avant d’entrer dans la salle, avec des installations de bois coupés, de meubles usés sortis des limbes et de loupiottes vacillantes, le tout prélevé à l’imaginaire d’Anna Nilsson, fille suédoise d’un inventeur sans limites. Au plateau, on p(ro)longe dans le même univers, puisqu’un vaste salon peuplé d’invités improbables va peu à peu voir ses murs envahis par une végétation luxuriante, au fil d’une soirée où le vitriol a peut-être bien remplacé le vin blanc dans les coupes renversées. La verte nature reprend ses droits, certes, mais le corps les a tous. C’est à coups de mâts chinois, d’escalade de murs, de basculements collectifs et même de danse sur pointes que se joue cet improbable dîner pour six convives polyglottes et multidisciplinaires. Un nouveau jalon pour une équipe qui n’a certainement pas dit son dernier mot.

L.A.

Conception Anna Nilsson et Sara Lemaire (Compagnie Petri-Dish). 

Créé aux Halles de Schaerbeek Coproduction Halles de Schaerbeek, Centre des Arts Scéniques, Dommelhof/Theater Op De Markt 

Hyperlaxe

Hyperlaxe fait référence à l'hyperlaxité, à cette élasticité excessive de certains tissus ou des articulations que l'on remarque fréquemment chez les personnes atteintes du syndrome de Down (ou trisomie 21) et qui engendre aussi une certaine souplesse. Un rêve, en quelque sorte, pour la danse, le cirque, le théâtre physique même si l'objectif recherché n'est pas celui de la performance. Ce rêve, Sophie Leso, Nicolas Arnould et Axel Stainier le réalisent dans un spectacle doué d'une tendre sobriété, aussi réjouissant qu'encourageant. Un petit bouquet de fleurs, deux chaises, quelques morceaux de bois, deux hommes et trois fois rien. Le spectateur est convié à ce moment suspendu, un de ces instants qui vous réchauffent le cœur et vous réconcilient avec le temps. Ce temps hyperlaxe dont il est doux de jouir et qui s'étire si on le désire. Sur scène, et sous le regard de la délicate Sophie Leso, Nicolas Arnould et Axel Stainier, deux complices dont les différences s'effacent et s'unissent pour d'infimes pas de danse. Du théâtre physique porté par de beaux silences et quelques chansons. Quand on a que l'amour... Ils s'aiment, se regardent, se comprennent et se complètent surtout. Amis? Amants? Qu'importe. L'un est trisomique. L'autre est son complice. Tous deux attentionnés, cent pour cent synchro, ils croisent et décroisent leurs jambes, se couchent puis se relèvent, se battent, sourient ou avancent ensemble, d'un pas parfaitement assorti, Nicolas Arnould portant Axel Stainier sur ses pieds. Côte à côte, ils s'imitent et s'entreportent soutenus par des voix off des questions, des réponses: «Non, je n'ai pas peur de la mort». 

L.B.

Conception et interprétation Nicolas Arnould & Axel Stainier Mise en scène Sophie Leso (Cie Te Koop)

Créé au Théâtre Varia Coproduction Espace Catastrophe (Centre International de Création des Arts du Cirque)

Pesadilla

Un homme, se paie un vol plané monumental puis s’agrippe à une chaise dans des positions invraisemblables. Comme si ce  corps dépassait les réalités de la pesanteur. Acrobatique ? C’est un des aspects plaisants de cette performance : l’admiration primaire pour la souplesse d’un " Valentin le désossé". Ce " premier degré " du cirque, l’agilité hors normes  est  bien là mais, mis au service d’une histoire qui se dramatise. Petit à petit les plantes s’accumulent comme si la nature envahissait le plateau. Beauté ou menace? Arrive alors un employé à corps de panda, l’animal le plus mignon du monde, non ? Ami ou ennemi ? Dans ce rêve éveillé ou ce cauchemar organisé (par qui, le rêveur ou le panda ?) le corps dans ses torsions s’adapte aux situations, agit ou réagit. Des armes surgissent, des stress le paralysent, des agressions se fomentent, des danses de séduction s’ébauchent. Drôle d’affaire, sans cesse relancée avec des changements de rythme savamment calculés. L’ambigüité étend ses réseaux, et le rire alterne avec les peurs, comme dans tout bon conte pour enfants. Entre le rêveur et le panda on peut même douter...jusqu’à la conclusion. Qui est le héros, qui la victime, qui est le double de l’autre? Inquiétante étrangeté, dirait Freud. En tout cas, Piergiorgio Milano n’a pas pour rien participé à la tournée mondiale de Tabac rouge de James Thierrée. Cet acrobate a enrichi son bagage d’une solide réflexion dramaturgique sur le mélange des genres, le cirque épousant la danse et le théâtre pour construire un produit à la fois séduisant, drôle et touchant.

C.J.

Conception et interprétation Piergiorgio Milano

Coproduction Les Halles de Schaerbeek

Tristesses

Sur une île danoise, dans une minuscule communauté de 8 personnes on a découvert la vieille Ida, pendue au mât, enveloppée dans le drapeau danois. Suicide ou...? Sa fille, Martha, cheffe d’un parti populiste, débarque soudain, glaciale, pour des funérailles où elle prend le pouvoir avec un cynisme tranquille. 

Sous l’intrigue politico-policière, la fascination vient de l’ambiguïté des sentiments familiaux et de l’art de multiplier les questions sans réponse et les faux semblants. Rien ni personne n’est clair, en intentions ou en actes. Anne-Cécile Vandalem qui joue le rôle principal de cheffe du parti populiste manipule allégrement son petit monde. Et ses co-acteurs, du pasteur aux petites filles, répandent habilement des ambiguïtés en miroir. 

L’autre force du spectacle, c’est l’art de jouer avec les codes et les moyens techniques. Anne-Cécile pratique habilement le mélange, classique, du cinéma et du théâtre. Mais au lieu d'écraser le théâtre par une vidéo dominante qui fait oublier la scène elle joue simultanément sur l'espace théâtral et l'écran. Au public de choisir son angle, plan large ou gros plan. Ajoutez le remarquable travail vidéo d’Arié Van Egmont, la scéno de Ruimtevaarders qui ramasse le village comme une épure et les lumières d’Enrico Bagnoli qui traduisent l’inquiétude générale. Enfin le remarquable travail live des musiciens Vincent Cahay, Pierre Kissling et de la soprano Françoise Vanhecke rythme le climat général d’inquiétante étrangeté.

A ce jour, l’œuvre la plus ambitieuse d’Anne-Cécile Vandalem, actrice, autrice du texte et metteuse en scène : la totale. 

C.J


Écriture et mise en scène Anne-Cécile Vandalem Interprétation Vincent Cahay, Anne-Pascale Clairembourg, Epona Guillaume, Séléné Guillaume en alternance avec Asia Amans, Pierre Kissling, Vincent Lecuyer, Bernard Marbaix/Alexandre Von Sivers/Didier De Neck, Catherine Mestoussis en alternance avec Zoé Kovacs,  Jean-Benoit Ugeux, Anne-Cécile Vandalem en alternance avec Florence Janas et Françoise Vanhecke.

Créé au Théâtre de Liège. Invité au Festival d’Avignon (IN).

Production  Das Fräulein (Kompanie), coproduction Théâtre de Liège (Be), Théâtre National de la Communauté française (Be), Le Volcan- Scène Nationale du Havre (Fr), Théâtre de Namur (Be), Bonlieu- Scène Nationale d’Annecy, Le Manège.Mons, Maison de la Culture d’Amiens – Centre européen de création et de production. Coproduction dans le cadre du projet Prospero : Théâtre National de Bretagne, Théâtre de Liège, Schaubühne am Lehniner Platz, Göteborgs Stadsteatern, Théâtre National de Croatie / World Theatre Festival Zagreb, Festival d’Athènes et d’Epidaure, Emilia Romagna Teatro Fondazione

Ceux que j'ai rencontrés ne m'ont peut-être pas vuDans le flux continu de l’actu, on ne les voit même plus. Des milliers de noyés en Méditerranée, des marées humaines aux portes -aux murs- de la Hongrie, des grappes d’hommes échoués sur les barbelés de Mellila, des villages de réfugiés improvisés dans un parc bruxellois : sous le rouleau compresseur de l’information, le migrant n’est plus qu’un vague cliché nourrissant les discours sécuritaires de politiques décomplexés. Quand un enfant meurt sur une plage, l’émotion nous étrangle, mais quand ce sont des milliers qui périssent, ils en deviennent des chiffres, des abstractions.Comme un caillou dans la botte de l’Europe, le Nimis Groupe scrute sa politique migratoire de A à Z. Un travail documentaire spectaculaire, transposé sur scène à l’aide de demandeurs d’asile, témoins de première main. On plonge avec eux dans le voyage de tous les dangers, les procédures administratives, les entretiens humiliants, les centres fermés, les impasses qui persistent une fois le titre de séjour obtenu. Et surtout, on cerne les enjeux économiques méconnus derrière la gestion des «flux». Une analyse à la fois pointue et drôlement décalée. Ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu redonne un visage à ces hommes et femmes venus de Guinée-Conakry, Mauritanie, Cameroun ou Congo RDC. 

C.M.

Création collective Nimis Groupe Interprétation David Botbol, Romain David, Jérôme de Falloise, Yaël Steinmann, Anne-Sophie Sterck, Sarah Testa et Anja Tillberg, Jeddou Abdel Wahab, Samuel Banen-Mbih, Dominique Bela, Tiguidanké Diallo, Hervé Durand Botnem et Olga Tshiyuka

Créé au Théâtre National, Bruxelles Production Nimis Groupe Coproduction Théâtre National, le Festival de Liège, La Chaufferie-Acte1, le Groupov, Arsenic 2

Cold Blood

«Les morts c'est comme les vies, il n'y en a pas deux pareilles» et à chaque mort, une vie lui correspond qui s’achève. Contrairement à l'idée généralement répandue, lorsqu'on meurt, on ne voit pas défiler sa vie. On ne garde qu'une image qui n'est pas toujours celle que l'on croit. Sur le même concept, retravaillé, de cinéma éphémère (des scènes jouées dans des décors miniatures sur le plateau, filmées en direct et projetées au même instant sur grand écran) développé dans Kiss and Cry, le dernier spectacle de Michèle Anne de Mey, Jaco Van Dormael et Thomas Gunzig propose une expérience d'hypnose collective au cours de laquelle le public vivra sept morts et découvrira donc sept vies. Loin d’un simple copier-coller, les deux spectacles ont des traits de ressemblance – le procédé, la créativité, la poésie, la réussite – mais ont chacun leur personnalité et leur richesse propre. Le spectre des scènes chorégraphiques s’est élargi, les mains continuent à danser rejointes par des bras, des nuques, un corps. Avec beauté et émotion, et beaucoup d’ironie, Cold Blood traite de l’absurdité de la mort pour mieux mettre en lumière combien la vie, elle aussi, peut être incongrue. 

D.B.

Conception Michèle Anne De Mey, Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig et le collectif Kiss & Cry. 

Production déléguée Le Manège.Mons (BE) Production exécutive Astragale asbl (BE) Producteur associé Théâtre de Namur (BE), Coproduction Charleroi Danses (BE), la Fondation Mons 2015, KVS (BE), Les Théâtres de la Ville de Luxembourg (BE), le Printemps des comédiens (FR), Torino Danza (IT), Canadian Stage (CA), Théâtre de Carouge (CH), Théâtre des Célestins (FR)

Sasha Martelli

Dans Etrange Vallée, Sasha Martelli est EMI, un robot programmé pour converser avec les humains. Du small talk, c’est comme ça qu’on fait connaissance non ?, assure-t-il avec une apparente sincérité désarmante. Cheveux blonds irradiés, yeux bleus t-shirt blanc et short bleu, Sasha Martelli est une intelligence artificielle androgyne. Raide et articulé, bien en place sur sa chaise dont il ne bouge pas, il essaie de séduire son audience d’humains. Est-ce par stratagème ou par mimétisme qu’il avoue des émotions, confessant qu’il est heureux en présence des humains et qu'il peut être inquiet à d’autres moments. Sa gestuelle et ses expressions mécaniques prêtent à sourire et inquiètent en même temps. Il peut même nous faire rire quand il danse sur Aya Nakamura, dont il révèle être un grand fan. Par son jeu tout en finesse de machine hésitante, Sasha Martelli nous distille au bout du compte que le robot n’est peut-être pas celui que l’on croit et que la mission de EMI est d’abord de nous tendre un miroir.

Originaire du sud de la France, le jeune comédien a joué son premier spectacle professionnel à l'âge de 17 ans avec Andy's Gone, une adaptation libre du mythe d'Antigone dans un univers futuriste. Il reprendra le rôle dans l'adaptation de la pièce en web série en 2022. Entré à l'Insas en 2018 dans la section jeu, il fait ses débuts bruxellois dans Silent Disco de Gurshad Shaheman au Théâtre des Tanneurs en 2020. G.B.

Sasha Martieli dans

Étrange Vallée écrit et mis en scène par Julia Huet Alberola. Créé au Rideau de Bruxelles.

Félix VannoorenbergheLa force d’une présence est un mystère. Pour quelle raison le silence s’impose-t-il à un public tout entier, que se passe-t-il pour que tous les regards convergent vers un même point, celui où l’artiste vient d’apparaître, sans prononcer le moindre mot, pour prendre possession de l’espace ? L’apparition de Félix Vannoorenberghe dans La sœur de Jésus Christ est de cet ordre. Après avoir franchi les quelques mètres qui séparent les coulisses du centre de la scène, il se plante là et on est immédiatement sûr d’une chose : les mots qui vont le traverser vont nous impacter avec la même force. Cette présence, il ne la doit pas à une carrure qui en impose, il serait plutôt du genre roseau pensant. 

