Tita Iacobelli
Une vieille dame au visage creusé apparaît d’un pas chancelant : elle est attendue dans ce théâtre pour interpréter une dernière fois La Mouette de Tchekhov. Mais sa mémoire l’abandonne, elle confond les temps et les lieux, et dans son esprit fatigué, fiction et réalité s’entremêlent.
Tchaïka est une marionnette à taille humaine, manipulée par Tita Iacobelli, artiste chilienne qui mène depuis 2001 un brillant parcours d’actrice et de marionnettiste. C’est à Santiago qu’elle rencontre Natacha Belova, autre spécialiste du genre bien connue de nos scènes, et qu’elles décident de créer ensemble Tchaïka ("mouette" en russe).
Seule en scène, Tita Iacobelli habite magnifiquement son personnage, tout en assumant la distance que suggère la marionnette. Elle fait vibrer Tchaïka, cette actrice attachante qui s’accroche passionnément à la vie et à son métier, au-delà des désillusions et des années qui passent. Avec une virtuosité prodigieuse, elle donne voix à tous les échos du passé qui émergent de ce cerveau déglingué, bribes de dialogues tchékhoviens qui se mêlent à sa vie. Enfin Tita Iacobelli joue subtilement de l’ambiguïté qui se fait jour au fil de la pièce : à travers une vertigineuse mise en abyme du théâtre et du temps, la marionnette apparaît peu à peu comme le double vieilli de la comédienne qui la manipule.
Enfin, avec sa complice Natacha Belova, Tita Iacobelli réussit admirablement à créer cette atmosphère tchekhovienne faite de mélancolie et de douce ironie. Et l’on n’oubliera pas, parmi d’autres images poétiques, sa main tendue pour recueillir des flocons de neige en suspens dans l’air. D.M.
Tita Iacobelli pour Tchaïka, de Natacha Belova et Tita Iacobelli.
Création belge au Festival au Carré (Mons).
Une production Ifo ASBL, en coproduction avec Mars-Mons arts de la scène, Théâtre Des Martyrs à Bruxelles, Atelier Jean Vilar à Louvain-La-Neuve.
Nominations
2019-2020