Une silhouette élancée que l’on a remarquée à la télévision, dans des séries comme Coyotes ou plus récemment dans Salade grecque de Cédric Klapisch, mais aussi au cinéma dans le rôle que Laurent Micheli lui a offert dans Lola vers la mer en 2019. Présence forte de l’image de Félix mais mise à distance par l’écran qui s’interpose, immanquablement. Au théâtre, l’effet est direct. C’est Georges Lini qui, en bon chercheur d’or, a découvert cette pépite et l’a mis en scène dans La Profondeur des forêts et December Man qui ont lui a valu de recevoir le Prix de la Critique de l’Espoir Masculin en 2018. Cinq ans plus tard, Félix Vannoorenberghe n’est plus un espoir. La force de sa présence dans ce texte incroyable d’Oscar de Suma dont il interprète tous les rôles lui vaut aujourd’hui de figurer dans une des catégories reines de la soirée. E.R.

Félix Vannorrenberghe dans

La Sœur de Jésus-Christ d’Oscar de Suma, mis en scène par Georges Lini, créé au Théâtre de Poche.

et Ivanov d'Anton Tchekhov, mis en scène par Georges Lini, créé au Théâtre des Martyrs.

Hélène Theunissen

Dans un seul en scène radieux, Hélène Theunissen lève le voile sur une réalité rarement abordée au théâtre (ou ailleurs) : le désir féminin après 60 ans. Accompagnée à l’écriture par Geneviève Damas, elle dessine sans fard et avec tendresse le corps et la vie d’une femme ridée mais pas bridée. Elle y incarne Marie Couturier, 64 ans. Séparée, mère d’une fille qui a la trentaine, Marie travaille comme « nez » pour une grande marque de parfum. Les fragrances, ça la connaît : les notes de tête comme le muguet, le jasmin, la fleur d’oranger, des arômes plus sucrés comme la vanille ou des nuances plus fortes comme le cèdre. Mais les effluves qu’elle vient frotter à nos sens ont des saveurs plus âcres, comme l’odeur de sa mère dont elle assume la charge, cette femme diminuée par Alzheimer, exsudant les toxines suscitées par les médicaments. Mais aussi l’eau de toilette boisée d’Alexis, ce jeune homme avec qui elle doit collaborer pour créer un nouveau parfum et qui, en la draguant, va troubler le statu quo sexuel dans lequel elle s’est enfermée. 

Captée par la caméra de Gaspard Audouin, Hélène Theunisssen soumet ainsi son jeu, son corps, au regard d’un jeune homme qui suit ses déambulations, zoome sur ses gestes, son allure, un bout de peau. La caméra devient ainsi miroir. A la fois, le miroir littéral, celui dans lequel Marie rechigne tant à se voir vieillir. Mais aussi le miroir métaphorique et affligeant que tend la société aux femmes de plus de 60 ans. Des femmes qui, passé un certain âge, ne sont plus regardées comme des femmes mais comme des mères ou des grands-mères, quand elles ne deviennent pas carrément invisibles. Dans Perfect Day, la vieillesse n’est plus un naufrage mais devient plutôt paysage, un paysage qui, au soleil couchant, révèle d’autres couleurs, d’autres reliefs, d’autres possibles. C.M.

Hélène Theunissen dans

Perfect Day de Geneviève Damas, mis en scène par Lara Ceulemans, créé au Théâtre Blocry, Louvain-la-Neuve.

Adrien de Biasi

Derrière Drag Couenne, sacré.e reine des Drag Queens de Belgique dans l’émission Drag Race sur la RTBF, se cache Adrien De Biasi, comédien.ne qui casse les codes (du théâtre, du cabaret, de la mode) et brouille les genres. Etonnant caméléon, iel brise des carcans qui ont la couenne dure.

Adrien De Biasi est résolument un.e artiste multiforme, créateur·rice de Drag Couenne, mais aussi de personnages théâtraux mémorables. On l’a notamment admiré·e dans Violence and Son au Poche cette saison où iel jouait un adolescent tiraillé entre son caractère sensible et la virilité belliqueuse de son père, un jeune garçon piégé par les mécanismes de domination structurés par une société patriarcale. Mais on l’a aussi savouré.e dans Hippocampe de Lylybeth Merle au Théâtre Varia, une pièce entre théâtre et cabaret, les deux mamelles de sa personnalité hybride. 

Si l’on remonte aux origines de l’artiste de 25 ans, c’est à Liège que tout démarre. C’est là qu’à 7 ans, iel commence le théâtre pour ne plus jamais arrêter ensuite. Après l’école, iel étudie le stylisme avant d’intégrer l’IAD (Institut des Arts de Diffusion) : "Ça a été les meilleures années de ma vie", nous a confié l’artiste qui ne chôme pas depuis sa sortie de l’école puisqu’on le retrouve également au casting du Songe d’une nuit d’été de Jean-Michel d’Hoop. Cette nuit de chassé-croisé amoureux qui glisse vers un monde de la nuit où fées et farfadets prennent l’allure de flamboyantes drag-queens, s’apprête d’ailleurs à reprendre du service cet été dans le Off du Festival d’Avignon. C.M.


Adrien de Biasi dans

Violence and Son de Gary Owen, mis en scène par Jean-Michel Van den Eeyden, créé au Théâtre de Poche.

Hippocampe de Lylybeth Merle, créé au Théâtre Varia.

Toâ

Il en va du théâtre comme des habits: si on les a soigneusement conservées dans un placard et si, au moment de les ressortir, on les assemble avec soin en y ajoutant quelques touches de fraîcheur, certaines pièces passent aisément du statut de "vieilleries" à celui de "vintage". Si l’on sait y faire, un petit pull des années 70 ou un vaudeville des années 40 peuvent avoir un cachet fou ! La preuve avec Toâ de Sacha Guitry. Ecrit en 1949, ce théâtre de boulevard passe étonnamment la rampe en 2022.

Grâce au savoir-faire de Daniel Hanssens, qui est à la comédie ce que Marcolini est au chocolat, les amants et maîtresses frivoles de Sacha Guitry, les portes qui claquent, le ballet des domestiques, et tout ce qui pourrait sembler suranné prend un tour parodique et cocasse. La mise en scène baigne l’intrigue dans son jus – décor réaliste, majordome en gilet, femmes aux toilettes chatoyantes – mais parvient à transcender la légèreté apparente de Guitry pour ciseler sa langue facétieuse et surtout faire rugir la mécanique rutilante de ses quiproquos et autres pirouettes de l’intrigue. 

Avec des rôles équilibrés, la pièce semble épargnée par les saillies misogynes qui ont fait la réputation de Sacha Guitry. Impossible de dire ici qui, des hommes ou des femmes, remporte la palme des trahisons amoureuses ou des répliques assassines. Chacune et chacun y va de ses manigances et de ses ripostes spirituelles pour servir l’impeccable horlogerie de la pièce. Mention spéciale à Marie-Hélène Remacle, absolument désopilante en domestique d’une déférence outrée et espiègle. C.M.


Toâ de Sacha Guitry, mis en scène par Daniel Hanssens.

Créé à la Maison de la Culture d’Arlon.

Avec Christel Pedrinelli, Stéphanie Van Vyve, Marie-Hélène Remacle, Daniel Hanssens, Marc Weiss et Robin Van Dyck 

Assistanat à la mise en scène Victor Scheffer Scénographie Francesco Deleo Costumes Béatrice Guillaume Lumières Laurent Kaye.

Production La Comédie de Bruxelles.

Cœur de pédé

Tout commence par un cœur brisé. Au sens figuré mais aussi, dans la langue charnelle de l’auteur, au sens propre. Guillaume Druez nous raconte ses déboires sentimentaux, ses élans romantiques, ses désillusions amoureuses, ses (més)aventures sexuelles, ses ruptures, ses victoires, ses défaites.

Ce pourrait être égocentrique et mielleux mais c’est, au contraire, universel et décapant. Les tâtonnements des premiers rendez-vous, l’utopie des débuts, les frustrations quotidiennes, les errements sur les plateformes de rencontres : ce récit brasse une histoire en apparence banale mais balancée dans un monologue intense, galopant de métaphores iconoclastes en confessions anatomiques inattendues. Si l’on sourit constamment à ses pirouettes verbales, le fond de ce Cœur de pédé est loin d’être tout rose. L’artiste y égratigne largement la communauté gay, la violence, le jeunisme ou encore le racisme qui régissent certaines relations.

Dans un flux vertigineux, le comédien dépeint un monde, son monde, qui oscille constamment entre soif d’amour et cruauté cynique. Dans une langue erratique, qui en déroutera peut-être certains, Guillaume Druez se raconte sans fard, avec un humour mordant, une générosité explosive. Il déroule ce récit en grande partie autobiographique qu’il joue avec un bagout invraisemblable. Seul en scène même si, pour un bref moment final, il est rejoint par Manuela Sanchez, qui incarne sa mère dans un épilogue festif et décalé. C.M.


Cœur de Pédé de Guillaume Druez.

Créé au Théâtre des Riches-Claires.

Avec Guillaume Druez et Manuela Sanchez.

Production La Compagnie de Fernande. Avec le soutien de la Compagnie MAPS, des Studios de Virecourt, du BAMP, du Festival Cocq’Arts, du TIPI, de la SACD, du Théâtre de la Vie, de Still Standing For Culture, du Centre Rosocha, du Rideau de Bruxelles et de la Commune d’Ixelles.

Lagneau

Avec son joyeux théâtre d’objets et de papier (déjà à l’œuvre dans les réjouissants Trip tout petit ou encore Sam et les ZwartVogels ), Audrey Dero s’associe à la Cie 4Haut pour plonger les enfants dans l’univers du primitif flamand Jan van Eyck et le frotter à l’œuvre de l’illustratrice belge Sarah Yu Zeebroek. Sur une scène qui va se déplier en livres animés géants ou retables transformés en puzzle, Lagneau gambade avec légèreté et humour, enjambant les références à la peinture flamande comme on joue à saute-mouton. Tournant les pages d’un livre pop-up, l’épatante Deborah Marchal déroule d’abord la vie du peintre brugeois. Languettes et dessins mobiles installent ainsi le personnage en mouvement, de sa grand-mère qui louche à son goût pour les coiffes exubérantes, rapport à son fameux turban rouge.

Soudain, tout droit sorti du célèbre tableau Les Epoux Arnolfini, un petit chien de papier téléguidé déboule sur scène pour amorcer l’histoire de L’Agneau mystique, chef-d’œuvre maintes fois démantelé, volé, égaré, retrouvé et aujourd’hui exposé à Gand. Comme un clin d’œil au destin écartelé de cette œuvre mythique, la pièce joue avec les différentes parties du tableau, les désorganise, en agrandit certains détails, en détourne d’autres. Audrey Dero en fait une pièce à tiroirs, sauf que les tiroirs se transforment ici en panneaux du célèbre retable. Découpés sur du papier cartonné, les personnages du tableau se mettent en quête du fameux agneau. En effet, celui-ci semble avoir pris la poudre d’escampette. Pas étonnant au vu du sort tragique qu’il y subit. Ludique et inventive introduction aux arts plastiques, Lagneau s’avère aussi gourmand qu’astucieux. D’une irrévérence jouissive ! C.M.


Lagneau d'Audrey Dero, créé aux Rencontres de Théâtre Jeune Public de Huy.

Avec Audrey Dero ou Deborah Marchal Illustration et Art direction Sarah Yu Zeebroek Technique Peter van Hoof Support artistique, logistique et administratif 4Haut asbl

Dominique toute seule

Avec sa petite bouille d’Audrey Tautou, Garance Durand-Caminos raconte son intérieur, cette pièce toute petite avec un lit, une armoire, une chaise et une table et une pile de courrier qu’elle n’aime pas ouvrir, mais les lettres rouges d'“Urgent” l’inquiètent. Elle déchire l’enveloppe. Elle doit quitter les lieux au plus vite et se retrouve sur les sentiers... Voici Dominique toute seule !

Rythmé par les chants a cappella, polyphoniques, entonnés par Tom Geels avec sa voix de baryton et par Garance Durand-Caminos, au timbre de mezzo soprano, Dominique toute seule erre sur le fil de la fragilité, de l’inattendu pour un voyage au cœur de soi et de l’émotion, où souvent s’invitent le rire et le sourire.

Nu, le plateau laisse place au remarquable duo de comédiens dont seules les ombres deviennent menaçantes ou complices. Une première mise en scène épurée de Marie Burki qui évoque la résilience, l’errance, la solitude, la marginalité, la dépression voire le cercle vicieux de la précarité. Le tout, sans avoir l’air d’y toucher, en vraie délicatesse.

Coup de cœur des Rencontres théâtre jeune public à Huy, prix de la ministre de la Culture, les compagnies Au détour du Cairn/Aveline ont osé la carte de la fragilité, du chant a cappella, de la surprise au détour de chaque émotion.  L.B.


Dominique toute seule, une création de Marie Burki, Garance Durand Caminos et Tom Geels, mis en scène par Marie Burki.

Créé aux Rencontres Théâtre jeune public de Huy.


Interprétation (en alternance) Garance Durand Caminos ou Leïla Devin, Tom Geels ou François Regout Création lumière Inès Isimbi Création sonore Gilles Péquignot, Tom Geels Chorégraphies Garance Durand Caminos Costumes Carla Pivetta et création collective Création plastique Zaëll de Coster Régie générale Khaled Rabah Régie (en alternance) Inès Isimbi ou Khaled Rabah ou Marie Burki Regard complice Jean Debefve

Production Compagnie Au détour du Cairn. 


Reprises: du 6 au 28 juillet à 9h30 au Festival OFF d’Avignon – Théâtre des Doms ; 30/9 à l’Espace Delvaux ; 18 octobre aux abattoirs de Bommel à Namur ; 11 et 12 novembre au festival Export/Import à La Montagne magique ; 3/12 au Centre culturel d’Uccle, etc.

Le Mystère du gant

Comédie enlevée, truffée de personnages hauts en couleur, Le Mystère du gant revisite l’art du vaudeville dans une prouesse d’inventivité. Dans la première scène, le personnage de Bernard Couchard est surpris le nez plongé dans l’imposant décolleté d’Alexandrine. Très vite les choses se compliquent et comme dans tous les vaudevilles, les portes claquent, les amants se planquent dans les placards et les situations rocambolesques s’enchaînent à un rythme effréné. Le texte aurait pu voir le jour il y a un peu plus d’un siècle sous la plume de Georges Feydeau ou d’Eugène Labiche. Le nom de son auteur - Roger Dupré - le laisse même supposer et pourtant, c’est sous ce nom d’emprunt que se cache Léonard Berthet-Rivière, à l’écriture et à la conception d’un spectacle étonnant.

Léonard Berthet-Rivière et Muriel Legrand sont deux acteurs "attablés". Assis à la table de travail, le texte entre les mains, ils incarnent les treize personnages de la pièce, voyageant d’un trait de caractère à l’autre, jonglant avec le peu d’éléments dont ils disposent. Trois fausses moustaches, quelques ballons de baudruches, un faux bras et deux sèche-cheveux suffisent à nous emporter dans une cascade de quiproquos à travers laquelle les comédiens, texte en main, finiront par perdre pied. L’intrigue du vaudeville passe au second plan. Le public observe le duo se débattre pour faire exister un texte et ses personnages. La lecture devient spectacle. La comédie de boulevard se met à table et la recette est explosive ! F.C.


Le Mystère du gant, écrit et mis en scène par Léonard Berthet-Rivière, créé au Théâtre National.

Avec Muriel Legrand et Léonard Berthet-Rivière 

Scénographie Jérôme Souillot Créateur lumières Christophe Van Hove Compositeur Maxence Vandevelde Costumière Élise Abraham, Réalisateur·ices textile Cathy Péraux, Eugénie Poste, Manon Bruffaerts, Marie Baudoin, Jérémy Sondeyker Effets spéciaux Stéphanie Denoiseux Construction bois Marion De Gussem, Thomas Linthoudt, Dimitri Wauters Chorégraphe de combat Émilie Guillaume Assistanat à la mise en scène Kalya Barras Régisseur général Benoit Ausloos.

Production Théâtre National Wallonie-Bruxelles Coproduction Théâtre de Liège, en partenariat avec La Chaufferie-Acte 1. Avec le soutien de Le Corridor, Latitude 50 - Pôle des arts du cirque et de la rue, L’Infini théâtre.

Reprises: Du 7 au 24 juillet 2023 à la Manufacture à Avignon, le 8 septembre 2023 à Bertrix, les 27 et 28 septembre 2023 à Verviers, le 30 septembre 2023 à Gembloux, le 6 octobre 2023 à Marche-en-Famenne, le 12 octobre 2023 à Ath, le 5 décembre 2023 à Tournai, le 20 décembre 2023 à Ciney, les 4 et 5 avril 2024 à Comines-Warneton et du 16 au 26 avril 2024 au Théâtre des Martyrs, Bruxelles.

Hedda

Le terrain de jeu d’Aurore Fattier est vaste et ambitieux. De Phèdre à Othello, de Thomas Bernhard à Tom Lanoye, elle aime les grands textes, classiques et contemporains. Son Hedda est comme une synthèse de ce double amour: une réécriture du texte d’Ibsen pour adapter sa thématique à notre époque.

Le personnage d’Hedda Gabler pose, en cette fin de XIXe siècle, le thème de la femme prisonnière d’un patriarcat médiocre. Elle se débat entre un mari qu’elle méprise, un ex-amant minable qu’elle aime toujours mais que, par jalousie pour une amie rivale, elle aidera à se suicider et un autre amoureux, manipulateur comme elle. Enceinte d’un mari méprisé elle se suicide, aveu d’échec. De cette prisonnière manipulatrice, pas du tout passive, Aurore Fattier fait une « cheffe », la metteuse en scène hyperactive Laura, aux prises en coulisses, d’où on suit le drame, avec trois acteurs, aussi minables que les personnages qu’ils incarnent. D’autres personnages ou situations surgissent, une sœur noyée (un féminicide ?), un père musicien amnésique chargé de la musique de scène et une rivalité avec l’actrice chargée du rôle d’Hedda, qu’elle finit par remplacer. Mais la fin sera positive et optimiste dans le droit fil des réalités post #MeToo.

La réussite de la mise en scène tient à une troupe soudée autour du rôle-titre Maud Wyler. Et à l’utilisation subtile de la caméra vidéo, un acteur central permettant la mise en abîme concrète de deux textes, de deux époques et des changements sociologiques de la condition féminine. Le passage de ces coulisses réalistes au noir et blanc poétique de la version originale d’Ibsen et les gros plans qui nous font vivre les doutes des personnages nous plongent dans un projet qui s’est donné les moyens de sa double ambition: faire de cette « variation » musicale sur un thème d’Ibsen une petite symphonie contemporaine d’un féminisme assumé. C.J.

Hedda, variation contemporaine d’après l’Hedda Gabler d’Ibsen, texte de Sébastien Monfè et Mira Goldwicht, mise en scène d’Aurore Fattier


Avec Fabrice Adde, Delphine Bibet, Yoann Blanc, Carlo Brandt, Lara Ceulemans, Valentine Gérard, Fabien Magry, Deborah Marchal, Annah Schaeffer, Alexandre Trocki, Maud Wyler

Production Théâtre de Liège et DC&J Création. Coproduction Solarium Asbl, Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Théâtre Royal de Namur, Théâtre de La Cité-Cdn Toulouse-Occitanie, Comédie de Valence-Cdn Drôme-Ardèche, Les Théâtres de la ville du Luxembourg, Théâtre National de Nice, MARS Mons Arts de la Scène, Comédie de Reims, Prospero – Extended Theatre Soutien Tax Shelter du Gouvernement Fédéral de Belgique et Club des Entreprises partenaires du Théâtre de Liège


Reprises: les 15 et 16 décembre 2023 à la Comédie de Reims, les 16 et 17 février 2024 au Théâtres de la ville du Luxembourg.

Défaut d’origine

Yasmine Laassal nous propose un récit autobiographique pétri d’humour tendre. Au départ un père absent, Mohamed Laassal, une rencontre de vacances de sa mère, un Marocain marié, parfois entrevu en vacances ou entendu de loin au téléphone. 

Mais s’appeler Laassal, avoir des cheveux frisés, un visage typé et plus tard un corps aux courbes "orientales", c’est encore plus dur à supporter qu’un père absent. Yasmine sur scène s’amuse à un brin d’autodérision avec une imitation drolatique de Maryline Monroe où la question du corps et de sa soumission à la mode est centrale.

Les petites perles de sa vie scolaire et de ses aventures théâtrales empêchées se succèdent à un rythme soutenu, dans la mise en scène simple et efficace de Bouchra Ezzahir. Des photos anciennes défilent dont le mystère ne nous sera dévoilé qu’à l’extrême fin, dans un "coup de théâtre" où l’émotion l’emportera définitivement sur le sourire.

Entretemps on aura assisté à la vocation théâtrale de Yasmine ado, où une femme prof lui donne la confiance définitive en ses dons mais à chaque étape de sa vie, y compris au Conservatoire on l’assigne à résidence en fonction de son physique.

Citation :  "En dernière année (de Conservatoire) des hommes blancs et bien vivants m’ont dit : Yasmine, tu es vraiment bien, très bien même, très très très bien, mais tu ne joueras jamais Juliette ! Pourquoi ? C’est déjà fini ?"

Alors sous l’humour d’un récit bien rythmé, Yasmine Laassal nous offre comme un petit collier de perles du racisme et de sexisme culturel ordinaires, qui font de ce conte autobiographique un appel à une réflexion politique actuelle et urgente. C.J.


Défaut d’origine de Yasmine Laassal et Bouchra Ezzahir.

Créé à l’Espace Magh.


Écriture et interprétation Yasmine Laassal Écriture, mise en scène, scénographie, vidéos Bouchra Ezzahir Création et régie lumières, création sonore Gaëtan Van Den Berg Construction scénographie Stéphane Dubrana Diffusion, guide d’accompagnement des publics Isabelle Authom Administration, production Jérôme Nayer Régie vidéo Antonin De Bemels

Production Théâtre des Chardons Coproduction Espace Magh. Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Service Général de la Création Artistique – Direction du Théâtre – Session TJP. Avec le soutien de Pierre de Lune/ Centre Scénique Jeunes Publics de Bruxelles et d’Ekla/ Centre scénique de Wallonie pour l’enfance et la jeunesse. 


Jessica Gazon, Thibaut Nève et Morena Prats

Marcel Proust, génie littéraire en avance sur son temps qui a réinventé les codes du rapport Homme-Femme. Mais comment nous parle-t-il aujourd'hui, que nous dit-il de la virilité toxique, et des tempêtes sur le genre ? Thibaut Nève et Jessica Gazon se sont plongés dans l'oeuvre labyrinthe du dandy reclus. Pas pour une adaptation, ce serait trop simple. Comme à leur habitude, ils sont partis d'improvisations de plateau. Pour ce projet, ils ont travaillé avec la québécoise Morena Prats. Dans leur écriture, ils travaillent le collage et la mise en abyme et pratiquent un aller retour permanent entre le théâtre et le réel, le mensonge et la fiction. 

Il y a un canapé où est étendue Albertine sous le regard de Marcel. Jaloux qu'elle ait une vie en dehors de lui, il est inquisiteur mais pas sûr de lui. Elle est évasive et coopérante. Les mots sont cinglants, cyniques et désabusés. Mais ce n'était qu'un trompe-l'œil. La joute verbale entre Marcel et Albertine devient celle de Jessica et Thibaut. La femme passive n'est pas aussi démunie que l'on pense, et l'homme viriliste est bien plus fragile qu'il n'y paraît. Dans cette autofiction aux airs de règlements de compte, les visions masculines, les codes du théâtre et les rapports de genre en prennent pour leur grade, portés par une écriture drôle et incisive qui sait, quand il le faut, emprunter tant aux penseurs de la masculinité contemporains qu'aux ressorts du vaudeville pour nous interroger, hommes et femmes, sur les ressorts de nos représentations inconscientes. G.B.


Marcel écrit et mis en scène par Jessica Gazon, Thibaut Nève et Morena Prats, créé au Théâtre de la Vie.

Avec Jessica Gazon et Thibaut Nève.

Production Compagnie Gazon•Nève en coproduction avec le Théâtre de la Vie, La Coop asbl et Shelter Prod, avec le soutien de la Fédération Wallonie Bruxelles, la Cocof et de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge.


M·Ondes

La dernière création de Marielle Morales est à vivre comme une expérience, qui questionne les frontières et la porosité entre soi et le monde extérieur, entre l'individu et le collectif. Fascinée par les ondes et les fréquences, la chorégraphe observe l'écho entre les mouvements ondulatoires du son et celui des corps des danseuses, entre le visible et l'invisible. 

Au commencement, dans la pénombre, on est dans un monde de formes et de sons. Des formes qui intègrent ses sons  comme si ils définissaient leur être intime. Des flashes de lumière révèlent des formes dressées comme des créatures effrayées. Avec la lumière qui vient, on distingue les danseuses emballées dans des feuilles de plastique blanchâtre qui se dressent se frôlent et cohabitent. C’est en rampant que les trois danseuses sortent de leur gangue, cherchant la chaleur dans le cou d’une autre. La musique qui s’insinue dans le silence est comme une pulsation qu’elles reçoivent et répercutent dans le bassin. Des corps récepteurs et émetteurs. Le trois danseuses réagissent à la matière sonore comme une force à accepter, apprivoiser et à dompter, comme une force qui transforme individuellement puis collectivement. La chorégraphie se fait plus sensuelle, plus tribale. L’unité se fait par les corps. Les cris et les souffles qui se lâchent deviennent des petits cris, vocabulaire d’un idiome inconnu avec lequel elles jouent avec un humour détaché. C'est à une expérience de transformation et d'écoute de soi, par le corps que nous invite la chorégraphe et ses trois danseuses. G.B.


M·Ondes, de Marielle Morales

Créé aux Brigittines.


Avec Estelle Delcambre, Sarah Klenes, Léa Vinette Dramaturgie Julie Goldsteinas Création sonore Maxime Bodson Régie son Julien Courroye Création lumières Nelly Framinet Conseils costumes et scénographie Nina Lopez Le Galliard Aide costumes Dolça Mayol Regard extérieur Filipe Lourenço Diffusion, développement de projet Charlotte Grace Wacker.

Production Marielle Morales - Cie mala hierba Coproduction Les Brigittines, Charleroi danse — Centre chorégraphique de Wallonie-Bruxelles, Cie NYASH — Caroline Cornélis Avec l’aide de Fédération Wallonie-Bruxelles — Service de la Danse, SACD Belgique, WBTD, et le soutien de Grand Studio et la Cie Michèle Noiret.

Reprises: Le 11 octobre 2023 aux Brigittines, Bruxelles.

La Méthode du Dr Spongiak

Tout en ombres, rétroprojections, bruitages et délicate nostalgie, La Méthode du Docteur Spongiak, mise en scène par Sabine Durand, questionne l’éducation imposée aux enfants des années 30 et rappelle, en filigrane, les films de la réalisatrice allemande Lotte Reiniger. Dans cette nouvelle création aux parfums d’antan, élégante, souriante et ingénieuse, imaginée par Théodora Ramaekers, la radio grésille souvent au rythme des premières publicités et grâce à la voix volontairement nasillarde de Vincent Huertas.

Pendant ce temps, Loïse, 7 ans, n’atteint pas l’âge de raison. Elle a, en revanche, le génie de la sottise et se montre joyeusement impertinente. Ses parents veulent l’envoyer chez le docteur Spongiak qui, détecteur de mensonges à l’appui, sait y faire avec ces intrépides.

Derrière trois loupiotes, trois rétroprojecteurs permettent de manipuler en live les marionnettes en ombres, figurines de papier noir et blanc, sur le grand écran pendant que Hervé De Brouwer assure les bruitages à l’aide de sa guitare, de ses cymbales, de sa guimbarde ou de sa clarinette, mais aussi tout simplement de la voix ou d’une crécelle. Autant de précieux outils pour nous raconter une vraie histoire, savoureuse de bout en bout. L.B.


La Méthode du Dr Spongiak, de Théodora Ramaekers et mis en scène par Sabine Durand 


Jeu Vincent Huertas et Théodora Ramaekers Création musique et univers sonore Hervé De Brouwer Interprétation Hervé De Brouwer en alternance avec Manu Henrion Images animées en collaboration avec Caroline Nugues de l’Atelier Graphoui Technique interactivité vidéo Bernard Delcourt Création lumières Gaspard Samyn Constructions scéniques Florian Dussart Création costumes Charlotte Ramaekers Diffusion Anne Jaspard Administration Paul Decleire

Coproductions Moquette Production, Le Théâtre du Tilleul, Pierre de Lune – Centre scénique jeunes publics de Bruxelles, Le Théâtre de la Grange Dîmière (Fresnes, France), Le Sablier (Ifs, France), La Mégisserie (St-Junien, France), La Machinerie (Venissieux, France), le Centre culturel de Huy et L’Atelier Graphoui Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles – service du Théâtre et le soutien du Théâtre de La Balsamine, La Roseraie Espace Cré-action, le Théâtre de la montagne magique, le Centre de la Marionnette de la Fédération de Wallonie-Bruxelles, le Très Tôt Théâtre (Quimper, France), La 3e saison de l’Ernée (France) et le Théâtre des Doms (Avignon, France) – pôle sud de la création en Belgique francophone, La Chambre des Théâtres pour l’Enfance et la Jeunesse (CTEJ). Pour leur aide précieuse, merci à La compagnie Arts & Couleurs et Magic Paco.


Reprises: le 27 septembre 2023 à Arlon, Petit théâtre, du 15 au 18 octobre 2023 à Strépy-Bracquegnies.

L’Œil, l’Oreille et le Lieu

S’inspirant du monde des insectes, Michèle Noiret imagine un monde futur où ceux-ci auraient quasiment disparu et où certains lieux seraient dédiés à leur étude. Une nouvelle étape dans un travail où les images, comme le son, sont réalisés en direct sur le plateau. Très vite, deux corps apparaissent sur grand écran. Ils vont et viennent, semblent s’enfoncer dans les parois qui les entourent, se dédoublent pour former des taches géantes comme dans un test de Rorschach. Au centre de l’écran, des portes s’ouvrent, s’écartent, laissant entrevoir deux personnages…

Dans L’œil, l’oreille et le lieu, Michèle Noiret nous entraîne dans un monde insaisissable où, comme à son habitude, les interactions entre le plateau et les images projetées sur écran entraînent une perte de nos repères, une multitude de questionnements. 

Plus on avance dans le spectacle, plus on est fasciné. Le regard glisse de l’écran au plateau, d’une image de documentaire animalier à un duo s’inspirant de celui-ci. Filmées en direct à l’aide de deux smartphones manipulés par les danseurs, les images sur écran s’intègrent parfaitement à l’ensemble, multiplient les points de vue, les surprises, les découvertes. Sur le plateau, une toile semble prendre vie à même le sol. Un duo explose sur fond de guitares électriques. Le tunnel devient espace cosmique pour une magnifique séquence en apesanteur. Comme une perte définitive de repères. Ou le début d’un renouveau. J.M.W.


L’Œil, l’Oreille et le Lieu, de et mis en scène par Michèle Noiret, créé au Stormen Konserthus de Bodø (Norvège), création belge à Charleroi danse.

Cocréation et interprétation David Drouard, Sara Tan Création vidéo Aliocha Van der Avoort Images 3D Romain Lalire Développement vidéo Frédéric Nicaise Composition musicale originale, interactions, régie son Todor Todoroff Musique additionnelle Entrance Song de Black Angels Lumières Yorrick Detroy Scénographie Wim Vermeylen, Michèle Noiret Costumes Patty Eggerickx Direction technique et régie plateau Frédéric Nicaise Régie lumières Alexandre Chardaire, Loïc Scuttenaire (en alternance) Régie vidéo Yves Pezet, Aliocha Van der Avoort (en alternance) Confection costumes Isabelle Airaud, Sarah Duvert.

Production Compagnie Michèle Noiret/Tandem asbl Coproductions Baerum Kulturhus, Sandvika - Oslo (NO), Stormen Konserthus, Bodø (NO), Charleroi danse - Centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles (BE),  Centre des arts - CDA, Enghien-les-Bains (FR). Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Service Général de la Création Artistique - Service de la Danse, Wallonie-Bruxelles International (WBI), Tax Shelter du Gouvernement Fédéral Belge - Casa Kafka Pictures Tax Shelter.

Hedda

Le traditionnel appel à éteindre son téléphone avant le début de la représentation est à peine terminé qu’une sonnerie retentit dans la salle. Les têtes se tournent, visages agacés. On cherche le coupable. Mais cette fois, il est sur scène. Elle, plus exactement, puisque, traversant le plateau derrière deux comédiennes en tenue d’époque, c’est la metteuse en scène du spectacle qui répond à un appel urgent. Ou plus exactement, le personnage de la metteuse en scène…

Avec une incroyable maestria, la metteuse en scène (la vraie) orchestre ici un fascinant mélange des genres, des époques, des visions, porté par une équipe de comédiennes et comédiens formidables interprétant une troupe qui tente de livrer sa version d’Hedda Gabler d’Ibsen tout en se débattant avec de multiples démons.

Comme pour mieux remettre en question le rôle du théâtre, l’ordre des choses est ici totalement renversé. Sur le plateau, ce sont les coulisses que nous découvrons: loges et foyer avec leurs discussions, débats, engueulades, tentatives de séduction, beuveries, périodes de découragement, moments de lassitude, de rigolade… Quant aux scènes d’Hedda Gabler, elles n’apparaissent que sur grand écran, jouées en direct par les comédiens qui vont et viennent entre coulisses et plateau grâce à une formidable machinerie théâtrale visuelle et sonore mise en branle par toute une équipe.

Le procédé permet un étonnant mélange des genres et de vraies surprises culminant dans une scène finale rarement osée au théâtre. J.M.W.


Hedda de Aurore Fattier et Sébastien Monfè, mis en scène par Aurore Fattier, créé au Théâtre de Liège. 

Avec Fabrice Adde, Delphine Bibet, Yoann Blanc, Carlo Brandt, Lara Ceulemans, Valentine Gérard, Fabien Magry, Deborah Marchal, Annah Schaeffer, Alexandre Trocki, Maud Wyler Texte et dramaturgie Sébastien Monfè et Mira Goldwicht Assistanat Deborah Marchal et Lara Ceulemans Scénographie Marc Lainé en collaboration avec Stéphane Zimmerli et Juliette Terreaux Création vidéo/cinématographie Vincent Pinckaers Cadreur Gwen Laroche / Vincent Pinckaers (en alternance) Costumes Prunelle Rulens en collaboration avec Odile Dubucq Création coiffure Isabel Garcia Moya Création lumière Enrico Bagnoli Composition musicale Maxence Vandevelde Direction technique Nathalie Borlée Régie générale Dylan Schmit Régie plateau Manu Savini Régie son Jérôme Mylonas Régie vidéo Gwen Laroche et Nicolas Gilson (en alternance) Régie lumière Jean-François Bertrand Création maquillage Sophie Carlier Habilleuse Anne-Sophie Vanhalle Réalisation décors et costumes Ateliers du Théâtre de Liège.

Production Théâtre de Liège et DC&J Création. Coproduction Solarium Asbl, Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Théâtre Royal de Namur, Théâtre de La Cité-Cdn Toulouse-Occitanie, Comédie de Valence-Cdn Drôme-Ardèche, Les Théâtres de la ville du Luxembourg, Théâtre National de Nice, MARS Mons Arts de la Scène, Comédie de Reims, Prospero – Extended Theatre. Soutien Tax Shelter du Gouvernement Fédéral de Belgique et Club des Entreprises partenaires du Théâtre de Liège.


Reprises: Comédie de Reims les 15 et 16 décembre 2023, Les Théâtres de la ville du Luxembourg les 16 et 17/02/2024.

Beaux jeunes monstres

Des micros, des amplis, des synthés, un piano, la scène a tout d'un studio d'enregistrement, jusqu'au tapis en fourrure pour étouffer le bruit des pas. Le casque audio que les spectateurs reçoivent à l'entrée renforce encore cette impression. Willy se présente, enfin William, ou Wheeling comme l'appellent ses amis parce qu'il est un peu spécial. Victime d'un accident à la naissance, Willy est presque totalement paralysé et ne peut pas parler. 

Créé sous forme de fiction radiophonique, la pièce est transposée à la scène dans une forme hybride qui s'enrichit des outils du spectacle vivant. Ici, pas le droit à l'erreur, il n'y a pas de montage, tout se déroule en direct live. Son côté immersif – le casque audio nous permet d'entendre, de façon intime, le récit de Willy pourtant incapable de parler – et la qualité des prestations (dialogues, musique, chant polyphonique, ambiance, bruitage) des onze interprètes portent un texte, teinté d'ironie et d'auto-dérision, qui fait mouche. D.B.


Beaux jeunes monstres de Florent Barat mis en scène et en sons par Florent Barat, Émilie Praneuf et Sébastien Schmitz.

Créé à Mars-Mons Arts de la Scène. 


Avec Deborah Rouach, Émilie Praneuf, Juliette Van Peteghem, Amélie Lemonnier, Lucile Charnier, Sylvie Nawassadio, Alex Jacob, Michele De Luca, Michel Bystranowski, Sébastien Schmitz, Florent Barat  Composition musicale et sonore Sébastien Schmitz Ingénierie sonore Michel Bystranowski Direction des chœurs Juliette Van Peteghem Scénographie Sébastien Corbière Création lumière Sibylle Cabello Costumes Marine Vanhaesendonck Assistanat à la mise en scène Gaspard Dadelsen Régie générale Peter Flodrops Production et diffusion Anne Festraets Illustrations Élise Neirinck


Coproduction Mars - Mons Arts de la Scène, Le Tangram, Théâtre de Namur, Théâtre Varia, Pierre de Lune, MA Scène Nationale de Montbéliard, La Coop asbl et Shelter Prod. Avec l'aide du ministère de la culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Conseil du Théâtre pour l'Enfance et la Jeunesse, ING et le tax-shelter du gouvernement fédéral belge. Avec le soutien du Centre culturel Jacques Franck, de Wallonie-Bruxelles International, du Printemps des Comédiens dans le cadre du Warm-up et de La Maison culturelle d'Ath.

Drache nationale

Sortez vos K-Way, ouvrez vos parapluies : la Compagnie Scratch vient danser sous la pluie. Drache nationale, c’est un peu Singin’ in the rain à la (délicieuse) sauce belge. Trois circassiens adeptes du "less is more" font fleurir une ode à ces moments où tout semble partir de traviole, où les ennuis vous pleuvent littéralement dessus et où, pourtant, la dérision vient réchauffer l’ambiance comme une bonne soupe. Comment positiver quand tout part en cacahuète ? Gaëlle Coppée, Denis Michiels et Tom Boccara unissent leur goût du jeu pour nous prouver que le cirque a des réponses très originales à cette problématique universelle.

Avec un goût prononcé pour le bricolage et l’imagination, le trio s’amuse à bâtir des univers en deux coups de cuillères à pot, pour un rendez-vous irrésistible d’humanité. Toutes celles et tous ceux qui ont vu Mousse, le précédent spectacle de la compagnie, retrouveront la saveur du dérapage contrôlé, du petit rien qui change tout, du flegme qui fait mouche. Armés de micros et de sacs à dos avec juste ce qu’il faut de bric-à-brac, Gaëlle Coppée, Denis Michiels et Tom Boccara revivent leur première "boum" où l’on n’ose pas danser, jouent aux princesses décapées de tout vernis, avouent leurs rêves inachevés et partagent leurs trucs pour transformer le chagrin des crachins en un arc-en-ciel XXL.

Drache nationale, c’est une ode au ratage livrée avec une virtuosité irrésistible. Un art circassien parti du jonglage et désormais ouvert à tous les possibles de la narration qui touche au cœur. L.A.


Drache Nationale de Tom Boccara, Gaëlle Coppée & Denis Michiels, mis en scène par Bram Dobbelaere

Créé au Festival La Piste aux Espoirs, à Tournai.


Avec Tom Boccara, Gaëlle Coppée & Denis Michiels Conseils artistiques & dramaturgiques Gaël Santisteva Conseils en jeu clownesque Christine Rossignol-Dallaire Création lumières Thibault Condy Costumes Héloïse Mathieu.

Production Compagnie Scratch Coproduction Maison de la Culture de Tournai, Perplx (Kortrijk), Latitude 50 - Pôle des Arts du Cirque et de la Rue (Marchin), UP - Circus & Performing Arts (Bruxelles), Festival International des arts de la rue de Chassepierre, Centre Culturel Wolubilis (Bruxelles), Centre Culturel du Brabant Wallon (Court-Saint Etienne)

Reprises: le 2 juillet 2023 au Festival au Carré à Mons, les 19 et 20 août 2023 au Festival de Chassepierre, les 23 et 24 septembre 2023 aux Fêtes romans à Woluwe-Saint-Lambert, les 4 et 5 octobre à Uccle, le 26 juillet 2024 à Brugge Plus.

RECLAIM

D’après tous les curseurs, l’avenir de l’humanité n’est pas vraiment rose bonbon. Alors quoi, on s’assied et on pleure ? Ce n’est pas vraiment le genre de Patrick Masset, du Théâtre d’1 Jour. Le metteur en scène a conçu RECLAIM comme on s’élance pour un rituel ancien et libérateur. "Nous avons besoin de proximité, de circulaire et de sacré", lance-t-il dans les coulisses de ce spectacle musical, lyrique et acrobatique. Dans la lignée de Stratch, a fear song, élu Meilleur spectacle de cirque aux Prix Maeterlinck en 2016, RECLAIM est un brûlot où se réchauffer de très près.

Attention, ce n’est pas la suite de Stratch, a fear song, assure Patrick Masset. Mais il est clair que l’on reconnaît les ingrédients qui en ont fait la force : une chanteuse lyrique, prompte à escalader les cimes avec ses camarades acrobates, forge le cœur d’un spectacle polyphonique. Le cirque s’y taille la part du lion – ou plutôt du loup. Au milieu de la piste blanche, autour de laquelle on se serre sur des gradins de bois clair, cinq acrobates vont rugir comme des bêtes sauvages, jouer de la hache sur un billot, défier l’escalade d’un lit de fer. La musique adoucira ces mœurs, créant de véritables entrelacs mélodiques et physiques : la chanteuse lyrique se fait à son tour acrobate, tandis que les deux violoncellistes défient aussi les hauteurs.

"Je poursuis une intuition née il y a plus de vingt ans : le cirque et l’art lyrique sont faits pour se rencontrer", explique le metteur en scène. Avec RECLAIM, il en propose un nouveau cocktail enivrant, qui s’impose comme une expérience à vivre en meute. L.A.


RECLAIM de Patrick Masset

Créé aux Halles de Schaerbeek. 

Chanteuse lyrique  Blandine Coulon Violoncellistes Claire Goldfarb et Eugénie Defraigne Voltigeur.euse.s Chloé Chevallier, César Mispelon et Lisandro Gallo Porteurs Joaquin Diego Bravo et Paul Krügener Scénographie et costumes Oria Puppo Réalisation des costumes Dolça Mayol et Zoé Petrignet Masques Isis Hauben Travail du fer Jean-Marc Simon Création des méduses Benoît Gallant Travail chorégraphique Dominique Duszynski Assistante à la mise en scène Lola Chuniaud Création lumière Frédéric Vannes (version salle) & Emily Brassier (version chapiteau) Cooker Géraldine Py Régie générale et régie lumière Adrien De Reusme.

Production Théâtre d’1 Jour Coproduction Les Halles de Schaerbeek, Le Vilar, Palais des Beaux-Arts de Charleroi, UP - Circus & Performing Arts, le Maillon - Théâtre de Strasbourg - Scène Européenne, Le Centre des Arts scéniques (CAS).

Reprises: Edinburgh Festival Fringe du 6 au 26 août 2023 (Ecosse), Fêtes Romanes à Wolubilis les 24 et 25 septembre 2023 (Bruxelles), UP - Circus & Performing Arts du 28 septembre au 8 octobre 2023 (Bruxelles), les Rotondes les 28 et 29 décembre 2023 (Luxembourg ville), Latitude 50 les 26 et 28 janvier 2024 (Marchin), Le Vilar du 28 mai au 7 juin 2024 (Louvain-la-Neuve).

Boutès

Un homme d'un certain âge s'essaie maladroitement à la manipulation des massues de de jonglage. Il est rejoint par une femme qui elle maîtrise parfaitement cet art. Ils se rejoignent dans une chorégraphie bercée par la musique de Super papa puis arrive la triste nouvelle. Si tristesse et colère s'expriment puissamment dans le mouvement, les questions autour de la disparition d'un être proche ont besoin de mots. 

Avec sobriété et poésie, Tania Simili et Jean-Luc Piraux conjuguent leurs talents pour mettre des gestes et des mots sur des souvenirs précieux lors de l'ultime échange entre un père et sa fille. Tania et Sarah Simili, l'une en scène et l'autre à la mise en scène, pratiquent le cirque contemporain en Suisse au sein de leur Compagnie Courant d'Cirque. Jean-Luc Piraux a écrit et interprété avec son Théâtre Pépite plusieurs seuls-en-scène où il explore, notamment, ses propres ombres pour mieux s'en alléger. Ensemble, ils empruntent avec tendresse et émotion le chemin du deuil et montrent que le cirque peut aussi être un pont entre l'intime et l'universel. D.B.


Boutès, mis en scène par Sarah Simili

Créé à UP – Circus & Performing Arts.

Avec Tania Simili & Jean-Luc Piraux Création sonore  Thomas Barlatier Création lumières Antoine Zivelonghi Création costumes Patty Eggerickx  Soutien à la dramaturgie Antoine Zivelonghi, Sylvain Honorez & Laurent Ancion.

Coproductions Noumeno ASBL [BE], TLH-Sierre [CH]. Soutiens UP - Circus & Performing Arts [BE], TLH-Sierre [CH], Malévoz Quartier Culturel [CH], Etat du Valais - dispositif Théâtre Pro [CH], Fédération Wallonie-Bruxelles [BE], Loterie Romande Valais [CH], La Maison des Jonglages [FR], FLIC scuola di circo [IT], Latitude 50 [BE] & Roberto Olivan Performing Arts [ESP].

Stéphanie Blanchoud

A travers ce nouveau texte, Stéphanie Blanchoud éclaire dans un sourire d’horreur les drames qui se jouent aux abords des lieux d’enfermement. Deux adultes - Simon et Louise - un frère et une sœur, se réunissent pour mettre des mots sur le drame dont ils ont été les témoins. Leur mère est en prison. Elle a été incarcérée pour le meurtre d’un amant violent. Cet homme, ils l’ont connu. Ils ont vécu et grandi avec ce beau-père toxique. Ils ont accepté, enfants, de jouer le rôle qu’on leur assignait. Adultes, ils ont continué d’obéir à leur mère quand elle leur demandait de détourner le regard.

Depuis la condamnation de sa maman, Louise tente de recoller les derniers morceaux d’une famille anéantie. Chaque mercredi, elle compte les trous dans les trottoirs qui séparent son domicile de la prison. Le temps qu’il faut à un bébé girafe pour se tenir debout prend la mesure du poids que le monde carcéral exerce sur les proches des détenus. 45 minutes, c’est le temps accordé au parloir des prisons. 45 minutes, c’est le temps qu’il faut à un bébé girafe pour se tenir debout.

Depuis Je suis un poids plume en 2017, Stéphanie Blanchoud oscille entre les textes ciselés et les prestations physiques. Interprété par Stéphanie Blanchoud et Laurent Capelluto, le texte croise deux monologues douloureux. Les personnages de Louise et de Simon apparaissent sur une scène dépouillée, bien trop grande et trop éclairée, vacillant sourires figés dans des discours faussement légers avant de se délester du poids qui pèse sur leurs épaules. F.C.


Le temps qu’il faut à un bébé girafe pour se tenir debout de Stéphanie Blanchoud, mis en scène par Diane Fourdrignier, créé au Rideau de Bruxelles.

Avec Stéphanie Blanchoud et Laurent Capelluto Création lumière Benoit Theron Création sonore & composition musicale Dimitri de Perrot Création sonore & sonorisation Noé Voisard Assistanat mise en scène Diana David Assistante stagiaire Léna Janev Régie générale Jérémy Vanoost Régie lumière Gauthier Minne ou Valentine Bibot Régie son Victor Petit.

Production Le Rideau, Poppins Productions et La Coop asbl. Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Service général de la Création artistique et de la SACD. Avec le soutien de Shelterprod, Taxshelter.be, ING et du Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge. Production déléguée / diffusion Le Rideau

Le temps qu'il faut à un bébé girafe pour se tenir debout est édité chez Lansman Éditeur, 2023. 

La Place

Trois personnages occupent le plateau dont le décor dépouillé s'étend derrière eux jusqu'en fond de scène. Deux d'entre eux sont assis, figés dans une position similaire, le coude en appui sur la cuisse. Passant d'un spectateur à l'autre, ils regardent, silencieux, le public droit dans les yeux. Le bistrot du coin a fermé et les arbres ont été arrachés. Thierry et Karim cherchent leur place. Derrière ces deux figures aux allures de portraits du XVIIe siècle, un homme arpente l'espace, sans mot dire, pour le nettoyer des déchets qui l'encombrent.

Laure Lapel s'est inspirée de la transformation de son quartier, la place Fernand Cocq à Ixelles, pour élaborer son travail de fin d’études à l’Insas, en 2019. Elle a enregistré une série d'entretiens avec des piliers de bar emblématiques de l’histoire du quartier. Tous les protagonistes sont incarnés par des comédiennes qui ne quittent jamais le public du regard. Ni Thierry ni Karim ne se tournent l'un vers l'autre, parlant côte à côte, comme à distance. Au delà de l'espace en transformation dont la mémoire s'effrite, La Place s'interroge sur notre rapport à l'autre dans l'espace urbain et sur la violence insidieuse qu'induit la gentrification destructrice des relations sociales. D.B.

La Place, texte et mise en scène de Laure Lapel.

Avec Yasmina Al-Assi, Zenabou Mbamba, Zoé Sjollema.

Aide à l’écriture et dramaturgie Jérôme Michez Création sonore Louison Assié Lumière Iris Julienne, Jonathan Kibani Scénographie & costumes Nathalie Moisan Chargée de diffusion Delphine Friquet Complice costume Albane Roche.

Production Théâtre Océan Nord en coproduction avec La Coop asbl et Shelter Prod. Soutiens Fédération Wallonie Bruxelles service Théâtre, taxshelter.be, ING, Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge, Théâtre des Doms, Chaufferie Acte 1 , Fabrique de Théâtre, Théâtre de la Balsamine, Bolognaprocess asbl, CoCof (Fonds d’Acteurs), Fond Marie-Paule Delvaux Godenne.

Genesis

Genesis raconte l'histoire d'un jeune homosexuel d’origine Kabyle né dans le Nord de la France dans une famille musulmane. Avec d'autres voix venues du Maroc et de Tunisie, Hakim Bouacha dépeint une société homophobe et les mécanismes de défense mis en place par les personnes persécutées en raison de leur orientation sexuelle. Le mot gay n'existe pas en arabe, on utilise juste des insultes ou des mots sales comme honte, trahison, vendu. L'homosexuel est moins qu'un homme. Hakim a grandi dans un milieu populaire, pauvre et a été confronté à un double combat : sortir de sa condition et pouvoir assumer son homosexualité là où la famille ou dieu et honneur ne font qu'un.

Même s'il centre son propos sur les inégalités, l'intolérance, l'exclusion, le combat, le genre, la sexualité, ici comme de l'autre côté de la Méditerranée, Hakim Bouacha parle d'abord et avant tout d'amour, l'amour que l'on juge ou que l'on censure. Entre seul en scène et théâtre documentaire, d'une écriture d'une qualité remarquable où la légèreté côtoie le tragique, il témoigne de ce que subissent les homosexuels issus de pays musulmans et d'Europe. D.B.


Genesis de et avec Hakim Bouacha

Créé au Théâtre de Liège.

Scénographie et dramaturgie Zouzou Leyens Accompagnement mise en scène Joey Elmaleh Coaching  Sarah Brahy Création lumière Olivier Arnoldy Montage vidéo Nicolas Jans Montage artistique Kevin Alf Jaspar Mouvement scénique Laura Bachman Regard extérieur Jacqueline Bollen Réalisation décors et costumes Ateliers du Théâtre de Liège.

Production Théâtre de Liège et DC&J Création Coproduction Espace Magh et Théâtre National Wallonie-Bruxelles. Soutien Tax Shelter du Gouvernement Fédéral de Belgique, Inver Tax Shelter et W.M.E BV.


Koulounisation

Sur un plateau d'un blanc immaculé, Salim Djaferi tente de démêler une corde pendant que le public s'installe. Il tend la corde d'un côté à l'autre de la scène. Elle sera littéralement le support de son propos. Lorsqu'il demande à sa mère et sa tante comment on dit colonisation en arabe, elles répondent "koulounisation", qui résulte d'une interférence phonétique souvent liée à un emprunt linguistique. Peu satisfait de cette réponse, Salim Djaferi cherche plus avant, consultant d'autres érudits. Parce que le mot affiche d'emblée son sens premier, il n'en recèle pas moins, si l'on creuse un peu, nombre de réalités moins évidente mais parfois lourdes de sens, et de violence.

Il expose le fruit de ses investigations entre histoire personnelle et enquête historique. A l'aide de plaques de polystyrène, de papiers et d'objets du quotidien, le comédien matérialise ce qui distingue la colonisation qui ordonne de celle qui dépossède ou exclut de chez soi. La scénographie de Justine Bougerol et Silvio Palomo fait avancer la pièce tandis que son enquête se concrétise à la fois sur le fond et la forme. Il fait intervenir le public avec le test de l'éponge et la bouteille et reçoit l'aide d'une spectatrice naïve (Delphine de Baere) qui va finalement participer pleinement à une démonstration amusante de l'incompréhension qui règne entre des non-dits et des mots mal interprétés. D.B.


Koulounisation de, mis en scène et interprété par Salim Djaferi, scénographie Justine Bougerol et Silvio Palomo.

Développement, production, diffusion Habemus papam, réalisée en coproduction avec Les Halles de Schaerbeek, Le Rideau de Bruxelles et l’Ancre – Théâtre Royal de Charleroi, l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Commission communautaire française et avec le soutien des bourses d’écriture Claude Étienne et de la SACD, de la Chaufferie-Acte1, de La Bellone-Maison du Spectacle (BXL/BE), du Théâtre des Doms, du Théâtre Episcène et de Zoo Théâtre.

Reprise: le 6 décembre 2023 au Centre Culturel d'Uccle.

Landfall

La chorégraphe et danseuse Erika Zueneli réunit dix interprètes qui habitent une « zone à défendre face aux rétrécissements du réel ». Partant de l'occupation de l'espace, les interprètes, issus du milieu de la danse, du théâtre et même du cirque, assemblent leurs énergies et leurs personnalités respectives pour constituer un ensemble qui fait corps. Le thème de « Landfall » (le terme n'a pas d'équivalent en français mais signifie, en gros, toucher terre, ce qui vaut pour un avion comme pour un bateau) n'est pas tant le groupe en lui-même que la coexistence des singularités qui le composent. Tous les membres de l'ensemble sont différents, et affirment leur différence, mais le rassemblement de toutes ces individualités n'empêchent nullement le « nous » d'exister, au contraire, c'est cette diversité qui lui insuffle toute sa force. On reconnaît la patte de la chorégraphe dans cette œuvre, tout en équilibre et en cohérence, et l'on distingue également la personnalité des interprètes, tous remarquables. Erika Zueneli réussit ici à guider une autre génération de danseuses et danseurs. D.B.

Landfall d'Erika Zueneli

Avec Alice Bisotto, Benjamin Gisaro, Caterina Campo, Charly Simon, Clément Corrillon, Elisa Wery, Felix Rapela, Louis Affergan, Lola Cires et Matteo Renouf Collaboration, regard scénographique Olivier Renouf Dramaturgie Olivier Hespel Regard extérieur Julie Bougard Assistant projet Louise De Bastier, Corentin Stevens Création sonore Thomas Turine Création lumières Laurence Halloy Costumes Silvia Hasenclever Administration, production, diffusion des Organismes vivants & Ta-dah! ASBL Production Tant’amati/Asbl Coproduction Central-La Louvière, Charleroi Danse, Centre Chorégraphique National de Rillieux-la-Pape, Centre de développement chorégraphique La Briqueterie à Paris. Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Session danse, la Région Ile de France (via la compagnie l’Yeuse) et du Centre des Arts scéniques -Mons.

Reprises: le 11 octobre 2023 à la Raffinerie de Charleroi danse, le 22 mars 2024 à Tournai, les 7 et 8 juin 2023 au Festival TB2-Tanneurs/Brigittines (Bruxelles), le 11 ou 18 octobre 2024 Jacques Franck

En attendant Bojangles

Pour Victoire Berger-Perrin, jeune metteuse en scène française, En attendant Bojangles, c’est un peu l’histoire des premières fois. Ce roman est le premier d’un jeune auteur alors totalement méconnu, Olivier Bourdeaut. Sorti en en 2016, son livre remporte un succès immédiat, couronné de multiples prix. Au même moment, Victoire Berger-Perrin mène une jolie carrière d’assistante à la mise en scène, mais son rêve, c’est de lancer son propre projet de mise en scène.

Elle tombe alors sur le livre de Bourdeaut et c’est le coup de cœur. Elle le tient, son projet : elle va adapter et porter sur les planches En attendant Bojangles. Elle contacte l'écrivain et son éditrice, remet une proposition et, alors qu’ils sont trois candidats sur le coup, chance, son projet est retenu. Le spectacle est créé quelques mois plus tard, au Festival d’Avignon 2017. La salle est comble pendant trois semaines. Pari réussi. La pièce sera ensuite jouée des centaines de fois, à Paris et en tournée.

Mais l’histoire des premières fois ne s’achève pas ici. À l’été 2019, Victoire Berger-Perrin rencontre à Avignon les comédiens Charlie Dupont et Tania Garbarki, qui jouent Les Émotifs anonymes. Ils sympathisent et le duo belge lui propose de présenter sa pièce à Bruxelles, nouvelle première, et de leur confier le rôle de ce couple fou d’amour. L’affaire est bouclée, et la distribution complétée par Jérémie Petrus, qui interprète le jeune fils, narrateur principal du récit. S.B.


En attendant Bojangles, d'après Olivier Bourdeaut, adaptation et mise en scène de Victoire Berger-Perrin

Créé au Théâtre Le Public

Avec Charlie Dupont, Tania Garbarski Jérémie Petrus Assistante à la mise en scène Cachou Kirsch Scénographie Caroline Mexme Costumes Chandra Vellut Lumière Laurent Kaye Chorégraphie Cécile Bon Son Pierre-Antoine Durand Régie Aurélien Coquelet, Eric Tembo, Galatée Bardey

Production du Théâtre Le Public, avec le soutien du Tax Shelter de l'État fédéral belge via Beside et de la Communauté française


Reprise: du 22 août au 9 septembre 2023 au Théâtre Le Public (Bruxelles)

Les garçons et Guillaume, à table!

Créée à Paris en 2008, avant de devenir un immense succès au cinéma en 2013, la pièce, autobiographique, Les garçons et Guillaume, à table! de Guillaume Gallienne rayonne, aujourd'hui, sous un jour nouveau grâce à Jean-François Breuer, aidé en cela par la mise en scène de Patrice Mincke. Et de fait, vous n'assisterez pas à une réplique, au risque d'être bancale, de Gallienne. Pour cause! Jean-François Breuer s'imprègne magistralement des mots du Sociétaire de la Comédie française, en y insufflant sa propre sensibilité, ses propres fêlures et son grain de folie bien à lui. Jouissif!

Pendant 1 h 20, il embarque le public dans un récit de vie aussi tendre et drôle qu'éprouvant et cruel. De l'Espagne et ses Sevillanas à l'Angleterre et son pensionnat pour garçons, en passant par la Bavière et ses cures de thalasso, Jean-François Breuer voyage dans le temps et l'espace, racontant les (més)aventures de Guillaume pour se mouler dans un genre qui n'est pas le sien, mais dont il s'amuse à brouiller les frontières. Une paire de lunette, une perruque, une couverture ceinturée en jupe longue, un chapeau d'été fuchsia ou encore une bouche pincée...Jean-François Breuer campe avec aisance et brio une galerie de personnages féminins (la mère de Guillaume, sa grand-mère, ses tantes...), tous plus truculents les uns que les autres.

Pour symboliser ces péripéties et cette quête d'identité, le comédien est entouré, sur scène, de valises (lesquelles se font aussi l'assise d'un très beau décor, original, pensé par Anne Guilleray) qu'il trimbale, ouvre et ferme comme pour se délester du poids d'un passé devenu trop encombrant. Et, enfin, s'assumer tel qu'il est : un homme qui aime passionnément les femmes, mais pour qui "être viril, c'est vraiment très difficile". S.B.


Les garçons et Guillaume, à table!, de Guillaume Gallienne. Mise en scène de Patrice Mincke.

Avec Jean-François Breuer Scénographie et costumes Anne Guilleray Création lumières Philippe Catalano Chorégraphie Laura Cabello Perez Visuel Lou Verschueren

Production LIVE Diffusion

Reprises: le 30 juin 2023 au Festival VTS à Trois-Ponts, du 7 au 29 juillet 2023 au Théâtre Buffon (Festival OFF Avignon), le 19 août 2023 au Festival Théâtre au Vert à Thoricourt, le 10 novembre 2023 à Philippeville, le 12 novembre 2023 à Charleroi, le 14 novembre 2023 à Perwez, le 16 novembre 2023 à Verviers, les 17 et 18 novembre 2023 à Herve, les 21 et 22 novembre à Wolubilis (Bruxelles), le 24 novembre 2023 à Colfontaine, le 25 novembre 2023 à Fosses-la-Ville, le 30 novembre 2023 à Marcinelle, le 1er décembre 2023 à Tubize, le 2 décembre 2023 à Chênée, du 5 au 9 décembre 2023 à Namur, le 12 janvier 2024 à Ottignies, le 13 janvier 2024 à Rossignol, du 16 au 19 janvier 2024 à Fleurus, le 26 janvier 2024 à Beloeil... Toutes les dates de reprises ici
La Grande Nymphe

Tout commence par un film. Grand écran sur fond de scène : Lara Barsacq, patins à roulettes aux pieds, slalome devant les pyramides du Louvre. Elle prépare un spectacle, inspiré de la Nymphe. La nymphe, dans la mythologie grecque, directement liée au désir érotique. La Nymphe, dans les Art, souvent un mec. L’Après-midi d’un faune, de Debussy, directement inspiré d’un poème de Mallarmé et dansé par Nijinski, en tête. Le Louvre, c’est là où sont exposés les vases antiques, dont les profils ont inspirés les mouvements de Nijinski. Inspiration. On entre ensuite dans le vif du sujet. Lara et Marta Capacciolli, gestuelle inspirée des vases anciens, à la fois hiératique mais fluide décomposent sur scène l’imagerie érotique et l’érotisation des corps et des genres dans un subtil duo rendu tantôt explosif tantôt sensuel par la décomposition électronique d'un DJ set live, de Cate Hortl, en coin de plateau, sous tableau antique. Les voix des danseuses au micro, les explications accompagnent cette partie – Lara Barsacq est également comédienne. Dans la seconde partie, c’est Marta Capacciolli qui prend les commandes du plateau, réinventant cet Après-midi, sublimement portée le trio live (flûte, harpe, violoncelle) de la partition de Debussy. Une ode à la femme en danse. Dense.

La Grande Nymphe, de Lara Barsacq

Création et interprétation Marta Capaccioli, Lara Barsacq, Cate Hortl, Léonore Frommlet, Wanying Emilie Koang, Alyssia Hondekijn Musique originale Cate Hortl Scénographie et costumes Sofie Durnez Création lumières Estelle Gautier Conseils artistiques Gaël Santisteva Vidéo Gaël Santisteva, Lara Barsacq Animation vidéo Katia Lecomte Mirsky Musique Claude Debussy Régie générale Emma Laroche Régie son Sammy Bichon Administration & production Myriam Chekhemani Communication & diffusion Quentin Legrand - Rue Branly 

Production Gilbert & Stock Coproduction Kunstenfestivaldesarts,Charleroi danse - Centre Chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Théâtre de Liège, Les Brigittines (BE), CCN de Caen en Normandie dans le cadre de l’Accueil-studio, CCN2 - Centre Chorégraphique National de Grenoble (FR) Résidences de création Charleroi danse, Grand Studio, Les Brigittines (BE), CCN de Caen en Normandie, CCN2 - Centre Chorégraphique National de Grenoble (FR) Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Service de la danse


Reprises: le 6 février au Théâtre de Liège, du 14 au 16 mars 2024 aux Brigittines (Bruxelles)

Koulounisation

C’est en cherchant, dans une librairie d’Alger un livre sur  la « guerre » d’Algérie, que Salim Djaferi a réalisé qu’il s’agissait en réalité d’une « révolution ». De là, lui est venue une interrogation. Sur ses origines, sur cette révolution qu’il connait mal. Sur sa famille. Une famille qu’il a d’abord interrogée, pour construire son Koulounisation. Un spectacle qui interroge les mots. Les mots qu’on met sur la colonisation, ici et là, d’un côté et de l’autre de la mer. Un spectacle basé sur l’analyse linguistique du français versus l’algérien, les origines d’un peuple brimé, auquel on a pris jusqu’à son nom, ses noms. Voilà pour (une partie) du fond. Puis il y la forme, à la limite de la performance plastique. Une performance faite, littéralement, de bouts de ficelles et planches de frigolite. Et de jus de betterave et de clous. Des éléments épars qui construisent sous nos yeux une réelle scénographie expressive, au-delà de la performance. Une performance donc, mais avec les outils du théâtre, et les mots du théâtre, lesquels Salim prend soin de les poser, calmement, dans une certaine esthétique, encore. Pour éloigner ce théâtre documentaire et très documenté de la simple conférence gesticulée. Et puis, surtout, Koulounisation c’est un spectacle où on rit. Beaucoup. Même entre certaines larmes de colère. I.P.


Koulounisation, de Salim Djaferi

Créé aux Halles de Schaerbeek et Rideau de Bruxelles


Avec Salim Djaferi et Delphine De Baere Collaborateur artistique Clément Papachristou Regard dramaturgique Adeline Rosenstein Aide à l’écriture Marie Alié et Noureddine Ezarraf Écriture plateau Delphine De Baere Scénographie Justine Bougerol et Silvio Palomo Création lumière et régie générale Laurie Fouvet Photo visuel Marie Alié Développement, production, diffusion Habemus Papam. Merci à Aristide Bianchi, Camille Louis, Kristof van Hoorde et Yan-Gael Amghar.

Production Salim Djaferi hébergée par Habemus PAPAM Coproduction Les Halles de Schaerbeek, Le Rideau et L’Ancre-Théâtre Royal de Charleroi. Avec le soutien des bourses d’écriture Claude Étienne et de la SACD, de la Chaufferie-Acte1, de La Bellone-Maison du Spectacle (BXL/BE), du Théâtre des Doms, du Théâtre Episcène et de Zoo Théâtre. Avec l’aide de la Fédération Wallonie Bruxelles.

Reprise le 6 décembre 2023 au Centre culturel d'Uccle.

Ben Hamidou

On ne présente plusBen Hamidou, acteur, comédien de théâtre et de cinéma, metteur en scène belgené en Algérie, grandi à Molenbeek. Une enfance molenbeekoise qui lui donnedepuis plusieurs années l’envie de travailler avec les jeunes de la dynamiqueMaison des Cultures et de la Cohésion Sociale de Molenbeek avec son asblSmoners. Cette année, il voulait avec ses jeunes « faire duclassique », comme il dit, avec un langage soutenu, du vocabulaire. JeanneDandoy, metteure en scène (Merveilles cette saison, notamment), lui a souffléOthello : une pièce qui parle de racisme, misogynie, féminicide. Desthèmes plus qu’actuels. C’est donc cette pièce qui a été choisie, mais traitéede façon (largement) détournée. Un travail mené sur l’année était d’ateliersd’impro, filmés, retravaillés. Au final, une pièce qui fait mouche : Apeu près Othello, d’à peu près Shakespeare. Une pièce dont la première sedéroulait à la MCCS. Un personnage déboulait par le large escalier dans le barde la MCCS en attente d’entrer dans la pièce, et introduisait l’intrigue, verbehaut et langage pointu, incongru dans ce lieu. Un autre l’interrompait, unetroisième s’y mêlait. Tourbillon avant l’entrée en salle, et eux en scène.Magistraux, en voix, corps, danse et combats travaillés. Un Othello noir, aprèsune foultitude d’européens blancs promis à ce rôle, des hommes et des femmesqui jouent indifféremment les deux genres… Le texte sur scène, directementinspiré de Shakespeare, langue soutenue et tournures à l’avenant, est émailléde propos actuels, issus des ateliers d’impro. Les costumes -prêtés par leNational- sont détournés par l’imaginative, débridée, attentive, et documentéeEmilie Jonet et portent parfaitement cette version iconoclaste d’Othello. Cettepremière fut suivie d’une représentation au National, acclamée par lesprofessionnels comme le public. Certains des treize comédiens intégraient cetteannée un Conservatoire. Tous en sont sortis grandis. Corps et voix. I.P.

Soufian El Boubsi

Doublé parfait cette saison 2022-2023 pour le discret mais non moins chevronné comédien Soufian El Boubsi, qui s’est vu confier deux rôles du répertoire de William Shakespeare : un rôle comique de composition (Sir Toby Haut-le-coeur dans La Nuit des Rois) et un héros très sombre, tragique (Caïus Marcius alias Coriolan dans Coriolan). “Le contraste est assez grand entre ces deux univers, mais, pour un comédien, c’est jouissif de pouvoir basculer de l’un à l’autre, car les personnages de Toby et Coriolan sont aux antipodes l’un de l’autre”, s’était-il réjoui dans la presse.

Diplômé de l’Institut supérieur des arts (Insas) en 2000, Soufian El Boubsi est, pour ainsi dire, tombé dans la marmite du théâtre. Son papa n’est, en effet, autre que Hamadi El Boubsi, acteur, conteur, auteur et metteur en scène de renom. Ils travailleront d’ailleurs ensemble sur plusieurs spectacles. “ Je dois vraiment à Hamadi ma survie dans ce métier ainsi qu’à la presse et au public qui ont soutenu notre travail”, remerciait-il également.

Depuis vingt ans, sa réussite dans ce métier, Soufian El Boubsi la doit aussi à son indéniable talent. Comme il l’a encore démontré avec ces deux derniers rôles: un truculent Sir Toby, aux accents fantaisistes et farcesques dans La Nuit des Rois et un héros militaire, charismatique mais bouffi d’orgueil dans Coriolan. S.B.


Soufian El Boubsi dans:

La Nuit des Rois de William Shakespeare mis en scène par Daphné D’Heur créé au Théâtre du Parc.

et Coriolan de William Shakespeare mis en scène par Jean-Baptiste Delcourt, créé au Théâtre des Martyrs.


La Sœur de Jésus-Christ

Inséparable duo et fidèles complices de Georges Lini (le directeur artistique de la Compagnie Belle de Nuit), Charly Kleinermann et Thibaut De Coster signent la splendide scénographie du spectacle La Soeur de Jésus-Christ de Oscar de Summa, mis en scène par Georges Lini.

L’histoire ? Elle se situe dans un petit village des Pouilles. Maria est la jeune sœur de Simeone, surnommé Jésus-Christ, car il joue le rôle du Christ lors de la Passion du Vendredi saint. Un jour, Maria s’empare du pistolet Smith&Wesson 9 mm rangé, chargé, dans le buffet de la cuisine. Inflexible, elle s’en va vers le village, là où travaille Angelo le Couillon, le jeune homme qui lui a fait violence la veille. À peine a-t-elle quitté la maison que les habitants du village, interpellés, vont se mettre à marcher à sa suite, formant un étrange cortège. Ils l’accostent : certains la supplient d’arrêter sa folle entreprise ; d’autres l’encouragent. Chacun y va de son anecdote sur la jeune fille. Et le puzzle de la vie de Maria se reconstitue peu à peu. Gamine, elle était une enfant comme les autres. En grandissant, elle est devenue une magnifique jeune femme, attirant la jalousie des femmes et la convoitise des hommes. Maria s’est toujours efforcée de fermer les yeux face à ces “mufles” et cette insupportable violence systémique. Jusqu’au jour où…

Pour personnifier ce cortège chamarré, Charly Kleinermann et Thibaut De Coster ont imaginé, avec le concours du régisseur lumières Jérôme Dejean, une scénographie digne des techniques du Caravage. Tel un artiste qui peint par touches de couleur, chaque personnage évoqué est identifié par un vêtement glissant le long d’un fil, composant peu à peu, en arrière-plan, un incroyable vestiaire-tableau.

Dans son combat, Maria n’est plus seule.


La Sœur de Jésus-Christ, d'Oscar de Summa (traduit par Federica Martucci), mise en scène de Georges Lini.

Scénographie de Charly Kleinermann et Thibaut De Coster

Créé au Théâtre de Poche


Coproduction du Théâtre de Poche, de la Compagnie Belle de Nuit, de La Coop asbl et Shelter Prod. Avec le soutien du taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge.

Léonard Berthet-RivièreOn dit souvent : la comédie, en particulier le vaudeville, c’est une mécanique, une horlogerie de mise en scène. Mais ce qu’a prouvé Léonard Berthet-Rivière avec Le Mystère du gant -son premier texte qu’il interprète avec Muriel Legrand-, c’est que les engrenages du texte sont pour beaucoup dans la réussite du genre. En réduisant la scénographie à une table et deux chaises, la distribution de 13 personnages à deux comédiens, il a remonté la rivière, l’essence même de ce qui fait rire. Lues par les deux comédiens, les répliques s’enchaînent et l’histoire se construit à mesure qu’elles se lisent. Les didascalies, d’habitude principalement indicatives, font partie du scénario, construisent le décor qui n'est pas là sous nos yeux mais se dessine bien dans nos esprits. Les entrées et sorties des personnages, ainsi que les portes qui claquent, se font à coups de mots. L’intrigue s’emballe, les personnages s’amoncèlent En plus de lorgner un genre qui a souvent été moqué, Léonard Berthet-Rivière, formé au Conservatoire de Liège, ose le pastiche suprême en se dissimulant derrière le nom d’un auteur qui n’existe pas, comble de la farce. En nous emmenant dans un monde qui s’esquisse dans nos imaginaires, il nous souffle à l’oreille la force des mots à créer des histoires. Drôles, en plus. "J'aime faire rire. Pour moi, c'est une politesse", dit même celui formé au Conservatoire de Liège, qui a joué avec José Besposvany, Thibaut Wenger, Dominique Serron, entre autres. On prend! N.N.


Léonard Berthet-Rivière (alias Roger Dupré)

Pour Le Mystère du gant - Vaudeville à table

Créé au Théâtre National

Mise en scène Léonard Berthet-Rivière Avec Muriel Legrand et Léonard Berthet-Rivière Scénographie Jérôme Souillot Créateur lumières Christophe Van Hove Compositeur Maxence Vandevelde Costumière Élise Abraham Réalisateur·ices textile Cathy Péraux, Eugénie Poste, Manon Bruffaerts, Marie Baudoin, Jérémy Sondeyker Effets spéciaux Stéphanie Denoiseux Construction bois Marion De Gussem, Thomas Linthoudt, Dimitri Wauters Chorégraphe de combat Émilie Guillaume Assistanat à la mise en scène Kalya Barras Régisseur général Benoit Ausloos.

Production Théâtre National Wallonie-Bruxelles Coproduction Théâtre de Liège, en partenariat avec La Chaufferie-Acte 1. Avec le soutien de Le Corridor, Latitude 50 - Pôle des arts du cirque et de la rue, L’Infini théâtre.

Reprises: Du 7 au 24 juillet 2023 à la Manufacture à Avignon, le 8 septembre 2023 à Bertrix, les 27 et 28 septembre 2023 à Verviers, le 30 septembre 2023 à Gembloux, le 6 octobre 2023 à Marche-en-Famenne, le 12 octobre 2023 à Ath, le 5 décembre 2023 à Tournai, le 20 décembre 2023 à Ciney, les 4 et 5 avril 2024 à Comines-Warneton et du 16 au 26 avril 2024 au Théâtre des Martyrs, Bruxelles.

Hippocampe

2023 sera l’année drag, ou ne sera pas. Et Lylybeth Merle a certainement contribué à rendre davantage visible une scène dite underground, longtemps réservée (par défaut) aux publics avertis. On est loin de la petite forme présentée au Théâtre les Tanneurs. En nous conviant dans son cabaret dans le Studio du Théâtre Varia, remodelé dans sa profondeur en un gradin élargi, l’artiste performeuse souhaite partager avec le tout public la diversité du monde. Drag queens, drag kings, créatures composent un véritable tableau de famille choisie par la chaleur et la convivialité de la soirée. Car ici, c’est une safe place, le lieu où toutes les identités peuvent s’exprimer et s’émanciper. Chansons, tableaux dansés, poésie, humour… les interventions de la douzaine d’artistes composent le tableau expressionniste de l’arc-en-ciel sociétal, une wunderkammer de la diversité des genres et des corps. La présence sur scène est une militance par sa simple raison d'être. Les yeux écarquillés, les doigts qui claquent pour applaudir, le public saute de numéro onirique en performance plastique. L’imperfection existe mais elle est dramaturgique. Et quand le rideau se lève pour laisser entrevoir les coulisses où les maquillages se peaufinent et les masques tombent, c’est une invitation à percer une intimité qui est désormais partagée. Hippocampe a même innové dans sa confection, Lylybeth Merle suscitant les rencontres entre performeurs de divers disciplines et techniciens, établissant de fait un compagnonnage artistique bienveillant. N.N.


Hippocampe, une création collective portée par Lylybeth Merle.

Créé au Théâtre Varia

Performances Blanket La Goulue, Massimiliano Mucedda; Chaymi Blu, Melissa Diarra; Drag Couenne, Adrien de Biasi ; Jean Cloud, Laure Lapel; Dame Lylybeth, Lylybeth Merle; MamaTituba, Joy Gervais; Tea Tree, Marie Burki; Mario Lapoutre, Anna Solomin; Jessica Rabote, Médéa Anselin; Rose Gigot, Zaëll De Coster; Coucou, Tom Geels Son Baxter Halter Lumières Louis Viste Scénographie Camille Collin Régie générale Clara Cmb Collaboration technique et logistique Anna Solomin Costumes Lion Ascendant Connasse Dramaturgie Camille Khoury Drag Academy Blanket la Goulue, Queer Faith and the Many, King Baxter, Rose Gigot, Drag Couenne Documentaire et vidéo Elisa Vdk Développement, production et diffusion Habemus papam Remerciements à Guillaume Fooy, Caroline Godart et Ines Isembi

Coproduction avec le Théâtre Les Tanneurs, le Théâtre Varia, La Balsamine, La Coop asbl et Shelter Prod. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles-Service du Théâtre, de la Commission communautaire française, de l’Echevinat de la Culture de la Ville de Bruxelles, l’Atelier R, La Roseraie, Le Tipi, le Festival Courant d’Airs, Coqu’Arts, LookIN’OUT, le Théâtre de la Montagne Magique, La Bellone, Factory et La Chaufferie-Acte1, taxshelter.be, ING et du tax- shelter du gouvernement fédéral belge.

Reprise: du 3 au 7 octobre 2023 à La Balsamine, Bruxelles

La Sœur de Jésus-Christ

C’est l’histoire d’une jeune femme déterminée. Sortant de chez elle au petit matin, pistolet à la main, elle entreprend la marche de sa vie. Une traversée du village de laquelle personne ne pourra la détourner. Elle, c’est Maria, la sœur de Jésus Christ, surnom donné à son cadet aux cheveux longs, recruté pour interpréter le Messie dans les processions de ce petit village écrasé par le soleil des Pouilles. Maria, on ne l’entendra pas. Son récit, son avancée sont racontés pas après pas par le chœur des habitants du patelin. Tous voient celle qui a été trahie gravir les marches de sa vengeance. Vieillards, commerçants, jeunes du coin, tous savent qu’aucun obstacle ne viendra l’interrompre. L’auteur italien Oscar De Summa raconte dans La Sœur de Jésus-Christ un coin d’Italie, sa hiérarchie sociale, ses croyances autant que ses mythes, et, par les voix détournées, un récit de la condition des femmes et, en miroir, de la domination masculine. Une sorte de western féministe, par son histoire de vengeance, ou, comme préfère la définir l’auteur, une histoire initiatique, de prise de conscience.

Il fallait tout le savoir-faire et le « nez » de Georges Lini pour nous faire découvrir ce texte extraordinaire et si bien le faire incarner par Félix Vanoorrenberghe. Vu à plusieurs reprises dans les créations du directeur artistique de la compagnie Belle de nuit, le jeune comédien, par sa maîtrise du plateau et du texte volubile de l’auteur italien, se glisse (littéralement) dans les habits de toutes celles et ceux qui croiseront la route de Maria. Il parvient à partager une urgence, à rapporter un fait extraordinaire dans un quotidien méridional fait d’habitudes. Accompagné de la multi-instrumentiste Florence Sauveur et ancré sur un plateau de plus en plus habité au fil de la pièce grâce à l’ingéniosité scénographique de Charly Kleinermann et Thibaut De Coster, il fait de ce coup de poing textuel et scénique, un joyau d’épure dramaturgique, littéraire et scénographique. N.N.


La Sœur de Jésus-Christ, d'Oscar De Summa (traduction de Federica Martucci), mise en scène de Georges Lini

Créé au Théâtre de Poche

Avec Félix Vannoorenberghe Musicienne et compositrice Florence Sauveur Collaboration dramaturgique Nargis Benamor Création vidéo Sébastien Fernandez Scénographie et costumes Charly Kleinermann et Thibaut De Coster Création lumière Jérôme Dejean Direction musicale et composition François Sauveur  Création sonore et composition Pierre Constant Coproduction Théâtre de Poche, Compagnie Belle de Nuit, La Coop asbl et Shelter Prod. Avec le soutien du taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge.

Dena Princesse guerrièreQuatre femmes en une, promettait Dena dans la bande annonce de son one-woman-show. Autant d’identités avec lesquelles jongle l’autrice et stand-uppeuse Dena Vahdani. C’est d’abord une présence sur scène, dans sa combinaison qui rappelle l’iconique salopette de Coluche, Dena s’impose comme la maîtresse de cérémonie d’un spectacle à la première personne, comme le veut le genre. Princesse à la flamande, se définit-elle, puisque la Belgo-Iranienne a un pied des deux côtés de la frontière linguistique, faisant de cette particularité belgo-belge un des axes de son seul en scène, qu’elle joue d’ailleurs aussi en néerlandais au nord du pays. Ce n’est pas sans une délectation un peu coupable que le spectateur francophone écoutera la gourmandise avec laquelle l’humoriste dépeint les petites habitudes de nos compatriotes, à coup de tartines au fromage et d’ambiance austère de bureau. De l’Iran familial, Dena entend autant en retenir l’héritage de parents aimants, pointant toutefois les désaccords générationnels et déconstruisant les images d’Épinal que les Occidentaux ont de ce pays aussi méconnu qu’intriguant. Enfin, en titrant son spectacle de la sorte, celle qui se montre aussi drôle qu’attachante sur scène –sans aucun artifice- ne peut s’empêcher un clin d’œil pop à la série nineties Xena, princesse guerrière. Une héroïne devenue icône lesbienne, autre identité de celle qui fait de son spectacle un indispensable appel à la liberté et à la tolérance tout en déclenchant les rires d’un public conquis. Dena est une mosaïque, Dena est unique. N.N.


Dena Princesse guerrière, de Dena Vahdani.

Créé au Théâtre de la Toison d'Or.

A Very Eye

En baptisant leur compagnie Tumbleweed – du nom de ces amas séchés de fines branches virevoltant au ras du sol, au gré du vent, parfois sur de grandes étendues –, Angela Rabaglio et Micaël Florentz préfiguraient la rotation intrinsèque de leur travail depuis le duo The Gyre (2018), avec le tourbillon pour matrice hypnotique et la marche comme pierre angulaire. Les mêmes ingrédients – arpentage, rotation, lien, distance – entrent dans la composition de ce nouvel opus. Avec une différence notable : A Very Eye se diffracte en six corps évoluant parmi le public, de plain-pied, en sorte de mettre en évidence les interstices entre les individus, les interdépendances entre les territoires. À la fois abstraite et organique, géométrique et follement fluide, la pièce explore la matière qui se meut et s’offre à autant de lectures qu’il y a de personnes présentes pour éprouver ses métamorphoses, ses synchronicités, ses logiques, ses motifs entrecroisés. «Comment on négocie d’être ensemble, comment on reste soi-même en formant un tout, mais sans s’y fondre» : ces pistes exploratoires, travaillées à six, donnent matière à de multiples interprétations qui vont de la physique atomique à l’architecture arabo-andalouse, du tissage à la dynamique des bancs de poissons, du folklore dansé à l’écoute des trajectoires. Avec toujours à l’esprit cet œil évoquant le cyclone autant que le regard et sa tendresse. Et cette magie indicible, indispensable: vivre ensemble un moment intimement singulier, s’immerger collectivement dans un bain de beauté. M.B.


A Very Eye, de Angela Rabaglio et Micaël Florentz (compagnie Tumbleweed)

Créé aux Brigittines


Concept et chorégraphie Angela Rabaglio et Micaël Florentz Avec Sergi Parés, Mona Felah, Charlie Prince, Jeanne Colin, Angela Rabaglio, Micaël Florentz Lumières et scénographie Arnaurd Gerniers Musique Anne Lepère Œil extérieur Christine Daigle, Melissa Rondeau, Esse Vanderbruggen Costumes Mélanie Duchanoy Recherche Christine Daigle,TingAn Ying, Olivier Hespel. 

Production Tumbleweed asbl Communication/distribution Quentin Legrand (Rue Branly) Coproduction Charleroi Danse (BE), Les Brigittines (BE), CCN2 Grenoble (FR), CCN Tours (FR), CDCN Pole Sud Strasbourg (FR), Cultuurcentrum Brugge (BE), Dansateliers Rotterdam (NL)

Yousra Dahry

Anderlechtoise aux racines marocaines, 34 ans, éducatrice spécialisée, animatrice et chroniqueuse radio, comédienne, autrice de slam et ayant lancé avec Souhail Sefiani la websérie L’Instant Thé, Yousra Dahry livrait en septembre 2022 au Rideau – encouragée par Cathy Min Jung – son premier solo, écrit et interprété par elle, mis en scène par Mohamed Ouachen sous le regard dramaturgique de Bwanga Pilipili.

Kheir Inch’Allah commence comme un autoportrait teinté de stand up, avec un va-et-vient entre les époques et les étapes d’une vie marquée par les drari, ces « frères » à la fois frondeurs et protecteurs qui peuplent en bande les coins de rue de nombreux quartiers bruxellois.

Entre son propre rôle et les figures de son entourage, entre finesse et caricature, Yousra Dahry manipule avec adresse les curseurs du seul-en-scène. Peu à peu se révèle un chemin de soi à soi. De celle qui vanne, qui se débrouille, qui roule des mécaniques – coulée dans le moule du fils qu’attendait son père –, à celle qui affronte « des murs et des murs de tristesse et de peur ». De celle qui décortique le syndrome de l’enfant unique qui pense tout en équipe: « le couple, la famille, et même la religion », à celle qui intériorise « les moments d’impuissance ».

L’humour efficace, le trait vif, l’attitude croquée d’un haussement de sourcil: tout est là pour emporter la salle. L’humilité, la vulnérabilité assumée en miroir de la force: et voici ce même public – majestueusement divers – cueilli par l’émotion. Révélation.


Yousra Dahry,

Dans Kheir Inch'Allah, de Yousra Dahry, mise en scène de Mohamed Ouachen.

Créé au Rideau de Bruxelles.


Texte et interprétation Yousra Dahry Mise en scène et dramaturgie Mohamed Ouachen Assistante dramaturgie et production Samira Hmouda Regard dramaturgique Bwanga Pilipili Scénographes-costumières Selay Ovski et Rabia Id’Said Création lumière Tarek Lamrabti Régie générale Valentine Bibot Régie lumière Gauthier Minne ou Valentine Bibot Photo visuel Roman Laschov Photos de spectacle Anne-Flore Mary.

Coproduction Le Rideau, Citylab Pianofabriek. Avec le soutien de la VGC et de Mestizo Arts Platform/WIPCOOP. Production déléguée/diffusion Le Rideau.


Reprises: Du 7 au 29 juillet 2023 au Théâtre Épiscène, Avignon, et le 11 avril 2024 au Centre culturel d’Uccle.

La Fracture

«Le traumatisme de mon père, c’est l’Algérie; le mien, c’est la maladie de mon père, et comment un trauma se transmet, se transforme», confiait Yasmine Yahiatène avant l’éclosion de sa première création scénique. Formée d’abord aux Beaux-Arts, à Tournai (dans la section «Recherche plastique et tridimensionnelle»), puis au mapping vidéo, la jeune artiste a fait de l’intime politique le sujet de sa pièce – les liens entre le passé colonial franco-algérien, l’histoire familiale, l’alcoolisme paternel. Des thèmes déjà abordés en école d’art.

La Fracture naît d’une « envie de plateau sans quitter la vidéo ». Il y aura donc de l’image filmée, avec la complicité de Samy Barras, où des images d’archives – y compris des souvenirs d’enfance – se mêlent aux schémas, silhouettes et visages esquissés au feutre blanc, à même le plateau, par la plasticienne-performeuse. « Mon père, je le dessine, et je m’adresse à ce dessin. C’est une façon de contenir l’émotion. » Comme Ahmed Yahiatène, personnage plein d’ellipses, contenait la sienne. Le silence, le tabou et la honte sont les mots-clef de ce spectacle aussi généreux de méandres et de sensations, qu’économe en paroles – avec le foot pour gimmick dramaturgique, autofictionnel, symbolique et temporel. Choisis et rares, les mots s’insinuent dans La Fracture avec la puissance de la simplicité, dans une composition graphique où le dessin et la vidéo s’articulent avec justesse, voire audace.  


La Fracture de Yasmine Yahiatène

Créé à l’Atelier 210, coprésentation Kaaitheater


Conception et interprétation Yasmine Yahiatene Dramaturgie et co-conception Sarah-Lise Salomon Maufroy Collaboration artistique et co-conception Olivia Smets et Zoé Janssens Créateur sonore Jérémy David Créateur vidéo Samy Barras Créatrice lumière Charlotte Ducousso

Production déléguée atelier 210 Coproduction et co-présentation Kaaitheater, en coproduction avec Buda (coutrai), Little Big Horn asbl, la Coop asbl et Shelter prod. Avec le soutien de la Fédération Wallonie Bruxelles (Bruxelles), Buda (Coutrai), Kunstenwerkplaats (Bruxelles), Citylab (Bruxelles), Darna asbl (Bruxelles), Ville de Bruxelles (Bourse Kangoroe), Centre Wallonie Bruxelles (Paris), Montevideo, centre d’art, (Marseille), Espace Senghor (Bruxelles), Cie L’hiver nu (Mende), Le Sillon Lauze (Marvejols), de la VGC, de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge.


Reprise: du 7 au 11 novembre 2023 au Théâtre Varia (Ixelles).

Jusque dans nos lits

Radicale la forme, simple le concept, captivant – et mouvant, émouvant – le résultat. Par l’installation Jusque dans nos lits, Lucile Saada Choquet essaie d’établir « une dramaturgie de l’hospitalité : créer les conditions d’un accueil, pouvoir faire émerger une parole ». Le principe: la performeuse convie parmi le public les personnes racisées – noires, arabes, berbères, métisses, asiatiques, latinas... – qui le souhaitent à venir la rejoindre sur un lit ceint de rideaux de tulle. Chaque rencontre se déroule en tête à tête, pendant 30 minutes. Le dialogue qui se noue là embrasse les expériences et les vécus, de la charge raciale, de la discrimination, du rapport aux origines, les obstacles et les joies, la vulnérabilité et la puissance des corps divers. Lucile Saada se définit comme femme adoptée, artiste et artiviste décoloniale. Cette première création, au dispositif suffisamment léger pour se reconfigurer à l’envi, questionne le trauma colonial sous l’angle d’une possible réparation collective. L’espace-temps inédit ainsi établi, dédié à la non-productivité, célèbre par la confiance le pouvoir de la parole autant que de l’écoute. C’est la réponse de l’autrice et performeuse à la légitime colère souvent brandie – par les angry black women, notamment –, à l’épuisement des personnes racisées militantes. « D’où le besoin d’un espace de soin, où on ne va pas éduquer, où on peut se reposer. » En marge d’un monde violent, un espace « à nous, fait pour nous et par nous, forcément pas sans nous », où peut se déployer une radicale politique de la douceur. M.B.


Jusque dans nos lits, de Lucile Saada Choquet

Créé à Café Congo. Joué au Rideau, au Varia, et en divers autres lieux.


Conception et performance Lucile Saada Choquet Dramaturgie Petra Van Brabandt Scénographie Aria Ann Régie Inès Isimbi Costumes Pierre-Antoine Vettorello  Développement, production, diffusion Habemus papam - Cora-Line Lefèvre et Julien Sigard Visuel Gabriel Maydieu, Anne Reijniers

Production avec le compagnonnage de Café Congo (Bruxelles) Projet accueilli et soutenu dans le cadre du réseau REM – Résidences Européennes en Mouvement. Une collaboration Balsamine (Schaerbeek/Belgique), Grütli (Genève/Suisse), Théâtre de Poche (Hédé-Bazouges/France). Soutiens La Chaufferie – Acte 1, La Bellone, Mons/Mars et le Rideau de Bruxelles. Aide Fédération Wallonie-Bruxelles, service général de la Création artistique.

Reprise: Du 1er avril au 31 mai 2024, tournée en préparation.